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Verrou ou vitrine? : politiques du visa Schengen en Algérie et en Chine

L'Algérie et la Chine figurent toutes deux sur la liste, commune aux États membres de l'Union européenne (UE), des nationalités soumises à l'obligation de visa Schengen pour voyager à destination d'un ou plusieurs pays européens. En Chine, plus de 95% des visas demandés sont délivrés par les consulats des pays Schengen, mais en Algérie, près d'un dossier sur deux est refusé. Partant d'un tel écart, la thèse interroge le visa Schengen comme l'instrument d'une mobilité à deux vitesses. Ce faisant, elle propose de questionner la production, la légitimation et l'éventuelle contestation de la répartition inégale de la liberté à se déplacer. D'un point de vue théorique, la thèse s'appuie sur l'approche de l'instrumentation, qui conduit à décomposer l'analyse du visa Schengen en quatre niveaux (communautaire, politico-diplomatique, bureaucratique, public). D'un point de vue méthodologique, cette recherche articule deux enquêtes de terrain auprès des consulats français d'Alger et Beijing, et une série d'entretiens menés avec les décideur∙ses français∙es et européen∙nes entre Bruxelles, Paris et Nantes. Tout d'abord, la thèse souligne que le visa Schengen comprend, dès sa négociation par les acteurs européens, des conceptions antagonistes de la mobilité, orientées vers la lutte contre l'immigration irrégulière, mais aussi vers des considérations économiques ou encore d'ordre diplomatique. Ensuite, les fonctions de régulation du visa Schengen sont redéfinies au cas par cas. Dans le cas de l'Algérie, la rareté du visa se comprend à la lumière de la relation postcoloniale avec la France, qui adopte dans ce pays tiers une « politique du robinet des visas », où le verrouillage de l'accès à la mobilité coexiste avec des facilitations soit exceptionnelles, soit réservées aux élites. En Chine, on assiste à l'inverse à une mise à l'agenda du visa au service de l'attractivité touristique. À Beijing, les consulats européens se disputent les parts du marché global des demandeur∙ses de visa chinois∙es, cadré∙es comme touristes dépensier∙es dont il faut faciliter la mobilité. Cette politique du chiffre crée alors une dissonance chez les agent∙es visa, socialisé∙es à l'impératif de lutte contre le « risque migratoire ». Enfin, la thèse met en évidence, à travers l'immersion ethnographique dans chaque terrain, que les bureaucrates et les demandeur∙ses de visa détiennent un pouvoir discrétionnaire, leur permettant de renégocier, selon des dispositions organisationnelles et individuelles, la distribution de la mobilité. À la lumière de ces différents résultats, la thèse permet d’établir que la régulation de la mobilité à plusieurs vitesses par le régime de visa Schengen se joue à plusieurs échelons : entre pays exemptés et ceux obligés ; entre pays de la liste négative ciblés par des logiques différentes, et entre ressortissant∙es d'une même nationalité. Cet instrument donne donc à voir une production complexe des inégalités de mobilité globales et infranationales, créant des lignes de démarcation entre désirables et indésirables. / Algeria and China both feature on the European Union's (EU) list of third country nationals that are subjected to Schengen visa requirements for short-term travel to one or more European countries. In China, over 95% of visa applications are accepted, while in Algeria, almost one out of two visa applications are refused. To understand this discrepancy, the thesis examines the Schengen visa as the instrument of a two-tier mobility. Hence, this research, analyses the production, legitimation, and possible contestation of the unequal distribution of mobility. The theoretical framework of the dissertation relies on the approach of instrumentation, which leads to investigate four levels of analysis of Schengen visa policy (EU policymaking; bilateral migration diplomacy; implementation by bureaucrats and appropriation by applicants). The methodological approach rests on multisite fieldwork, including ethnographic observation of Schengen visa policy implementation by French consulates in Algiers and Beijing, and a series of interviews conducted with French and European decision-makers in Brussels, Paris, and Nantes. Firstly, the thesis highlights that, from the EU policy-making process onwards, the Schengen visa embodies antagonistic conceptions of the regulation of mobility: it seeks to curb irregular immigration, but also to promote economic growth and foster diplomatic relationships. As a result, the Schengen visa policy is a regime of compromise, entailing a contingent and random distribution of mobility. Then, the instrument and its functions are redefined on a case-by-case basis. In the case of Algeria, French consulates implement a restrictive visa policy. The Schengen visa primarily serves an immigration-reducing function from the former colony. The "locking policy" coexists with exceptional facilitations for elites only, which make the visa a rarity. By contrast, the case of China reveals the agenda-setting of a policy focused on tourism attractiveness. In Beijing, European consulates compete for the global market share of Chinese visa applicants, framed as “big-spender”-type tourists whose mobility must be facilitated. This run for attractiveness engenders a dissonance among consular agents, since they are conditioned to the fight against "migratory risk". Eventually, ethnographic immersion enables to emphasize that in both cases, bureaucrats and applicants all hold a discretionary power. It allows them to proceed to organisational and individual arrangements, which renegotiate the distribution of access to mobility. Overall, the thesis demonstrates that the regulation of multi-speed mobility by the Schengen visa regime is played out at several levels: between exempt and obliged countries; between countries on the negative list targeted by different logics, and between nationals of the same third country. In brief, his research reveals how one single instrument can assume very antagonistic regulatory functions. Schengen visa policies thus structure an unequal mobility regime, creating global and social demarcation between desirable and undesirable foreigners.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/26851
Date02 1900
CreatorsDupont, Juliette
ContributorsMérand, Frédéric, Saurugger, Sabine
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse
Formatapplication/pdf

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