Les soins palliatifs semblent en crise entre care et cure. Si leur émergence est apparue comme une nécessité devant le scandale humain que constituait l’abandon du malade en fin de vie, considéré au même titre que la mort comme honteux dans les années 1970, leur philosophie n’a pas pu toujours s’imposer comme suffisante. La discipline, dont la bénévolence et l’utilité ne sont plus à démontrer, se heurte à des freins psycho-sociaux internes et externes du fait de leur objet même : le mourant. Leur parfois « trop grande assurance » dans leur bien-fondé ne pourrait-elle pas relever d’une honte déniée se renversant dans son contraire ? Et la difficulté à se faire reconnaître comme médecine digne ne pourrait-elle pas se fonder sur un conflit épistémologique entre science médicale qui ne connaît pas la honte et sciences humaines qui peuvent l’analyser. Sachant que cette difficulté pour les soins palliatifs à se faire reconnaître semblerait également s’exacerber du fait d’un contexte social où la performance et la rentabilité constituent les fondements de l’organisation sociale. Il y a en effet dans notre société néolibérale une grande difficulté à apprécier dignes inconditionnellement le corps abîmé, la dépendance, la souffrance et l’agonie devenue savoir médical. La honte désigne plus souvent dans le langage courant le scandale et l’opprobre alors qu’elle entretient un lien avec la dignité, la pudeur et la culpabilité. Si elle est classiquement entendue comme un affect négatif duquel il serait légitime de se libérer, ce n’est plus possible dans la confrontation à la fin de vie. La honte est un phénomène bien présent dans la clinique palliative et pourtant elle ne peut se dire, se nommer et encore moins s’accepter. Traversant toutes les couches de l’étant humain (autrement dit du Dasein en terme heideggérien) des plus superficielles aux plus profondes jusqu’à atteindre l’inassumable de l’être dévoilé dans sa nudité première, ne serait-elle pas motrice des deux polarités du monde ? Elle se love dans le pire de la dégradation pour peut-être permettre une ouverture à une possible expérience ontologique thérapeutique. La reconnaissance d’une honte ontologique au même titre qu’une dignité ontologique permettrait de désigner une dignité hontologique, terme oxymorique faisant sens pour un accompagnement authentiquement fraternel. Une dignité hontologique permettrait-elle à notre société de mieux élaborer le clivage toujours persistant entre un accompagnement solidaire et une mort donnée et peut-être érigerait-elle mieux les soins palliatifs comme discipline digne travaillant de concert avec la techno-science / Palliative care is in crisis between care and cure. If their emergence appeared as a necessity in the face of the human scandal of abandoning the patient at the end of their life, considered in the same way as death as shameful in the 1970s, their philosophy could not always be sufficient. The discipline, whose volunteerism and usefulness are well established, faces internal and external psycho-social brakes because of their very purpose: the dying person. Could not their sometimes "too great assurance" in their merit, be a denied shame, which reverses in to its opposite? And the difficulty of being recognized as a worthy medicine could not be based on an epistemological conflict between medical science that does not know shame and human sciences that can analyze it. Knowing that this difficulty for palliative care to be recognized would also seem to be exacerbated by a social context where performance and profitability are the foundations of social organization. There is indeed in our neoliberal society a great difficulty to appreciate unconditionally the worth of the damaged body, of dependence, suffering and agony in becoming medical knowledge. Shame more often denotes scandal and opprobrium in every language when it is linked to dignity, modesty and guilt. If it is classically understood as a negative affect from which it will be legitimate to free oneself, it is no longer possible in the confrontation at the end of life. Shame is a phenomenon that is very present in the palliative clinic and yet it cannot be said, to name oneself and even less to accept oneself. Crossing all the layers of the human being (in other words, Dasein in Heideggerian terms), from the most superficial to the deepest, until reaching the unbearable being unveiled in its primary nudity, would it not be the driving force of both polarities of the world ? It is the worst degradation which perhaps allowsan opening to a possible therapeutic ontological experience. The recognition of an ontological shame in the same way as an ontological dignity would make it possible to designate a hontological dignity, an oxymoronic term that makes sense for an authentically fraternal accompaniment. Would a moral dignity allow our society to better elaborate the ever-lasting division between supportive care and a given death, and perhaps make palliative care a worthy discipline working in tandem with techno-sciences
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018PESC2201 |
Date | 05 February 2018 |
Creators | Averous, Véronique |
Contributors | Paris Est, Fiat, Éric |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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