Cette thèse a pour objet l'évolution de l'optimum économique sous contrainte d'équité territoriale de l'industrie électrique, industrie de réseau fixe présentant une hétérogénéité spatiale forte de ses conditions d'offre. Cette problématique porte sur l'analyse de l'évolution du régime de l'électrification rurale en France en termes d'efficacité économique et sociale. Il s'agit de prolonger une longue tradition de recherche du CIRED initiée au début des années 1980 par Louis Puiseux, dont les principaux développements ont été la thèse de Colombier (1992) puis l'évaluation des écarts entre coûts de développement des réseaux ruraux et tarifs par De Gouvello (1996). Ce programme de recherche met en lumière les contradictions entre équité redistributive et équité territoriale, c'est-à-dire entre les visions aspatiales de l'économie théorique (Ponsard, 1988) et les dynamiques territoriales de développement, notamment en mettant l'accent sur les médiations institutionnelles.<br>Notre question de départ porte donc sur la rationalité de l'élargissement de la démarche de l'optimisation sectorielle sous contrainte d'équité à la rationalisation des usages de l'électricité dans l'espace hétérogène de la fourniture d'électricité en zones rurales. La dérive des besoins de renforcement de réseaux ruraux a conduit ainsi à partir de 1995 le régulateur à encourager les collectivités qui sont les propriétaires et investisseurs en réseaux ruraux à rechercher des alternatives moins coûteuses du côté de la demande pour deux raisons économiques. D'abord les réseaux basse tension ruraux sont généralement très longs et comptent peu de clients desservis, par conséquent, l'optimisation des usages chez les clients peut s'avérer beaucoup moins coûteuse que le simple renforcement du réseau. Ensuite cette optimisation permet de rétablir l'équité de la qualité de fourniture entre les clients par le biais de la baisse des besoins d'investissement mais aussi par la réduction du temps d'attente pour les plus défavorisés, autrement dit, les clients situés sur les réseaux les plus coûteux à renforcer.<br>Cette question conduit à analyser d'abord historiquement les institutions de l'électrification rurale dans le contexte évolutif de consolidation de l'industrie électrique en régime de monopole public pour repérer les structures d'intérêts inhérentes à cette organisation qui conduisent à une inefficience sociale à la fois en termes d'efficacité économique et en termes d'équité. Ce qui mène à un double questionnement : <br>- comment compléter les institutions de l'électrification rurale pour modifier les incitations des propriétaires de réseaux ruraux à investir au-delà du compteur chez l'usager ?<br>- comment, dans une situation de forte hétérogénéité spatiale des fonctions locales d'offre et de demande d'électricité dans l'espace rural, repérer les points de réseaux en sous-optimalité économique ?<br>Dans un chapitre liminaire nous définirons précisément l'objet de la thèse à partir du repérage des difficultés d'application de l'innovation réglementaire que constitue la MDE dans la distribution d'électricité en zones rurales. Ce repérage s'effectue par l'analyse de l'organisation de la distribution rurale et de la place du régime d'électrification dont on peut déduire les intérêts des agents économique et des acteurs politiques qui constituent les barrières à cette innovation réglementaire.<br>Dans la première partie on caractérise dans le premier chapitre la trajectoire institutionnelle de l'électrification rurale à partir du projet initial de solidarité nationale sous l'effet de la dynamique des consommations rurales puis de la diffusion des usages thermiques de l'électricité sur les réseaux ruraux induit par des stratégies de développement commercial totalement extérieures au dispositif de solidarité nationale. L'introduction de la MDE s'inscrit dans une mouvement de correction et d'adaptation de ce régime.<br>Dans la seconde partie d'analyse économique normative, le constat précédent conduit à identifier les défauts d'incitation à la MDE qui sont sous-jacents aux institutions de l'électrification rurale et à la structuration de ses acteurs pour repérer comment contourner cet obstacle. Ce constat conduit aussi à imaginer une méthode de calcul économique permettant de prendre en compte les paramètres d'hétérogénéité spatiale de la demande et des coûts de réseau en développement pour répondre à l'évolution de la fonction de demande spatialisée.