Mes recherches s'inscrivent dans un courant de la sociologie qui accorde un rôle social à des êtres non humains. L'emploi du terme de « collectif », plutôt que celui de société, vise à signifier cette extension du champ de la discipline. Les collectifs désignent des assemblages hétérogènes initiés par les hommes dont il s'agit de retracer la genèse et d'étudier la composition, la cohésion et l'évolution. Les collectifs auxquels je me suis intéressée se caractérisent tous par l'importance de la place qu'y occupent les êtres de nature. <br />Je commencerai par aborder les difficultés d'ordre méthodologique que soulève cette démarche et je proposerai plusieurs solutions pour les surmonter.<br />Je présenterai ensuite trois des résultats obtenus en appliquant la méthode précédemment décrite à des espèces et à des espaces particuliers. Premièrement, j'ai mis en évidence le rôle d'opérateur social de certains animaux sauvages. Deuxièmement, j'ai montré que la création et la mise en place des espaces protégés offrent un cas d'étude idéal pour étudier la naissance des collectifs. Troisièmement, mes recherches ont indiqué l'existence d'un changement en cours de grande ampleur dans les collectifs orientés vers la gestion et la protection de la nature. Or ces changements sont tous légitimés par la nécessité et l'urgence de connaître et de préserver la biodiversité. Celle-ci apparaît ainsi comme un être majeur des collectifs, qui influence fortement leurs relations comme celles de leurs membres.<br />C'est pourquoi j'ai élaboré un programme de recherche sociologique sur la biodiversité, dans lequel je l'appréhende non comme une notion ou un concept mais comme un nouveau membre des collectifs. Ce programme, composé de deux axes, vise à comprendre les modalités et les effets sociaux et politiques de la mise au jour et de la prise en compte de la biodiversité. Le premier axe est issu du constat que la biodiversité a d'abord été identifiée et désignée comme un problème public majeur dans la sphère scientifique. Il vise à étudier les disciplines et les techniques scientifiques regroupées sous l'appellation de « science de la biodiversité ». Plus précisément, je me propose d'identifier les acteurs de la production de connaissances sur la biodiversité et d'analyser leurs modes d'organisation et de coordination. Je souhaite aussi étudier les « infrastructures informationnelles » suscitées par la science de la biodiversité, dont la liste rouge de l'Uicn constitue un exemple, ainsi que le type de nature et d'histoire de la nature qu'elles construisent. J'examinerai également le rapport au terrain et aux êtres de nature qu'elle favorise, notamment à travers l'instrumentation qui l'accompagne. Je m'interrogerai enfin sur la capacité de suivi de l'ensemble du vivant que permet d'acquérir la science de la biodiversité. Le second axe de recherche repose sur un autre constat, celui que des acteurs se réfèrent à la biodiversité bien au-delà de la sphère scientifique. J'aborderai ici la biodiversité comme une ressource que des usagers et des exploitants de la nature parviennent à mobiliser pour redéfinir leur identité, défendre des activités contestées et faire évoluer leurs pratiques.<br />Je compte mettre en œuvre ce programme de recherche sur la biodiversité sans pour autant abandonner les recherches sur des espèces et des espaces particuliers. La concrétisation d'un tel projet nécessite donc que je puisse diriger des recherches de doctorants qui viendront compléter la capacité de recherche du pôle de sociologie que j'anime au Cemagref de Grenoble.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00371218 |
Date | 09 June 2008 |
Creators | Mauz, Isabelle |
Publisher | Université Jean Monnet - Saint-Etienne |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | habilitation ࠤiriger des recherches |
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