Ce texte a comme sujet la confluence entre la création musicale et les sciences cognitives. Le but principal du travail a été de faire de la reconnaissance sur le terrain. Le présent texte est donc forcément incomplet, et ne servira que de point de départ pour une recherche substantielle. J’ai choisi comme thématique l’interactivité musicale, qui sera définie comme le dialogue musicien–machine. Je vais tenter d’approcher ce phénomène par multiples chemins, qui se superposent. Le thème restera au centre, et autour de lui, j’esquisserai sa relation avec plusieurs faits et phénomènes liés, en particulier : les langages naturels et formels, la question de l’interface à la création, l’intelligence artificielle, et les notions de mémoire et de sens. Ces approches mises ensemble constitueront l’étude des aspects des systèmes d’interactivité. Le vaste sujet de l’interactivité musicale est incrusté dans l’histoire de la musique d’ordinateur, une histoire qui date déjà d’un demi-siècle au moins. Par conséquent il sera nécessaire de cerner le cœur du sujet et de parcourir des cercles concentriques ou en spirale, pour gagner des connaissances qui nous permettent de comprendre mieux le phénomène. La procédure est un peu comme quand on observe une étoile avec l’œil nu : si on la regarde tout droit elle disparaît… La rétine est plus sensible à la lumière dans les côtés. Le texte est donc fatalement un collage consistant de plusieurs études d’envergure limitée. Malgré cela, il faut respecter les aspects importants propres au sujet, essayer d’esquiver le superflu et faire le plus possible de liens. La recherche est guidée par trois thématiques. Quelle est la matière, en d’autres termes, les composants et les processus qui constituent le système de proprement dit, utilisé dans la situation de performance musicale ? Deuxièmement, quelle est la relation entre recherche cognitive et outils technologiques à disposition ? Troisièmement, quelles implications est-ce que les technologies ont eues et auront d’autant plus à l’avenir sur la créativité musicale ? Depuis plusieurs années, les concepts qui sous-tiennent ce texte ont influencé mon travail de compositeur et performeur. J’ai fait des expériences en la matière au travers d’œuvres employant des dispositifs électroacoustiques de configuration variable : “Beda+” (1995), “Tusalava” (1999), “Leçons pour un apprenti sourd-muet” (1998-9), “gin/gub” (2000), “Manifest”[1] (2000), “Project Time”[2] (2001), “sxfxs” (2001), “Extra Quality” (2001-2), ”D!sturbances 350–500”[3]… Ces morceaux de musique sont nés d'une curiosité pour le fondement théorique de la cognition et le fonctionnement du cerveau humain. En particulier, je me suis consacré à analyser la situation de jeu dans laquelle a lieu un échange d’informations et d’initiatives musicales entre musicien et machine, qui agissent sur un degré équivalent de participation dans un système complexe. J’éprouve que cette situation ludique peut également servir d’outil de recherche ; elle est un peu comme un laboratoire, ou un banc d’essai, pour tester des hypothèses, qu’elles soient des propos limités à la musique, ou bien plus étendues, élargissant vers des terrains inhabituels. Étant compositeur, j’ai essayé de rendre l’étude ni trop limitée, ni strictement descriptive. J’ai ressenti le besoin d’analyser des travaux contemporains, ayant des composants scientifiques : les trois projets étudiés sont effectivement en cours de développement. Il s’agissait dans cette étude de capter plutôt leur raison d’être que de montrer leurs formes respectives dans un état finalisé, qui de toute façon n’est pas leur destin. Si la musicologie se contentait de démontrer des structures dans des œuvres de répertoire connues depuis longtemps, ou si elle s’enfermait dans un académisme technocrate développant des modèles n’expliquant que des choses qui sont évidentes pour les musiciens, alors elle souffrirait d’anémie. En proposant une hypothèse, elle doit comporter des aspects prédictifs. Ce serait encore mieux si des modèles développés en support à l’hypothèse étaient facilement accessibles et pouvaient servir au développement de nouveaux outils innovants. Cela est souhaitable, non seulement pour stimuler la production créative, mais également pour aider à mieux comprendre le fonctionnement de la créativité lui-même. L’activité musicale, au sens général, pour ceux qui la produisent autant que pour ceux qui l’apprécient, est un exercice essentiellement non-verbal dont le but est l’émergence d'une compréhension de la créativité humaine d’un ordre autre que verbal ou écrit. En étudiant la créativité, et surtout sa formalisation, ne risquerait-on pas de la dénaturer ? Peut-être la créativité ne risque-t-elle pas de s’effondrer dans la recherche ? Que restera-t-il de la création musicale le jour où une machine aura composé une œuvre capable d’émouvoir les auditeurs ignorant tout de son mode de fabrication ? Néanmoins, en suivant l’appel de William Faulkner, “kill your darlings”, espérons transcender la créativité telle qu’on la connaît et aller vers des pays musicaux inouïs. / <p>QC 20151217</p>
Identifer | oai:union.ndltd.org:UPSALLA1/oai:DiVA.org:kth-177670 |
Date | January 2003 |
Creators | Lindborg, PerMagnus |
Publisher | Université de Paris IV Sorbonne, Université de Paris IV Sorbonne |
Source Sets | DiVA Archive at Upsalla University |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Licentiate thesis, monograph, info:eu-repo/semantics/masterThesis, text |
Format | application/pdf |
Rights | info:eu-repo/semantics/openAccess |
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