<br>Au premier niveau d'analyse, on procède dans le quatrième chapitre à une analyse microéconomique du comportement des différents types d'acteurs de l'électrification rurale en partant de leur fonction : régulateur, propriétaire-investisseur ou exploitant, du type de choix qui relève de leurs fonctions et de leurs contraintes pour analyser la structure d'incitations à l'investissement en réseau et à la MDE. On insiste plus particulièrement sur la nature d'acteur politique de l'agent investisseur que sont les collectivités locales, nature qui éloigne du comportement de l'agent économique rationnel. On examine en particulier la relation d'asymétrie d'information entre propriétaires-investisseurs et le régulateur qui répartit les aides à l'investissement. Cette asymétrie porte sur les coûts ex-ante et ex-post des projets. Dans la relation principal-agent, la structure informationnelle est compliquée dans le cas réel par l'imperfection même de l'information que détiennent les agents sur leurs projets. Ces défauts de la structure informationnelle expliquent la dérive du régime d'électrification rurale et les défauts d'allocation des ressources.<br>A ce même niveau d'analyse, on propose dans le cinquième chapitre des correctifs afin d'améliorer l'allocation des ressources du régime d'électrification rurale. On identifie des règles visant à inciter à la MDE les propriétaires investisseurs en recherche récurrente de subventions. Nous utilisons une méthode de calcul du surplus social des actions de MDE et d'identification de sa répartition en termes d'avantages-coûts entre les différents agents parties prenantes : les consommateurs, les propriétaires investisseurs et l'exploitant vendeur d'électricité (ici EDF). L'idée est de sortir du seul mode d'évaluation en cours qui ne regarde que l'avantage net pour les collectivités qui investissent alors que les autres agents bénéficient des actions de MDE. Ceci conduit à définir un mode de réallocation d'une partie des externalités positives des actions de MDE sur l'agent investisseur. On teste ainsi le principe de versements incitatifs à la MDE sous la forme de dotations supplémentaires sous réserve de certification des gains en investissement dégagés par les collectivités.<br>Au second niveau d'analyse normative, dans le sixième chapitre, on se confronte à l'obstacle de l'hétérogénéité des actions de MDE dans le but d'éviter le coût administratif très élevé d'une multitude d'actions dispersées spatialement pour définir une méthode d'évaluation des potentiels de MDE par repérage des configurations les plus intéressantes. Le fondement de cette approche propose de dépasser le caractère aspatial de l'analyse économique (Ponsard, 1986, 1988) par le biais d'une articulation entre deux catégories d'hétérogénéités spatiales : d'une part celle du réseau électrique (Juricic, 1975) et d'autre part celle des déterminants de la demande. Nous supposons que les lieux sont porteurs de sens sur le plan économique, au travers des caractéristiques du réseau et de la demande, ce qui nous conduit à construire un zonage géographique comme moyen de faire apparaître simultanément les attributs économiques pertinents associés aux lieux (Beguin et Thisse, 1979).<br>L'objectif de cette méthode est de permettre de concevoir des projets de MDE d'ampleur significative à l'échelle d'un département. Il s'agit donc d'une méthodologie de recherche des potentiels économiques de MDE qui repose sur une approche d'analyse statistique spatialisée dont le but est de produire un zonage de l'espace pertinent sur le plan des projets de MDE. Le zonage est ensuite mobilisé pour proposer des paniers d'actions et sélectionner des zones d'intervention de MDE dont le montant des économies d'investissement en renforcement de réseaux est calculé.
Identifer | oai:union.ndltd.org:CCSD/oai:tel.archives-ouvertes.fr:tel-00334731 |
Date | 18 November 2005 |
Creators | Nadaud, Franck |
Publisher | Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) |
Source Sets | CCSD theses-EN-ligne, France |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | PhD thesis |
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