Les mises en scène récentes de T. Ostermeier explorent les liens entre littérature et art théâtral pour questionner, à l’aide d’un réalisme complexe qu’il réinvente, ce que les œuvres ont à dire de la réalité politique et sociale de notre présent. Il privilégie toujours pour cela des espaces entre qui permettent de briser la rigidité d’un respect littéral étouffant et de faire dialoguer le passé et le présent, l’actuel et le virtuel, le proche et le lointain. A la surface visible, son réalisme articule la profondeur invisible qui dédouble le réel en explorant sa spectralité à travers les personnages eux-mêmes, leur mémoire, leurs fantômes ; leur langue qui, entre traduction et retravail, crie le non-dit, le refoulé, l’absence ; l’espace des lieux-seuils, des (non)-lieux et des passages, des images du hors-scène, trop présent, ou de l’intime, insaisissable ; et même la musique dont les échos démultiplient les réseaux de sens. C’est dans la hantise de ces doubles que T. Ostermeier cherche à reconstruire un sens qui ne fasse pas abstraction des fêlures ni des fractures. Son travail doit être analysé comme une œuvre autonome qui convoque l’œuvre littéraire support pour la faire parler à nouveau, lui faire dire à nos oreilles d’aujourd’hui la douleur intemporelle du réel et l’espoir politique de reconstruire ce présent. La « déterritorialisation » constante du théâtre de T. Ostermeier, assumée, donne corps aux spectres qui sont l’autre nom de notre réalité pour que nous, spectateurs, puissions, finalement, nous en saisir. Refusant un théâtre et une littérature qui ne font qu’interpréter le monde, il s’agit pour T. Ostermeier de faire dialoguer l’un et l’autre pour le transformer. / In his recent productions, T. Ostermeier investigates the links between literature and drama with complex, renewed realism to question what insights the works of the past can give us into today’s political and social reality. He always favours the in-betweens which enable him to break through the stifling inflexibility of literal interpretation and initiates a dialogue between the past and the present, the actual and the virtual, what is close at hand and what is distant. His realism connects the visible surface of reality to its invisible depth – its double. He delves into this spectrality by focusing on the characters’ memory, their ghosts; on their language, hanging between translation and reworking, as their unsaid, repressed words speak loud; on space viewed as space between – thresholds, somewhere/nowhere, passages, pictures of all too present off-stage scenes or of elusive intimacy; on music too, echoing meaning in multiple layers. These ghost-like doubles are T. Ostermeier’s material to rebuild a meaningful present without ignoring its cracks and fault lines. His productions should be analysed as an autonomous oeuvre which calls on literary works to make sense afresh, to voice the painful, timeless experience of the real and the political hope to rebuild the present. His constantly ‘deterritorialising’ theatre substantiates our ghosts – the flipside of our reality – so that we, spectators, may finally get a grasp on them. T. Ostermeier will not confine theatre and literature to merely interpreting the world, he wants them to dialogue in order to transform it.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018SORUL150 |
Date | 10 December 2018 |
Creators | Edy, Delphine |
Contributors | Sorbonne université, Franco, Bernard |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text, Image |
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