Une certaine tendance se dessine, au sein de moult mouvements sociaux, territoires ou collectifs en lutte, de même que dans plusieurs champs des sciences sociales et, dans une certaine mesure, dans la culture populaire, quant à la nécessité de repenser les rapports aux territoires et au vivant (et plus généralement le rapport à la terre). En opposition aux diktats productivistes et extractivistes du libéralisme colonial, nombreuses sont celles qui invoquent la nécessité d’un habiter renouvelé, arrimé aux territoires : d’un habiter en prise sur un entour et en phase avec celui-ci. Bien que fécondes à de nombreux égards, de telles formes d’habitabilité ne peuvent rester imperméables aux critiques anticoloniales ou décoloniales qui soulignent comment un strict rapport innocent ou romantique à un territoire colonisé implique une reproduction de la colonialité.
Dans cette thèse, j’étudie cette problématique générale telle qu’elle se déploie dans la colonie de peuplement québécoise contemporaine. Dans chaque chapitre, on aura affaire à un exemple (ou à une composition d’exemples apparentés, liés par un certain thème) dont il s’agira de problématiser à la fois les dimensions actuelles (historicité, contexte socioculturel, forces politiques en présence, discours et pratiques) et virtuelles (tendances plus abstraites se rapportant à un certain niveau de généralisation). On abordera ainsi : 1) le bréviaire du métissage, de la rencontre, des contacts ou alliances, bréviaire « horizontal » et aplanissant fortement mobilisé par la société franco-descendante pour faire sens de ses rapports aux Premiers Peuples et pour inscrire sa trajectoire en sol américain; 2) diverses conceptions du lien politique qui, chacune à leur façon, sous-tendent un refus total et une compréhension de l’action et de la collectivité politiques qui ne soit pas basée sur des rapports communautaires ou identitaires; 3) la figure du colon québécois, telle qu’elle émerge et se cristallise pendant la vague néonationaliste radicale des années 1960-1970; 4) les possibles d’un habiter anticolonial, notamment via un déplacement de la question du fondement et de l’origine.
Chaque chapitre pourrait donc être compris comme offrant un plan de coupe de la problématique générale, tout en lui ajoutant des dimensions concrètes et matérielles. Somme toute, aucun dénouement thétique imposant ne doit être attendu; cette thèse est plutôt animée par une exigence : poser un problème, en abordant à la fois les considérations actuelles et virtuelles, en tentant d’ajouter de la perspective et en ravivant les aspérités du réel lui donnant de la complexité et de la texture. Ainsi, cette thèse prend avant tout la forme d’un essai visant à élaborer et approfondir la problématique coloniale (d’abord depuis ses implications identitaires et territoriales), de manière à ce que des prises sur celle-ci se consolident; de manière à ce que, confrontés à ses conditions, répercussions et effets souvent paradoxaux, nous, colons, puissions et souhaitions initier une rupture radicale. / There is an emerging trend in social movements, territories and collectives in struggle, as well as in several fields of social sciences and to a certain extent in popular culture. It concerns the need to rethink relationships to the land and the living, and more generally relationships to the earth. In opposition to the productivist and extractivist diktats of colonial liberalism, many invoke the need for a renewed way of dwelling, anchored in the land: a dwelling in touch and in phase with its milieu. Although fruitful in many respects, such forms of dwelling cannot remain impervious to anti-colonial or decolonial critiques, which underline the way in which innocent or romantic relationships to colonized territories entail a reproduction of coloniality.
This thesis studies this general problematic as it unfolds in the contemporary Quebec settlement colony. Each chapter deals with an example (or a composition of related examples), problematizing both its actual dimensions (historicity, socio-cultural context, political forces, discourses and practices) and its virtual dimensions (more abstract tendencies relating to a certain level of generalization). An account is developed that includes : 1) the breviary of miscegenation, contacts and alliances strongly mobilized by Franco-descendant society in a "horizontal" and flattening manner to make sense of its relationships with Indigenous peoples and to inscribe its trajectory on the American land; 2) various conceptions of the political action which, each in their own way, underlie a total refusal and a conception of the collective formation not based on communitarian nor identitarian relationships; 3) the figure of the « colon » as it emerges within the radical neo-nationalist wave of the 1960s and 1970s; 4) the possibilities of an anticolonial dwelling, in particular through a shift in the question of foundation and origin.
Each chapter can be understood as offering a cross-section of the general problematic, while adding concrete and material dimensions to it. No imposing thetic outcome is aimed for. Instead, the thesis is driven by a requirement: to expose and investigate a problem by addressing both its actual and virtual dimensions, attempting to add perspective reviving the roughness of the real, adding complexity and texture to it. The thesis takes the form of an essay aiming to elaborate and deepen the colonial problem (starting from its identitarian and territorial implications), consolidating our grasp of it so that, faced with its often paradoxical conditions, repercussions and effects, we, « colons », can and should opt to initiate a clear and radical break with it.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/25561 |
Date | 12 1900 |
Creators | Bissonnette-Lavoie, Olivier |
Contributors | Massumi, Brian |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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