La recherche explore les traces et remaniements du deuil prénatal au cours d'une grossesse suivant une Interruption Médicale de Grossesse (IMG) pour raison fœtale. Le statut du fœtus/bébé y est triplement complexe: entre humain et non humain sur le plan légal ; objet perceptible mais non directement visible dans la réalité matérielle ; à la fois prolongement narcissique et objet interne - partiel et potentiellement total dans la réalité psychique. Cet extrême paradoxe constitue un défi majeur du travail psychique du deuil prénatal. Selon le contexte culturel et les choix singuliers, maternels et paternels, face à ces possibles, les pratiques autours de sa mort seront différentes et aboutiront à des processus de deuil contrastés. Dans le cas particulier d'une IMG, l'expérience clinique nous invite à envisager deux aspects fondamentaux. D'un côté, la décision prise par la mère avec le choix qui s'impose à elle d'interrompre ou non la grossesse - et par là la vie du fœtus/bébé - interroge d'emblée ses éventuelles traces actualisées de culpabilité. De l'autre, être enceinte d'un fœtus porteur d'une pathologie grave représente pour la femme une blessure narcissique renvoyant au concept de honte. Dans leur articulation avec les processus narcissiques et objectaux, la honte et la culpabilité sont des prismes pertinents pour étudier les spécificités d'une grossesse suivant une IMG au cours de laquelle les liens entre objets internes, objets externes, sujet et groupe sont mis en exergue. Dans ce contexte, trois questions constituent la problématique de cette étude: le mode d'investissement du fœtus/bébé décédé est-il réactualisé par l'investissement du fœtus/bébé de la grossesse actuelle ? La grossesse active-t-elle de manière particulières des traces de honte et de culpabilité que nous nommons pour les singulariser vivances ? De quelle façon ces vivances s'articulent-elles avec les mouvements psychiques de la femme dans les processus de deuil ? Méthodologie: Cette recherche qualitative se réfère à une méthodologie hypothético-déductive et s'inscrit dans un référentiel psychanalytique. La population est constituée de 11 femmes (primipares et multipares) enceintes après avoir vécu une IMG pour raison fœtale après 15 Semaines d'Aménorrhée (SA). Des entretiens semi-structurés ont été menés auprès de ces femmes aux trois trimestres de la grossesse. Elles ont également rempli des auto-questionnaires à chaque temps de la recherche (PAI, PGS, EPDS, STAI, DAS, PCLS). L'analyse des entretiens, audio-enregistrés, croise une observation approfondie de chaque cas avec une analyse de contenu thématique, prenant en compte le vécu subjectif de chaque femme, afin de répondre aux hypothèses de recherche. Résultats : Les résultats mettent en avant une réactualisation du processus de deuil au cours de la grossesse suivante. Ils vont dans le sens de la confirmation de la portée heuristique et clinique de l'étude de la honte et de la culpabilité lors d'une grossesse suivant une IMG. La honte se manifeste chez ces femmes par des vécus de dévoilement et d'exclusion, un sentiment de perte de contrôle, voire d'emprise, et un vécu d'échec et d'indignité. L'élaboration des vivances de honte est un bon marqueur de la possible résolution des dimensions narcissiques et développementales du processus de deuil. La culpabilité est très présente, en lien avec la pathologie fœtale, la décision d'interrompre la grossesse et vis-à-vis du bébé de la grossesse actuelle. Dans ce contexte, la honte et la culpabilité sont à comprendre comme les deux pôles d'un gradient continu. Sur le terrain périnatal, l'articulation sémiologique et psychopathologique de la dialectisation entre honte et culpabilité lors d'une grossesse suivant une IMG, permet de donner des repères cliniquement organisateurs dans le cadre d'une prévention transdisciplinaire médico-psycho-sociale des troubles de la parentalité et des dysharmonies relationnelles précoces. / The aim of this research is to explore the traces and updates of prenatal grief during a pregnancy subsequent to a Medical Termination of Pregnancy (MTP). The status of the fetus is triply complex: between human and non-human on a legal dimension ; perceptible object but that cannot directly be seen in the plan of material reality; both narcissistic extension and internal object - partial and potentially total - in psychic reality. This extreme paradox is the major challenge of the psychic work during prenatal bereavement. Depending on the cultural background and singular maternal and paternal choices among those possibilities, the practices surrounding the death of the baby will be different and lead to contrasting grieving processes. In the particular case of MTP, the clinical experience leads us to consider two fundamental aspects. On one hand, the decision taken by the mother with the choice that she has to make to interrupt the pregnancy or not - and thereby the fetus/baby's life - questions on possibles feelings of guilt. From the other hand, being pregnant with a fetus with a severe pathology represents a narcissistic injury referring to the concept of shame. Shame and guilt, because of their relationship with narcissistic and object-relation processes seem to be quite relevant to study the specificities of a pregnancy following a MTP. In this context, three main questions constitutes the problematic of this study : Is the investment of the dead fetus/baby updated by the investment of the current fetus/baby ? Is the pregnancy activating in a particular way feelings of shame and guilt ? What is the articulation of these feelings with the grieving process ? Methodology: This qualitative research refers to a hypothetical-deductive method and lays on a psychoanalytic background. Our population is composed with 11 women (primiparous and multiparous) pregnant after a MTP for fetal reasons occurred after 15 weeks of amenorrhea (WA). Semi-structured interviews were conducted on the three trimestre of the pregnancy. They also each time completed self-questionnaires (PAI, PGS, EPDS, STAI, DAS, PCLS). The analysis of the interviews, that were recorded, crosses a thorough observation of each case with a thematic content analysis, taking into account the subjective experience of each woman, in order to answer the research hypotheses. Results: The results highlight an updating of the grieving process during the following pregnancy. They are in line with the confirmation of the heuristic and clinical significance of the study of shame and guilt in a pregnancy following a MTP. For these women, shame is manifested by a feeling of unveiling and exclusion, loss of control, and an experience of failure and unworthiness. The elaboration of shame is a good marker for possible resolution of narcissistic and developmental dimensions of the grieving process. Guilt is very present, connected with fetal pathology, the decision to terminate the pregnancy and towards the baby of the current pregnancy. Shame and guilt can be understood as the two poles of a continuous gradient. Their study in the context of a pregnancy following a medically terminated one makes possible to offer pertinent semiological and psychopathological markers in the framework of primary and secondary prevention of troubles in parentality and in early relational dysharmonies.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016USPCB190 |
Date | 06 October 2016 |
Creators | Shulz, Jessica |
Contributors | Sorbonne Paris Cité, Missonnier, Sylvain |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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