Thèse de doctorat présenté en vue de l'obtention du doctorat en psychologie - recherche intervention, option psychologie clinique (Ph.D). / L’automutilation est un problème de santé publique majeur, considéré comme l’un des plus pernicieux et inquiétants auxquels font face les cliniciens et intervenants. Ce type de conduites possède des taux de prévalence et de cooccurrence élevés et est susceptible d’engendrer des conséquences physiques et psychologiques délétères. Par conséquent, au cours de la dernière décennie, l’automutilation a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs qui ont tenté de mieux comprendre les facteurs susceptibles de favoriser le recourt à ce type de conduite. À ce sujet, le trait autocritique de la personnalité, de même que les capacités de mentalisation sont des variables reconnues dans la compréhension de l’automutilation. Ces deux variables sont prometteuses parce qu’elles ont le potentiel de renseigner sur les mécanismes sous-tendant l’attaque au corps et d’offrir des leviers thérapeutiques. La présente thèse vise donc à approfondir l’exploration du rôle de l’autocritique et de la mentalisation dans l’automutilation en examinant des pistes de recherche qui n’ont pas encore été empruntées. L’échantillon à l’étude est composé d’étudiants universitaires, chez qui les taux de prévalence de l’automutilation sont particulièrement élevés. Afin de tenir compte de la complexité sous-jacente à l’automutilation, différents angles d’exploration sont abordés dans deux études.
La première étude cible le caractère dichotomique de l’automutilation, c’est-à-dire la présence ou l’absence de comportements. L’objectif est d’examiner l’effet combiné de l’autocritique et de la mentalisation sur le risque de s’être automutilé par le passé. Bien que les deux variables aient été associées à l’automutilation, leur interaction n’a jamais encore été explorée. Pour cette étude, 420 étudiants inscrits dans un programme universitaire de premier cycle ont répondu à des questions sur la présence ou l’absence de comportements d’automutilation, ce dans la dernière année et au cours de leur vie. Ils ont aussi répondu au Depressive Experiences Questionnaire, qui évalue la continuité entre les formes normales et pathologiques des composantes autocritique et dépendante de la personnalité, au Reflective Functioning Questionnaire, qui évalue l’importance de deux lacunes de la mentalisation, soit l’hypomentalisation (c.-à-d. une pensée concrète qui se caractérise par la difficulté de former des modèles mentaux complexes relatifs au soi ou aux autres) et l’hypermentalisation (c.-à-d. la formation excessive de représentations mentales de ses actions ou de celles des autres fondées sur des preuves ou indices inexacts), et au Childhood Trauma Questionnaire, visant à évaluer la maltraitance à l’enfance. Les analyses de modération ont permis d’identifier des effets significatifs d’interaction entre l’autocritique et l’importance de deux lacunes de la mentalisation (c.-à-d. hypo- et hypermentalisation) dans le risque de s’être automutilé dans la dernière année. Aucun effet d’interaction n’a été identifié pour la période ciblant l’automutilation au cours de la vie. Les interactions sont demeurées statistiquement significatives en contrôlant pour les effets du sexe, du trait dépendant de la personnalité, et des expériences traumatiques vécues à l’enfance. En mettant en évidence un effet de modération par la mentalisation, ces résultats contribuent à clarifier les conditions dans lesquelles l’autocritique et l’automutilation sont associées.
La deuxième étude cerne quant à elle le caractère multidimensionnel de l’automutilation en s’intéressant à ses différentes caractéristiques. Celles-ci sont de plus en plus étudiées en tant que corrélats de la sévérité de l’automutilation puisqu’elles refléteraient des variations dans la sévérité de la morbidité associée à ce type de conduite. La nature de cette étude étant exploratoire, l’objectif est de documenter un ensemble de corrélats potentiels de la sévérité de l’automutilation (fréquence, nombre de méthodes, récence, type de soins requis) en examinant leurs associations avec l’autocritique et la mentalisation, toutes deux identifiées comme des facteurs de vulnérabilité transdiagnostiques associés à la sévérité de la perturbation du fonctionnement et de la détresse psychologique. L’échantillon comprend deux cent quatre étudiants de premier cycle, soit les participants de la première étude ayant un historique d’automutilation. Ceux-ci ont répondu aux mêmes questionnaires pour l’automutilation, l’autocritique et les lacunes de la mentalisation, en plus du Brief Symptom Inventory (échelles de dépression et d’anxiété). Les données ont été soumises à des tests t et à des analyses de variance. Les résultats ont permis d’identifier des associations positives entre les caractéristiques de l’automutilation, d’une part, et les niveaux d’autocritique, l’importance des lacunes de la mentalisation et certains indices cliniques (anxiété, dépression, pensées suicidaires), d’autre part. Ceci renforce la proposition selon laquelle les caractéristiques de l’automutilation peuvent être utilisées comme des indicateurs de la sévérité de la perturbation du fonctionnement et de la détresse psychologiques chez les individus qui s’automutilent. Ces données préliminaires ouvrent aussi la voie à l’exploration de modèles plus complexes du rôle de l’autocritique et de la mentalisation dans les variations au sein des caractéristiques de l’automutilation.
