La guerre contre-insurrectionnelle guatémaltèque : sa généalogie, le déni des responsables et les sources historiques

L’Amérique centrale, théâtre des dernières batailles rangées de la guerre froide, est aujourd’hui la région la plus violente au monde, selon les Nations unies. Notre étude s’intéresse à la forme de guerre irrégulière livrée par l’État guatémaltèque contre sa propre population pendant la deuxième moitié du vingtième siècle. À la lumière de rares témoignages d’exécutants et d’archives militaires et policières, nous examinons un mécanisme clandestin de répression dont les trois principales composantes – les enlèvements, la torture et les exécutions sommaires – pouvaient s’abattre sur toute personne soupçonnée, à tort ou à raison, de conspirer contre un statu quo d’exclusion. Au moment de leur articulation, ces moyens répressifs ont constitué un dispositif qui, à partir de 1966, s’est avéré d’une redoutable efficacité. Arme de prédilection des adeptes de la guerre antisubversive pendant plus de vingt ans, le dispositif permettait, telle une chaîne de production, l’accumulation des renseignements jugés indispensables à cette forme de guerre, ainsi que les cadavres dont l’absence éternelle ou la présence outrageuse sur la place publique servaient d’avertissement funeste à l’ensemble du corps social. Où chercher les origines d’un tel dispositif? À partir des ouvrages de référence cités dans le manuel de guerre contre-subversive de l’armée guatémaltèque, la réponse à cette question nous fera découvrir des parachutistes français pour qui la défaite militaire en Indochine et en Algérie pendant les années 1950 n’était pas une option et pour qui la victoire justifiait absolument tous les moyens. Le penchant de ces pionniers de la guerre hors-norme pour les cours magistraux, les entrevues et les articles, nous a permis d’étudier les méthodes qu’ils préconisaient et de repérer leurs traces au Guatemala. Alors que la guerre qui avait servi de prétexte au maintien du dispositif est terminée, sa très réputée efficacité assure encore aujourd’hui sa pérennité auprès de ceux qui peuvent s’offrir le service. En ce sens, la contre-insurrection se poursuit, et ce, malgré l’absence depuis une quinzaine d’années d’un conflit armé. Cette thèse aborde l’histoire de la guerre irrégulière et son déroulement au Guatemala. Les archives et les témoignages à notre disposition contredisent le déni des crimes commis dans les villes et les campagnes guatémaltèques, dont le génocide de 1982. Finalement, certains signes avant-coureurs indiquent que la violence et l’impunité actuelles au pays pourraient mener à la répétition de tels crimes à l’avenir. / Central America, said to have harboured the Cold War’s last pitched battles, is the world’s most violent place today, according to the United Nations. This dissertation studies the form of irregular warfare that the Guatemalan state waged against its own population during the second half of the twentieth century. Through an analysis of a few extant perpetrator accounts as well as military and police sources, this study sheds light on the three main modes by which the Guatemalan government acted against individuals justly or falsely suspected of conspiring against an exclusionary status quo: kidnapping, torture and summary executions. Combined, these three separate acts constituted a covert apparatus of repression which, beginning in 1966, proved immensely efficient. As the weapon of choice for the practitioners of counterinsurgency warfare for over twenty years, the apparatus, not unlike a production line, allowed for the accumulation of intelligence that was essential for the prosecution of this kind of war, as well as the bodies that, in their perpetual absence or desecrated presence in the public domain, served as a deadly warning to the entire social body. Yet, what are the origins and history of this apparatus of state terror? Starting with the cited references in the Guatemalan military’s counter-insurgency field manual, the answer to this question led to French paratroopers for whom military defeat in Indochina and Algeria in the 1950s was not an option, and for whom victory justified all means necessary. The penchant of the pioneers of this form of no-holds-barred warfare for lectures, interviews and articles allowed us to study the methods they encouraged and to identify their tell-tale signs in Guatemala. While the war that justified the existence of this apparatus has ended, its reputable efficiency has allowed it to persevere among those who can afford to pay for its services today. In this sense, if the war has been formally over in Guatemala for over fifteen years, the counter-insurgency continues. This dissertation traces the roots of irregular warfare and how it played out in Guatemala. Historical sources, including state records and perpetrator accounts, make denial of the crimes committed in urban and rural settings, including genocide in 1982, ring hollow. Finally, present warning signs indicate that on-going violence and impunity in the country could lead to the repetition of such crimes in the future.

Identiferoai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMU.1866/9696
Date12 1900
CreatorsDrouin, Marc
ContributorsMilton, Cynthia E.
Source SetsLibrary and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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