Les crevettes Palaemonidae sont issues d'un clade ancestral marin, qui a montré une tendance évolutive remarquable à s'adapter à des conditions non-marines, envahissant avec succès les milieux estuariens et limniques. Adulte, Macrobrachium amazonicum (A) est une espèce d'eau douce (ED) avec une stratégie d'exportation vers les estuaires des larves qui ont besoin d'eau salée pour se développer. Des populations se sont trouvées au cours du temps isolées en ED ; elles ont récemment été décrites comme une nouvelle espèce, M. pantanalense (P), qui a acquis au cours de son évolution la capacité d'effectuer tout son cycle en ED, grâce à l'acquisition de l'hyper-osmorégulation en ED dès l'éclosion, et en perdant l'hypo-osmorégulation en eau salée. Ces deux espèces représentent un bon modèle pour la reconstruction des transitions évolutives des crevettes de l'eau salée à l'ED. L'objectif de ce travail est de comprendre les différences liées à l'adaptation physiologique et moléculaire à l'ED et donc à l'osmorégulation entre les deux espèces au cours de l'ontogénèse. Pour cela nous avons étudié l'ontogenèse comparative des organes osmorégulateurs, en particulier de la cavité branchiale, et la localisation et expression de différents transporteurs ioniques. Au niveau structural, aux stades larvaires, P a un développement branchial plus précoce que A. La Na+/K+ ATPase (NKA) a été essentiellement immunolocalisée au niveau des branchies chez P et au niveau des branchiostégites chez A aux mêmes stades larvaires. Ceci suggère que la forte capacité d'hypo-osmorégulation durant l'ontogenèse de A est liée aux transports ioniques dans les branchiostegites, alors que les lamelles branchiales ne sont pas complètement développées. Sur le plan ultrastructural, les lamelles branchiales des deux espèces comportent deux types de cellules associées, les cellules septales et les cellules piliers qui toutes deux présentent des caractéristiques d'ionocytes. Une différentiation ultrastructurale a été observée au niveau des cellules piliers et de l'épithélium interne des branchiostégites suite à une acclimatation en ED. Ces cellules présentent des microvillosités apicales, profondes et nombreuses, ce qui semble être une adaptation aux faibles salinités permettant une absorption efficace d'ions. Les transporteurs ioniques impliqués dans l'osmorégulation ont été étudiés. La V-H+ ATPase (VHA) a été détectée au niveau des cellules piliers et de l'épithélium interne des branchiostégites. La NKA et l'échangeur Na+/H+ (NHE-3) ont été localisés au niveau des cellules septales. Des différences d'expressions géniques de la VHA, du NHE-3 et de la NKA ont été mesurées en comparant les 2 espèces à certains stades de développement. La distribution différentielle de ces transporteurs entre les cellules piliers et septales suggère que ces deux cellules pourraient fonctionner comme un complexe cellulaire pour absorber ou sécréter des ions. Chez P, la capacité de tous les stades à hyper-réguler en ED peut provenir du développement précoce des branchies fonctionnelles, et la perte de l'hypo-régulation peut être liée au manque de transports ioniques au niveau des branchiostégites. Enfin, les glandes excrétrices antennaires produisent de l'urine hypotonique chez les juvéniles et adultes des deux espèces en ED, ce qui diminue les pertes ioniques. Ces résultats illustrent des adaptations évolutives (perte et gain de fonctions) qui ont permis l'invasion des habitats d'ED. / Palaemonid shrimps originate from an ancestral marine clade showing a remarkable evolutionary ability to adapt to non-marine conditions, successfully invading estuarine and limnic habitats. Macrobrachium amazonicum (A) is a freshwater (FW) species as an adult with an export strategy toward estuaries of larvae requiring salt water for their development. Over time, some populations ended up isolated in FW; recently, they have been described as a new species, M. pantanalense (P), which during its evolution has become able to complete its entire life cycle in FW, thanks to the acquisition of hyper-osmoregulation in FW from hatching, while loosing hypo-osmoregulation in salt water. The two species offer a valuable model to reconstruct the evolutionary transitions of shrimps from salt water to FW. The objective of this study was to decipher the differences in physiological and molecular adaptations to FW, thus in osmoregulation, between both species during ontogeny. We studied the comparative ontogeny of osmoregulatory organs, particularly the branchial chamber, and the localization and expression of ion transporters. During the larval phase, we found that the gill development starts earlier in P than in A. Na+/K+ ATPase (NKA) was mainly localized in gills of P and in branchiostegites of A at the same larval stages. This suggests that the high capacity to hypo-osmoregulate during the ontogeny of A originates from ionic transports in branchiostegites, while gill lamellae are not fully developed. In both species, the gill lamellae contain two associated cells types, septal and pillar cells, displaying features of ionocytes. After FW acclimation, ultrastructural differences were observed in pillar cells and in the inner epithelium of branchiostegites. These cells possess numerous deep apical microvilli, a possible adaptation to low salinities for efficient ion uptake. Regarding ion transporters involved in osmoregulation, V-H+ ATPase (VHA) was detected in pillar cells and in the inner branchiostegite epithelium. NKA and Na+/H+ exchanger (NHE-3) were localized in septal cells. Differences in VHA, NHE-3 and NKA gene expression were observed by comparing the two species at certain developmental stages. The differential distribution of these transporters between pillar and septal cells suggest that these two cells may function as a cell complex for ion absorption or secretion. In P, the capacity of all stages to hyper-regulate in FW may originate from the early development of functional gills; and the loss of hypo-regulation may originate from an absence of ion transport in branchiostegites. Finally, the excretory antennal glands produce hypotonic urine in juveniles and adults of both species in FW, thus reducing ion loss. These results illustrate evolutionary adaptations (gain and loss of functions) that have permitted the invasion of FW habitats.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014MON20061 |
Date | 05 December 2014 |
Creators | Boudour, Nesrine |
Contributors | Montpellier 2, Boulo, Viviane, Nebel, Catherine, Charmantier, Guy |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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