Notre travail interroge les différentes pratiques de création de Ghérasim Luca (livres-objets, albums, portfolios, plaquettes, poèmes-tracts et poèmes-affiches, récitals scéniques et télévisuels, cubomanies, dessins au point) à l’aune des expériences sémiotiques qu’elles engagent. Dire des signes qu’ils sont mis en jeu, c’est insister sur la dimension matérielle et éminemment sensible des mouvements de production et de réception. La question du sens est indissociable de celle du médium, dès lors que les signes se donnent à éprouver comme corps (corps sonores, corps graphiques ou typographiques) par des corps. La notion de surgissement permet de rendre compte de cette spatialité, qui a partie liée avec des phénomènes théâtraux, ceux d’apparition et de disparition : la page blanche, la bande sonore, l’écran, le panneau de bois peint, sont autant de lieux où peut s’inventer et se déployer une pensée incarnée. Quant à la notion d’opacification, employée en linguistique pour décrire certains phénomènes métadiscursifs, elle mérite d’être réévaluée et déplacée : nous nous efforçons de passer du domaine strictement verbal à un champ plus largement sémiotique.Notre parcours s’organise en quatre étapes solidaires, qui manifestent l’intrication des approches historiques, sémiotiques, linguistiques, médiologiques, stylistiques, mais aussi scientifiques et philosophiques. La première partie consiste en une exploration des créations plastiques, graphiques, sonores, qui intègre les diverses collaborations auxquelles Ghérasim Luca a pris part en Roumanie puis en France. La deuxième partie dégage un imaginaire linguistique, nourri de diverses traditions (l’atomisme de Lucrèce, l’alchimie, la Kabbale), qui fait du vide un principe structurant, et de l’écriture un travail d’agencement. Cet imaginaire, qui relève d’une pensée de la langue dans la langue, est lui-même volontiers mis à distance : il ne s’agit pas d’adhérer à ce qui serait une théorie, mais de circuler librement entre des conceptions apparemment inconciliables. La troisième partie décrit les jeux de perturbation du sens à partir du statut tout à fait singulier accordé aux autonymes, aux néologismes et aux noms propres dans les recueils de la période française : les divers types de trouble sémiotique et l’invention d’un hors-lexique participent d’un mouvement de déstabilisation. La quatrième et dernière partie est consacrée au geste de reprise, qui se décline sous de multiples formes, parmi lesquelles on compte le collage et le détournement. / This work questions the different practices of Ghérasim Luca (book-objects, albums, portfolios, booklets, pamphlet-poems, poster-poems, scenic and audiovisual recitals, cubomanies, drawings) in light of the semiotic experiences they initiate. Asserting that signs are at stake means insisting on the material and highly perceptible dimension of both production and reception. From the moment that signs are perceived as bodies (audible bodies, graphic and typographic bodies) by other bodies, the question of meaning is linked to the question of medium. With the notion of emergence, we can analyse spatial phenomena, linked to theatrical ones, such as appearance and disappearance : the white page, the audiotape, the screen, the wooden panels are places where an embodied thinking can arise and expand. The notion of opacification, which is used by linguists to describe metadiscursive phenomena, can be reconsidered and redefined : we try to exceed the verbal domain and to adopt a global semiotic perspective, which includes non-verbal matters.This study is composed of four interdependent parts, which show the interpenetration of historical, semiotic, linguistic, mediologic, stylistic but also scientific and philosophical approaches. The first part explores the plastic, graphic and audio creations of Ghérasim Luca, including collaborations with several artists in Romania and France. The second part identifies what we could call a linguistic imaginary, fuelled by three different traditions (Lucretius’ atomism, alchemy, Kabbalah), which considers void as a founding principle, and writing as a layout. This imaginary, which inquires the possibility of thinking about language within the language, is playfully held at a distance by Ghérasim Luca : the point is not to adopt a theory, but to circulate freely between apparently incompatible approaches. The third part describes various phenomena of meaning disruption and focuses on the specific status given to autonyms, neologisms and proper nouns in his French period : the different kinds of semiotic troubles and the invention of a lexicon beyond the lexicon take part in the destabilisation process. The fourth part is about the activity of re-creation, which takes several forms, including collage and ‘détournement’.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2015LYO20083 |
Date | 06 November 2015 |
Creators | Orlandi, Sibylle |
Contributors | Lyon 2, Carlat, Dominique |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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