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La société des eaux cachées du Saïss : l’analyse d‘un basculement autour de l’extraction des eaux souterraines profondes au Maroc / The society of hidden waters of the Saïss : the analysis of a shift toward deep groundwater resources extraction in Morocco

L’usage des eaux souterraines est à l’origine de l’expansion de l’économie agricole du Saïss, une région située au Nord du Maroc. Bien que cachées dans les sous-sols, les eaux souterraines de l’aquifère du même nom sont mises en visibilité par les objets techniques, intermédiaires indispensables à leur exploitation. D’une grande diversité, ces objets incluent les ouvrages d’exhaure (puits, forages, puits-forés) et leurs équipements (moteurs et pompes). D’un objet technique à l’autre, les transitions techniques qui traversent la région marquent le basculement des usages sur la nappe, des eaux souterraines superficielles aux eaux profondes. Au-delà des conditions hydrologiques et des pratiques de pompage qui changent, ce basculement témoigne du passage entre deux mondes sociaux spécifiques : un « monde de la pénurie » qui repose sur l’usage des puits et des eaux de la nappe phréatique ; et un « monde de l’abondance » où les forages permettent d’atteindre les ressources en eau de la nappe profonde, plus facilement exploitables, avec des débits plus importants et plus constants. L’évolution entre les deux mondes n’est pas linéaire, apparentée à une forme d’hybridité plutôt qu’à une rupture car leurs frontières sont rendues à la fois mouvantes et poreuses par les agriculteurs et des artisans innovants. En se constituant en objets de réseaux qui mettent en contact et créent des interdépendances entre les acteurs, les objets techniques dessinent un tissu réticulaire dont la maille ne relève pas de façon immédiate d’un lien territorial. La thèse explore ce que construit socialement la dynamique d’exploitation des ressources en eau souterraine, en caractérisant le type d’assemblages du social qui est généré - tout en y contribuant- par l’usage d’une ressource individualisée. L’analyse des mécanismes de récupération et la transformation des moteurs d’extraction révèle une société en émergence dont les systèmes d’échanges et de communication sont basés sur l’institution sociale du « bazar ». Structure sociale et culturelle traditionnelle dans les sociétés marocaines et orientales en général, le « bazar » offre des propriétés qui sont réinvesties de nos jours pour façonner les interrelations autour d’objets techniques nouveaux. En périphérie de ces processus, les acteurs publics contribuent à la réification des mondes sociaux, en disqualifiant le monde des puits pour encourager le monde « plus rationnel et mieux maîtrisé » des forages. L’approche de cette société des eaux cachées par l’intermédiaire de la technique et du rapport à l’eau souterraine se révèle d’une grande richesse, et capable de rendre visibles et explicites des dynamiques sociopolitiques caractéristiques du Maghreb contemporain. On voit alors se dessiner dans la relation ressources naturelles-objets techniques-acteurs des lignes de fracture sociologique entre monde de la ruralité souvent perçu par les acteurs publics comme « en retard » sur le développement et monde de la modernité qui encourage la course aux nouvelles technologies et à la technicité. / Groundwater-based irrigation enabled the development of a dynamic agricultural economy in the Saïss plain, located in the north of Morocco. Hidden in the aquifer system, the groundwater resources are made visible by technical objects used for their extraction. These techniques are multiple, including dug wells, tube-wells, and their equipment: motors and pumps. The shift from one technique to the other brought about major agrarian transitions in the region accompanied by a change of groundwater uses by switching from the shallow phreatic aquifer to the deep Liassic aquifer. Beyond changes over the hydrological context and practices of pumping, the change in the uses of the aquifer also shows the shift between two specific social worlds around groundwater exploitation. A “world of scarcity” based on the use of dug wells and the shallow aquifer; and a “world of abundance” where tube-wells can easily pump in the deep Liassic aquifer with its large and more regular flow rate. From one social world to another, the shift is neither a one-way process nor a rupture. On the contrary, their frontiers and limits remain flexible and porous due to the movements of farmers and artisans. By becoming objects within networks that create links and interdependences between actors, techniques are constitutive of a socio-technical network regardless of any direct territorial link with the aquifer. The thesis explores what is socially constructed through the dynamics of groundwater exploitation, by characterizing types of social assemblages generated by the uses of an individualized resource. The analysis of mechanisms around the recycling and transformation of extractive motors reveals an emerging society where relationships between actors of the market are based on a “bazaar economy”. Used to describe and analyse the social, economic and cultural structure in traditional Moroccan societies and oriental societies in general, the properties of the bazaar economy have been reorganised nowadays to organize interrelations between new technical objects. In this system, public actors contribute to the differentiation between the two social worlds around groundwater exploitation, trying to marginalize the social world of wells and supporting the “more rational and tamed” social world of tube wells. Understanding the society of hidden waters by the mediation of techniques and through the relationships of actors to groundwater makes visible the socio-political dynamics in contemporary North Africa. The relation between natural resources-techniques-actors also reveal sociological frontiers between the world of rurality considered by public actors as being “behind” in the economic development of the Nation; and the world of modernity or new technologies which is ahead in this development.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2018PA100017
Date03 April 2018
CreatorsFofack Tsabou, Rhoda Lucie
ContributorsParis 10, Billaud, Jean-Paul
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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