L’expérience doit s’exposer pour se développer.La notion d’exposition a ici un double sens : celui de s’exposer pendant son activité, c’est-à-dire en prenant des risques ; mais aussi en exposant, à soi ou à autrui, une expérience vécue.C’est ainsi que l’accès au discours d’expérience des sauveteurs de montagne est devenu pour nous, par la spécificité de cette activité professionnelle, un espace dynamique, mêlant de façon permanente expérience, discours d’expérience et émotions.Il nous a fallu, pour mener à bien notre exploration, délimiter différents temps d’expérience et d’émergence des émotions. Nous avons distingué le temps du secours, celui de l’agir du sauveteur et de l’émergence de ses émotions éprouvées, qui ouvre une nouvelle expérience vécue ; le temps du discours sur cette même expérience accompagné de l’apparition d’émotions évoquées et partagées avec le chercheur, qui ouvre une nouvelle expérience de discours ; et celui du temps écoulé entre le secours et le discours s’y rapportant.La question était de rendre compte de l’influence du poids de l’expérience sur les discours d’expérience et réciproquement, de voir si le rappel discursif de certains événements pouvait contribuer au développement de l’expérience professionnelle du sauveteur.Pour saisir les enjeux de constructions, nous avons récolté des entretiens auprès de sauveteurs au bagage expérientiel plus ou moins important, des néophytes au plus chevronnés. Dans chaque entretien nous avons été en mesure d’identifier des DIESS (Discours Interactifs d’Expérience Significative de Secours), un outil précieux délimitant les discours spécifiques de secours à l’intérieur des histoires de vie recueillies. Pour en saisir la dynamique nous avons simultanément lancé trois types d’analyses : une analyse de contenu, une analyse des ruptures discursives et une analyse textuelle à l’aide du logiciel ALCESTE. La complémentarité de ces trois analyses nous a permis de sélectionner à l’aveugle un nombre restreint d’énoncés et de recueillir un grand nombre d’informations utiles à leur contextualisation à l’intérieur des discours d’expérience des sauveteurs.De ces différentes analyses nous avons dégagé deux axes de résultat. Tout d’abord, les DIESS présentent un lexique et des émotions évoquées de même nature, et ce quelque soit l’expérience du sauveteur. Nous avons interprété cela par la nécessité pour tous les sauveteurs de s’in-corporer à une communauté pour assurer leur sécurité, face aux risques pris dans leur métier.Le deuxième axe nous a permis de d’identifier à l’intérieur des DIESS, selon des critères de positionnement identitaire et d’engagement émotionnel, cinq configurations discursives : du «Etre Submergé par le dire» au «Plaisir dans le dire». Leur analyse nous a montré que seul un sauveteur expérimenté a accès à l’ensemble de ces configurations. En effet, le néophyte (mais aussi le secouriste chevronné dans certains contextes : secours récent, proximité intime avec la victime…) ne sont pas en mesure de sortir de la simple rétrospection, où le sauveteur existe, corps et âme, à travers ou « par » le secours. En revanche, le sauveteur expérimenté arrive à mettre à distance son corps vécu, porteur d’émotion évoquée et partagée, « dans » ses récits de secours. Il devient alors un acteur porteur d’un «je» dans une scène dont son action passé est le centre.Nous en avons conclu que les deux processus que nous avons repéré, l’incorporation dans une communauté et le rôle du corps vécu dans le discours d’expérience, participent à la formation et au maintien du personnage professionnel, et ce, d’autant plus rapidement que l’acteur se sera exposé physiquement et psychologiquement dans son agir (émergence de nombreuses émotions) et qu’il se sera confronté à une exposition de soi à soi et de soi à autrui. / Experience must be exposed in order to develop.With the word 'exposed', I mean two things: during an activity, someone can expose themselves to a risk, but I also mean that an experience can be revealed, told to someone else.Thus, listening to and analyzing the different stories given by mountain rescuers, who have a specific work activity, has become for me a dynamic space where experience, the narration of experience, and the feelings involved are closely linked.In order to explore this new field, I have had to distinguish different phases : first, the moment of rescue when various emotions are expressed. I have distinguished the time of rescue, when the rescuers are in full action and when their emotions appear. It leads the way to a new experience of life. Second, the time when the rescuers relate their experiences and when their emotions are expressed and shared with the researcher, and, third, the time that has elapsed between the moment of the rescue and its telling.My purpose was to try to show how the extent of experience influences the narration of experience, and to try to determine whether the fact of telling what happened can develop the rescuers' skills.Consequently, I have gathered interviews of rescuers, either experienced or newcomers to the job. In every interview I have been able to identify several kinds of DIESS. (Discours Interactifs d'Expérience Significative de Secours: interactive narratives about significant rescue situations. ) The DIESS are a precious tool that can determine the nature of a specific speech inside a storytelling about life. In order to seize the dynamics of the various speeches, I have simultaneously used three types of analysis: 1) a content analysis, 2) an analysis of the breaks in speech and 3) a textual analysis using ALCESTE software. The complementarity of these three types of analysis allowed me to select at random a limited number of statements and to gather an extensive number of informations helping to place them in context within the rescuers' narrations.From these different analyses, I have drawn two types of results. First, the DIESS show a pattern of words and emotions of the same kind, whatever the experience of the rescuer. I have interpreted that as the necessity for all rescuers to be integrated within a community in order to ensure their safety, faced by the risks of their job.The second type enabled me to distinguish five specific speech configurations within the DIESS, according to identity positioning and emotional involvement, ranging from "overwhelmed by talking" to "pleasure in talking". These analyses showed me that only experienced rescuers could master these different types of speech. In fact,inexperienced rescuers (but also experienced ones when placed in specific situations such as recent rescue experiences or close relationship with the victims) can only provide a basic narration of what happened , where the rescuers exists, body and soul, through the act of rescuing. On the other hand, experienced rescuers can place their bodies, the bearers of evoked and shared emotions, into perspective, within their accounts of rescue.I have concluded that the two processes that I have identified, the incorporation into a community, and the role of the body in the account of experience, contribute to the formation and the preservation of the members of the rescue profession. This process works all the quicker if the rescuers have been physically and emotionally exposed during their work (when a lot of emotions have arisen) and if they have been faced with exposing both themselves to themselves and to others through the telling of the experiences they have lived.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016CNAM1046 |
Date | 01 July 2016 |
Creators | Greco, Angelo |
Contributors | Paris, CNAM, Barbier, Jean-Marie |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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