Les recherches présentées ici reflètent l'importance de la transdisciplinarité et du structuralisme (en sens large du terme) en sciences de gestion. Deux études de terrain témoignent tout d'abord de la résistance du phénomène de gestion aux grilles de lecture purement organisationnelles : d'une part, la confrontation au Crédit Mutuel, banque coopérative dont les spécificités appellent le recours à un méta-modèle démocratie-efficacité complexe, et d'autre part, l'étude d'un projet de mécénat humanitaire, dont la gouvernance est à la fois dans et hors de la gestion. L'intérêt des approches structuralistes au sens large est ensuite souligné par l'exemple d'un travail d'archéologie du management stratégique par la méthode de Michel Foucault d'une part et par le décryptage des projets informatiques conflictuels par la sémiotique d'Algirdas-Julien Greimas d'autre part. Ce compte rendu de travaux réalisés pendant 8 années de recherche en gestion est suivi d'une étude nouvelle réalisée dans le cadre de l'Habilitation à Diriger des Recherches. Il s'avère que le concept de déclin, très utilisé en gestion du fait de la détermination de divers cycles de vie, constitue une notion à la fois très porteuse et très suspecte. Cette notion est par ailleurs massivement utilisée pour parler d'autres aspects des affaires humaines (économie, histoire, sociologie, etc.) sans que soient bien cernées les éventuelles significations que ces emplois multiples peuvent occasionner. Il est alors proposé d'étudier un objet transdisciplinaire – le « déclin-décadence-déclassement » - à l'aide d'une analyse transposant aux sciences humaines un certain nombre de notions structurales issues de la géologie. Si l'on admet en effet que les affaires humaines sont avant tout sujettes à représentations, il apparaît possible de décrire leur structure à travers deux notions-clés que sont le pli et la schistosité. Le pli est une représentation qui superpose deux termes en explicitant cette superposition, de sorte que le sens de chacun des deux termes avant l'établissement du pli soit expliqué et reste accessible à l'enquête. La marque formelle d'une représentation en pli consiste en énoncés portant sur cette représentation et affirmant son caractère conjectural et discutable. La schistosité caractérise toute représentation qui superpose deux termes de sorte que, pour au moins l'un d'entre eux, le sens auquel il était employé avant l'établissement de la représentation diffère de celui auquel il est employé une fois superposé à l'autre terme, sans que cette différence soit assumée ni même évaluable. La marque formelle d'une représentation schisteuse est typiquement l'homonymie subreptice à laquelle recourt toute généralisation abusive. L'analyse structurale est appliquée en deux volets. Un premier volet prend pour matériau d'analyse les représentations du « déclin-décadence-déclassement » produites dans le cadre de l'historiographie romaine (période impériale). Un second volet prend pour matériau d'analyse le matériau de gestion défini comme l'ensemble des représentations afférentes aux phénomènes de gestion. L'étude de ces deux matériaux est conduite en trois étapes transposées du processus de la géologie en train de se faire : la topographie, la palé-ontologie et la tectonique. Concernant les représentations du phénomène de gestion, chaque étape de l'étude conduit à des constats d'importance méthodologique croissante. La topographie du déclin invite à une analyse de l'importance et de la performance des lieux communs en gestion. La palé-ontologie amène à porter l'attention, tout d'abord aux transformations silencieuses de l'entreprise, puis aux homonymies et décontextualisations qui peuvent être le lot des travaux de recherche en gestion. La tectonique des représentations du déclin conduit à des remarques de deux niveaux. Au niveau opérationnel apparaît le risque qu'il y a pour le praticien de recourir à l'argument du déclin pour promouvoir, dans les organisations, la conduite du changement. Au niveau méthodologique est esquissé l'intérêt d'une démarche herméneutique pour étudier le phénomène de gestion. La conclusion est focalisée sur la mise en avant de quelques spécificités des représentations de gestion (en regard des représentations touchant d'autres aspects des affaires humaines). Les représentations du phénomène managérial sont analysées comme un matériau dont l'épaisseur reflète la distance qui sépare, pour le manager, les objectifs attendus des résultats réellement obtenus. Les difficultés à manager sont en conséquence décrites à l'aide de métaphores relevant de la science des matériaux. Ces propriétés du matériau de gestion trouvent alors une explication dans les structures et textures auparavant mises à jour lors de l'étude d'objets plus restreints (discours stratégistes et représentations du déclin). L'objectif de la recherche en gestion consiste dans cette optique à enrichir le matériau de gestion sans le brouiller par des transpositions et généralisations abusives.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00514762 |
Date | 23 June 2010 |
Creators | Jardat, Rémi |
Publisher | Université de Nantes |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | habilitation ࠤiriger des recherches |
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