Nous sommes parti du constat que les théoriciens de la norme d'internalité (Beauvois & Dubois, 1988 ; Dubois, 1994) évoquaient, à propos de la valeur des explications internes, une valeur ancrée dans le fonctionnement social et dont l'efficacité n'est, pour l'essentiel, démontrée que dans des situations très normatives. Nous avons, pour notre part, voulu montrer que l'attribution d'internalité dépassait le cadre, important mais très circonscrit, de ces situations de forte normativité et qu'elle pouvait opérer quelquefois en fonction de critères plus affectifs ou attitudinels. Nous avons ainsi montré que les sujets estiment d'autant plus probable qu'une personne ait donné des explications internes plutôt qu'externes que son visage est esthétiquement attractif (Exp. 1). L'étude suivante (Exp. 2) mettait à contribution une procédure d'exposition suboptimale et non consciente permettant d'accroître incidemment la positivité des visages (Zajonc, 1968 ; 1980). Les sujets ont alors attribué plus d'internalité à des cibles lorsque la positivité de leurs visages était accrue par la procédure d'exposition suboptimale. Afin de contrecarrer une interprétation selon laquelle la technique de familiarisation utilisée amène le sujet à disposer de plus d'informations individualisantes concernant la cible, une autre expérience (Exp. 3) avait pour objectif d'accroître, par la familiarisation liée à un conditionnement, tant la positivité que la négativité des visages (Bayens, 1993). Les sujets attribuent alors plus d'internalité à une cible de valence neutre si cette valence est rendue positive (plutôt que négative) par le conditionnement. Ceci n'étant vrai que pour les explications d'événements indésirables. Cette attribution d'internalité est aussi observée dans le contexte de la valorisation du groupe d'appartenance, que ce groupe soit réel (Exp. 6) ou minimal (Exp. 8). Ainsi, les sujets mirent-ils à contribution l'attribution d'internalité pour exprimer un biais de favoritisme pro-endogroupe, et ce uniquement lorsqu'il leur était possible de différencier positivement, d'un exogroupe, un groupe dans lequel ils s'étaient autocatégorisés. La seconde de ces deux expériences utilise un contexte de catégorisation minimale et un paradigme de type "qui a dit quoi" (Taylor, Fiske, Etcoff et Ruderman, 1978). Dans celle-ci, les sujets exprimèrent à nouveau ce favoritisme pro-endogroupe par attribution d'internalité. Cette attribution d'internalité était corrélée avec une mesure purement évaluative du favoritisme pro-endogroupe. Ces cinq recherches montrent donc que l'attribution d'internalité se fait vers des cibles qui peuvent être davantage caractérisées par la positivité des affects qu'elles suscitent que par leur utilité dans un contexte social. Nous avons néanmoins été amené à constater que cette attribution d'internalité à des cibles positives n'allait pas toujours sans effet de la désirabilité des événements expliqués. Nous avons donc voulu approfondir cette interaction de la valence de la cible et de la désirabilité de l'événement en introduisant un nouveau principe de recherche destiné, non plus à tester les attributions d'explications (internes versus externes), mais à tester les attributions de stratégies d'autovalorisation suscitées par la désirabilité des événements. Nous avons ainsi pu observer que les sujets peuvent être amenés, dans leurs attributions d'internalité à des cibles positives et négatives, à faire une différence subtile entre ce que pense une cible et ce qu'elle dit en matière d'explications. Ainsi, créditent-ils effectivement de plus d'internalité une cible sympathique (versus antipathique, Exp. 4) ou une cible endogroupe (versus exogroupe, Exp. 7), et ce notamment lorsqu'il s'agit d'anticiper ce que ces cibles pensent. Mais les sujets prennent aussi en compte la désirabilité de l'événement expliqué pour attribuer à la cible valorisée le fait de devenir plus modeste dans ce qu'elle dit. A l'inverse la cible dévalorisée tendrait, selon eux, à devenir plus autocomplaisante. Ainsi, il semble que les sujets attribuent plus de valeur à une stratégie d'autoprésentation qu'à une autre et qu'ils se basent aussi sur ces stratégies pour exprimer un favoritisme pro-endogroupe. Enfin, dans la mesure où les explications internes se trouvaient plus souvent associées à des cibles de valence positive et les explications externes plus souvent associées à des cibles de valence négative, nous avons voulu savoir dans quelle mesure ces associations pouvaient avoir des effets sur le souvenir de ces cibles. Ainsi, (expérience 5), lorsqu'il est présenté des cibles énonçant des phrases contenant des explications internes (versus externes), les sujets sont-ils plus sévères dans leur décision de reconnaissance (ils disent moins facilement, à tort et/ou à raison, avoir déjà vu un visage). Il semble donc que l'internalité est bien un point d'ancrage dans la perception et la reconnaissance des personnes. Cet ensemble de recherches présente selon nous deux intérêts théoriques. Il conforte et élargit considérablement un énoncé de la théorie de la norme d'internalité qui avance que les explications internes sont porteuses de valeur. Nos résultats imposent néanmoins d'insister sur l'importance que peuvent avoir les stratégies d'autoprésentation et l'anticipation de ces stratégies d'autoprésentation par l'évaluateur.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00589861 |
Date | 13 January 1998 |
Creators | Gilibert, Daniel |
Publisher | Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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