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La rhétorique et sa critique. A la rencontre du discours et de la liberté.

L’objet de cette thèse est d’engager une discussion concernant l’épistémologie de la discipline rhétorique et de formuler des propositions visant à la refonder. En partie spéculative, la réflexion que je mène à partir des travaux de Chaïm Perelman notamment, rattache cette antique discipline à la « raison pratique ». Une raison agissante qui donne l’occasion d’assumer et d’affronter l’indétermination du monde – sans pour autant faire de cette indétermination un chaos, ni en prendre ombrage pour sombrer dans le relativisme. Dans cette perspective, la rhétorique se trouve conçue comme un dispositif propre à accompagner les hommes dans le difficile exercice d’une liberté citoyenne. Une liberté au sens fort, ancrée dans la pratique du politique, telle que l’entendaient les Anciens.
Je m’efforce tout d’abord de montrer que, dès l’origine, la rhétorique a représenté une compétence nouvelle, mais aussi une occasion unique de dire, d’habiter et de séculariser le monde. Ma démarche consiste donc à réfléchir l’émergence de la rhétorique dans la Grèce ancienne. À ce titre, j’analyse la fonction politique, sociale, symbolique, attribuée à la parole dans cette Cité démocratique dont elle a accompagné l’invention. Parole qui s’est vue accorder une place inégalée : comme support et comme condition de l’action citoyenne. Pourtant, force est de constater que, malgré ce succès, la rhétorique a très vite été dénoncée comme un art de tromper, de mentir, de dissimuler ses lacunes. Des générations de philosophes, d’hommes d’Église ou de scientifiques se sont attachés à démonter son fonctionnement, sa dynamique, à décrier son enseignement et, finalement, à souhaiter son évincement. C’est pourquoi, je m’intéresse aux critiques qui ont été adressées à la parole rhétorique depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle. Par là, j’entends donner une vision nouvelle de cette antique « fonction » du langage, par-delà la synthèse de ses caricatures.
En outre, mon propos s’attache à mettre en lumière les lieux communs sur lesquels se fonde notre relation au discours. Dans une optique qui va d’Aristote à Perelman, je défends l’idée selon laquelle la rhétorique ne constitue pas (comme on pourrait le penser) une méthode pour apprendre à vivre ensemble dans la paix des mots, mais, avant tout, une façon de pratiquer la critique avec et contre l’autre : l’adversaire. Et ceci afin de prendre des décisions dans le monde contingent des affaires humaines. Or, c’est justement au titre de sa fonction agonistique que la rhétorique a perdu sa place et son sens dans nos démocraties. Face à cela, l’enjeu de mon travail est de mettre en évidence, après Perelman, l’existence d’une raison tout à la fois une et plurielle. En effet, la multiplicité des voies possibles, leur antagonisme, n’est pas le signe d’une raison anarchique et inconséquente, le signe d’une raison hantée par la déraison. Il s’agit, au contraire, d’une chance offerte à la raison de se mettre à l’épreuve et de risquer la liberté. Du reste, perdre cette dimension agonistique, la dénoncer, la condamner comme irrationnelle, ainsi que le font les théories normatives de l’argumentation, revient à manifester la coupure entre le langage et les ressources critiques de la rhétoriques qui permettent de faire de nos prises de parole un moyen et une ressource de l’émancipation.

Identiferoai:union.ndltd.org:BICfB/oai:ulb.ac.be:ETDULB:ULBetd-05202011-153313
Date13 May 2011
CreatorsNicolas, Loïc
ContributorsReggiani, Christelle, Dominicy, Marc, Danblon, Emmanuelle, Haarscher, Guy, Angenot, Marc, Goyet, Francis, Van Raemdonck, Dan
PublisherUniversite Libre de Bruxelles
Source SetsBibliothèque interuniversitaire de la Communauté française de Belgique
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
Typetext
Formatapplication/pdf
Sourcehttp://theses.ulb.ac.be/ETD-db/collection/available/ULBetd-05202011-153313/
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