L’objet de cette thèse est de replacer la Constitution de la Fédération de Russie, adoptée par référendum le 12 décembre 1993, dans ses différents contextes de production. En effet, ce texte juridique est à la fois le produit d’une Histoire courte et d’une Histoire longue, d’un conflit intra-élite et d’une somme de représentations héritées des périodes précédentes et reconstruites à la fin des années 80 et au début des années 90. Ainsi, il ne semblait pas suffisamment pertinent de limiter notre étude au processus rédactionnel proprement dit, entamé à l’été 1990. Nous avons pris le parti de tenter de reconstituer ce que pouvait être l’« épistémè », les représentations politico-juridiques, des acteurs ayant joué un rôle décisif dans la discussion de la Constitution. Ce parti nécessitait de retracer les occurrences les plus significatives de l’Histoire du droit et des institutions en Russie tsariste et en Union Soviétique. Cette démarche fait l’objet de la première partie de la Thèse, « La Péréstroïka comme réceptacle, révolution et modèle ». Il ressort de l’analyse que malgré la présence de traditions intellectuelles libérales et d’institutions proto-parlementaires, la tradition dominante, et acceptée comme telle par les rédacteurs de la Constitution russe, est largement antijuridique et autoritaire. C’est dans ce contexte que les acteurs de la Ière République russe ont cherché à puiser dans les modèles étrangers (américain et français en particulier) et les modèles théoriques du Droit constitutionnel (régime parlementaire et régime présidentiel) pour créer le nouvel agencement institutionnel. La seconde partie de la thèse, « Le processus de rédaction de la Constitution de 1993 », porte sur l’Histoire courte, c’est-à-dire sur les années 1990-1993 qui ont vu s’affronter deux camps, tant sur le plan politique que constitutionnel. Le camp du Congrès des députés du peuple emmené par son Président Rouslan Khasboulatov défendait un projet permettant d’assurer la domination du Parlement, alors que le camp du Président de la Fédération, emmené par Boris Eltsine, cherchait à imposer un projet assurant à la présidence une position dominante. De part et d’autre, les modèles empiriques et théoriques du Droit constitutionnel furent instrumentalisés et largement trahis. Entre ces deux camps, la Commission constitutionnelle crée au sein du Congrès des députés du peuple cherchait, à travers ses différents projets, à trouver un agencement équilibré nourri des expériences étrangères et de la science du Droit constitutionnel. Le camp de la présidence réussit finalement à faire prévaloir ses vues, dans le cadre d’une Conférence constitutionnelle organisée en juin 1993, mais surtout par sa victoire politique sur le camp du Congrès suite à la crise d’octobre 1993. Le texte adopté par référendum le 12 décembre 1993, très favorable à la Présidence, peut être considéré comme l’héritier de ce conflit, mais également en partie comme l’héritier des traditions politiques russes et soviétiques. / The aim of this dissertation is to analyse the Constitution of the Russian Federation passed by referendum on 12 December 1993, in its various contexts of production. Indeed, this legal text is both the result of a short history and of a long history, of an intra-elite conflict and of an amount of representations, inherited from the past and rebuilt at the end of the 80’s and at the beginning of the 90’s. We chose to attempt to reconstruct what has been the « épistémè », the legal and political representations of the key actors of the constitutional discussions. This choice made it necessary to recount the most significant facts and conceptions of the legal and institutional history of Tsarist Russia and Soviet Union. This approach is found in the first part of this dissertation, « Perestroika as a recipient, a revolution and a model ». It appears that despite the existence of liberal traditions and proto-parliamentary institutions, the dominant tradition, granted as such by the drafters of the Russian Constitution, is basically anti-juridical and authoritarian. It is in this context that the actors of the first Russian Republic tried to use foreign patterns (mostly American and French) and the theoretical patterns of Constitutional law (parliamentary regime and presidential regime) in order to create the new institutional design. The second part of the dissertation, « The redaction process of the Constitution of 1993 », deals with short history, that is years the 1990-1993 during which two sides challenged each other, both on a political and on constitutional grounds. The side of the Congress of People’s Deputies led by its President, Ruslan Khasbulatov, promoted a project of Parliament domination, while the side of the President of the Federation promoted a project of President domination. On both sides, empirical and theoretical patterns of constitutional law were exploited and their true meanings betrayed. Between these two sides, the Constitutional Commission created by the Congress of People’s Deputies, through its several drafts, tried to find a balanced design on the basis of foreign patterns and of the science of constitutional law. Finally, on the side of the President there was success in making its conceptions prevail, within a Constitutional Conference organized in June 1993, but mainly through its political victory of October 1993. The text passed on 12 December 1993, very much in favor of the Presidency, can be considered as the heir of this conflict, but as well partly as the heir of Russian and Soviet political traditions.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013PA05D003 |
Date | 03 July 2013 |
Creators | Gardères, Nicolas |
Contributors | Paris 5, Guillenchmidt, Michel de, Rouvillois, Frédéric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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