Les débats sur l’éducation qui passionne la sphère publique du dernier tiers du XVIIIe siècle, tout comme les réformes scolaires mises en place à cette même époque en Europe, présentent un intérêt particulier dans l’histoire de l’éducation, mais aussi et plus largement dans l’histoire des idées. Le Berlinois Friedrich Gedike (1754-1803) joue un rôle décisif sur la scène pédagogique et intellectuelle prussienne. L’étude de son œuvre et des deux établissements primaires et secondaires qu’il a dirigés, le Friedrichswerder de 1779 à 1793, puis le Cloître Gris (Berlinisch-Kölnisches Gymnasium zum Grauen Kloster) de 1793 à 1803, met au jour le processus de démarcation entre le lycée et l’université, mais aussi le développement et la transformation de l’enseignement secondaire. Sous son impulsion, un processus de sécularisation et de nationalisation de l’enseignement est également lancé. L’étude des problématiques éducatives est par ailleurs étroitement liée au contexte social et politique de l’époque, ainsi qu’à la philosophie des Lumières. Elles soulèvent des questions sur la conception de l’État, de la société et de l’individu. Friedrich Gedike a œuvré à la diffusion des Lumières en Allemagne, en tant que penseur des Lumières et publiciste, mais aussi concrètement, en tant que directeur, enseignant et membre du conseil national de l’éducation de Prusse. Son projet éducatif se caractérise par sa singularité et une certaine radicalité. À la croisée des chemins entre le philanthropinisme et le néohumanisme, il donne une identité singulière aux Bürgerschulen : d’ « écoles de bourgeois », elles se métamorphosent sous sa direction en « écoles de citoyens ». La formation morale et civique à travers des leçons de culture générale, de lecture de presse, d’histoire, de langues modernes et des pratiques de rédactions et d’expression en public sur des sujets sociaux et politiques, d’actualité parfois brûlante, est au cœur de son projet. Celui d’instaurer un examen validant les acquis du secondaire, l’Abitur, est par ailleurs une tentative de faire du mérite personnel l’unique critère d’accès aux études universitaires. Il croit en une réforme progressive de l’État prussien grâce à une réforme de l’éducation. Il voit en l’éducation (Bildung) un nouveau pouvoir légitime qui permet d’accéder à la haute fonction publique et d’intégrer les sphères du pouvoir. Face à un pouvoir institutionnalisé, les citoyens « cultivés » et « éclairés » détiennent la possibilité d’un pouvoir en train de s’établir. Gedike se situe dans une démarche de rendre ce nouveau pouvoir légitime aux yeux du pouvoir établi en le faisant reposer sur des fondements institutionnels. / Throughout the political upheavals that had an impact on the European continent over the last three decades of the Eighteenth century, the missions, contents, methods and organization of the educational world were profoundly remodeled. Mainly restricted to an elite and focused on the humanities, education diversified and democratized itself and gradually became a public matter and a State concern which reformed its educational system and integrated a larger part of its population into the public and political sphere. On the eve of the Nineteenth century, the secondary education developed and changed under the action of governments, but also and especially thanks to the commitment of schoolmen. A case study devoted to the work of a Berliner pedagogue and man of the Enlightenment, Friedrich Gedike (1754-1803), and to the two secondary establishments he successively directed between 1779 and 1803, allows not only to extend and deepen knowledge of the Prussian educational landscape and the Berliner Enlightenment, but it is also exemplary on more than one account. It illustrates the creative initiative of schoolmen engaged in a profound reform of education and the Prussian society of the last two decades of the century. Moreover, it highlights the metamorphose of secondary-level education which stands out from universities and diversifies itself with inferior classes proposing a more practical teaching (Bürgerschule) and superior classes preparing for university while teaching humanities (gelehrte Schule). Progressively, the curricula of secondary schools began to propose a balance between linguistic and scientific teaching, but also between ancient and modern languages. The student population began to change: diversifying and democratizing itself. Merit imposed itself little by little as a form of selection and access criteria to higher education and power. Finally, this case study shows the politicization of educational debates and reforms. Through a reform of education, schoolmen and men of letters aimed at a deep reform of society: creating the conditions for tolerance, a real “living together” between social orders, confessions, corporations, and to a certain extent genders, replacing privilege of birth and wealth by individual merit. Moreover, secondary schools became places of learning about a vibrant political culture. Humanities training was accompanied by a citizenship training with an opening up to the modern world, to immediate history and to national and foreign policies. Intellectual curiosity, personal thought, critical thinking and a debating culture were encouraged daily among students. Prussian High Schools became a privileged place for the constitution of a public sphere that would dialog with the institutional power or get access to it, allowing the integration of a larger and diversified part of the population to take part in political decisions. This study demonstrates the importance and the singularity of Friedrich Gedike in the history of education in Prussia.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2016BOR30038 |
Date | 30 September 2016 |
Creators | Lerenard, Mathilde |
Contributors | Bordeaux 3, Mondot, Jean |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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