Cette thèse prend pour objet les évocations du passé par les militantes de la cause des femmes. Inspirée par les travaux de M. Halbwachs et par la sociologie de l’action collective, elle vise à comprendre comment des représentations partagées du passé peuvent émerger dans un espace aussi ouvert et pluriel que le mouvement féministe. A partir de récits de vie, d’entretiens projectifs, d’observations ethnographiques et d’archives écrites, la thèse montre que l’existence d’une mémoire collective féministe repose sur trois facteurs. Premièrement, il existe dans cet espace un consensus sur la nécessité de visibiliser les femmes dans l’histoire. Ce « devoir de mémoire » fournit aux militantes des raisons politiques d’actualiser régulièrement le passé par des actions collectives. Deuxièmement, au niveau mezzo des collectifs s’accordent sur des interprétations du passé au gré des débats politiques présents et des rapports de pouvoir internes. Eminemment conjoncturelles, ces convergences restent peu propices à l’élaboration d’une histoire officielle féministe. Troisièmement, au niveau micro les histoires personnelles de chaque militante donnent lieu à des récits comparables. L’affirmation selon laquelle « le privé est politique » permet l’existence d’une grille d’interprétation du passé commune centrée sur l’affirmation de soi comme sujet autonome. En effet depuis les années 1970 des pratiques de partage de vécus privés en collectif conduisent les militantes à exposer régulièrement leurs trajectoires au sein d’« espaces du dicible » féministes. C’est par ce processus d’encadrement réciproque des discours biographiques que se réalise une homogénéisation des souvenirs des militantes. / This thesis investigates the ways feminist activists evoke the past in present-day France. Drawing on Halbwach’s sociology of memory and on collective action theory, this work aims to shed light on how shared visions of the past can arise from a social movement as open and plural as the feminist one. Based on biographical and projective interviews, on ethnographic fieldwork and on written archives, this thesis endeavours to demonstrate that there are three main conditions that allow for the existence of a feminist collective memory. First, owing to a consensus within this space about the need to make women more visible in history, a feminist “duty to remember” gives political reasons for the activists to regularly enact the past through collective action. Second, at a meso level, feminist groups may agree on certain representations of the past depending on current political debates and on internal power relationships. However, these convergences are so context-sensitive that it prevents them from constructing a feminist “official history”. Finally, at a micro level, the personal stories of each militant are expressed in comparable accounts and narrative forms. It is the statement "the personal is political" that allows for a common interpretation of the past, hinging on the assertion of oneself as an autonomous subject. Indeed, since the 1970s, feminist movements have developed collective practices that have encouraged activists to regularly tell their biographical story within feminist “spaces of the speakable”. The thesis demonstrates that it is this process of mutual framing of biographical accounts that leads to the homogenization of the activists’ memories.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014IEPP0034 |
Date | 09 October 2014 |
Creators | Charpenel, Marion |
Contributors | Paris, Institut d'études politiques, Lavabre, Marie-Claire |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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