De façon générale, les résultats de la présente thèse indiquent que l’automutilation présente des niveaux de sévérité, et que l’autocritique puis des déficits de la mentalisation sont associés à la présence et à la qualité (niveaux de sévérité) de l’automutilation. Ces résultats suggèrent que des interventions visant à améliorer le rapport que l’individu entretient avec lui-même, de même que sa capacité à attribuer une qualité mentale à ses expériences personnelles et interpersonnelles pourraient être pertinentes en contexte de prévention et d’intervention entourant les conduites d’automutilation. / Nonsuicidal self-injury (NSSI) is a significant public health issue. It is considered as one of the most concerning and pernicious behavior faced by health professionals. NSSI has high prevalence and cooccurrence rates and can lead to deleterious physical and psychological consequences. This phenomenon therefore has elicited a great deal of empirical and theoretical research in the last decade, as substantial efforts have been directed toward a better understanding of the factors underlying it. Among such factors are self-criticism and mentalizing abilities whose potential to clarify the mechanisms underlying NSSI and to provide therapeutic leverage make them promising variables. The goal of the present thesis is to investigate in more detail the role of self-criticism and mentalizing in NSSI by exploring new research avenues. The study sample consists of university students, a population in which NSSI is alarmingly common. In order to better apprehend the complexity of NSSI, different exploration angles are addressed in two studies.
The first study targets the dichotomic nature of NSSI, that is, the presence or absence of the behavior. The objective is to examine the combined effect of self-criticism and mentalizing in the risk of having engaged in NSSI in the past. Although self-criticism and mentalizing have both been associated with NSSI, their interplay in predicting NSSI has never been explored. For this study, four hundred and twenty Canadians undergraduates answered online questions regarding the presence or absence of NSSI, over either the previous year or their lifetime. They also completed the Depressive Experiences Questionnaire, which assesses the continuity between normal and pathological forms of self-criticism and dependency, the Reflective Functioning Questionnaire, which evaluates the degree of two mentalizing deficits, namely hypomentalizing (i.e., concrete thinking characterized by the difficulty to form nuanced and complex models of the mind relating to the self and others) and hypermentalizing (i.e., excessive mentalizing characterized by the tendency to generate excessively detailed models of the mind of the self and others without accurate evidence to support these models), and the Childhood Trauma Questionnaire, which assesses experiences of childhood maltreatment. The moderation analyses showed significant interaction effects between self-criticism and the two mentalizing deficits (i.e. hypo- and hypermentalizing) in the risk of having engaged in NSSI in the previous year. No moderation effects were found for the lifetime period. The results remained statistically significant after adjusting for sex, dependency and childhood traumas. By identifying an interaction between self-criticism and impairments in mentalizing (i.e. hypo- and hypermentalizing) in the occurrence of NSSI, this study contributes to the clarification of the conditions in which self-criticism may be related to NSSI.
The second study focuses on the different characteristics of NSSI and therefore targets the multidimensional nature of this behavior. NSSI features are increasingly studied as proxies for NSSI severity, as they relate to variations in the severity of the morbidity associated with this type of behavior. This study is exploratory. Its objective is to cluster and document a set of potential NSSI severity proxies (frequency, number of methods, recency, type of care needed) by examining their associations with self-criticism and mentalizing, which are both identified as transdiagnostic vulnerability factors associated with the severity of psychological distress and functional impairment. For this study, only the students who were recruited in the first study and who had a history of NSSI were selected (N = 204 participants). They completed the same online questionnaires for NSSI, self-criticism and mentalizing, in addition to the Brief Symptom Inventory (depression and anxiety scales). T tests and analyses of variance were conducted. The results show positive associations between NSSI features and self-criticism levels, degrees of mentalizing deficits and clinical indicators (anxiety, depression, suicidal thoughts). Those results support the proposition that NSSI characteristics could be used as psychological distress and functional impairment severity indicators in individuals engaging in self-injury. They also open the door to the exploration of more sophisticated models of the role of self-criticism and mentalizing in NSSI characteristics variations.
Overall, the results of the present thesis indicate that NSSI presents various severity levels, and that self-criticism and mentalizing deficits are associated with the presence as well as the quality (i.e. severity levels) of NSSI. Those results suggest that interventions aiming at improving an individual’s relationship with himself, as well as his capacity to give a mental quality to his personal and interpersonal experiences could be relevant in NSSI prevention and intervention.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/26839 |
Date | 08 1900 |
Creators | Allard-Chapais, Catherine |
Contributors | Lecours, Serge |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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