La rencontre du théâtre et du carnaval est aussi ancienne que le carnaval lui-même. D’une part, les cérémonies et les comportements collectifs possèdent, en propre, une dimension spectaculaire ; d’autre part, les jeux dramatiques font partie intégrante du rituel. Dans la France d’Ancien Régime, les réjouissances du carnaval sont un temps fort du calendrier, qui occupe toute la société pendant plusieurs semaines, des Rois au Carême. Les comédies créées pendant cette période, au Théâtre-Italien, à la Comédie-Française, à la Foire Saint-Germain, se rattachent explicitement à la coutume et s’insèrent dans son cycle cérémoniel. Plus largement, tirant parti de cette proximité calendaire, les dramaturges recourent au langage symbolique du carnaval, à celui du charivari, pour inventer un système de représentation du réel qui en offre un mode d’intelligibilité spécifique. Une langue pleine d’équivoques scabreuses et de saillies ordurières, des lazzis outrés et obscènes, un univers fantaisiste et bouffon, des personnages extravagants et burlesques : les modèles comiques qui se développent, de 1680 à 1720, sont à rattacher à la culture carnavalesque et à son imaginaire mythico-rituel. Les croyances et les pratiques symboliques innervent la création dramatique et participent à la construction de son sens, en lien étroit avec le contexte historique dans lequel s’inscrivent les œuvres. Il convient de restituer à ce théâtre la dimension anthropologique qui est la sienne, si l’on veut accéder à sa raison esthétique. La comédie de mœurs offre alors un nouveau visage : représentant la société contemporaine comme un monde à l’envers sur lequel règnent des souverains parodiques, elle revêt des enjeux idéologiques et possède une portée politique. Parallèlement, c’est aussi le concept critique de « carnavalesque » qui apparaît sous un jour inédit. / The meeting of theatre and carnival is as old as carnival itself. On the one hand, ceremonies and collective behaviour have a spectacular dimension in themselves; on the other hand, dramatic performance is an integral part of the ritual. In the early modern France, celebrating carnival was a key moment of the year, and kept the whole society busy for several weeks from Epiphany (or Twelfth Night) to Lent. The comedies created during that period at the Théâtre-Italien, at the Comédie-Française or at the Saint-Germain Fair, are explicitly related to the custom and fit into its ceremonial cycle. More generally, playwrights took advantage of the calendar proximity and used the symbolic language of carnival, that of charivari, to invent a system of representation of reality that offers a specific mode of intelligibility. A language full of lewd ambiguities and bawdy sallies, offensive, obscene lazzi, a fanciful, farcical universe, extravagant and burlesque characters: the comic models that developed, from 1680 to 1720, are to be related to the carnivalesque culture and to its mythical and ritual imaginary world. Symbolic beliefs and practices pervade the dramatic creation of that time and partake in the construction of its meaning, in close connection with the historical context within which the works are framed. It is necessary to restore their anthropological dimension to these plays to grasp their aesthetic purpose. The comedy of morals after Molière then offers a new face: as the plays represent the contemporary society as a world that has been turned upside down and that is ruled by parodic monarchs, they tackle ideological issues and have a political significance. It is also the critical concept of "carnivalesque" that appears in a new light.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018USPCA123 |
Date | 05 December 2018 |
Creators | Négrel, Éric |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Sermain, Jean-Paul |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0026 seconds