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Déconstruire l'hétérogénéité des systèmes neurocognitifs sous-jacents aux comportements antisociaux : de l'analyse développementale aux corrélats neurobiologiques

Contexte. L’étiologie des comportements antisociaux est encore mal comprise. La population d’individus commettant ce type de comportements est hautement hétérogène, suggérant ainsi que plusieurs mécanismes biopsychosociaux pourraient augmenter ou réduire le risque de délinquance au cours du développement humain. Objectif. L’objectif principal de cette thèse est d’identifier ces mécanismes sous-jacents à la délinquance, par l’entremise de quatre méthodes scientifiques distinctes, mais complémentaires : les analyses de trajectoires développementales, l’activité cérébrale induite par une tâche, la connectivité cérébrale au repos ainsi que l’étude des lésions cérébrales. Méthodologie. Afin d’atteindre cet objectif, une première étude a été réalisée en réanalysant les données de l’Étude Longitudinale du Développement des Enfants du Québec (n=1309). Par l’entremise de modèles de trajectoires par classes latentes, cette étude visait à identifier des sous-groupes de jeunes présentant des trajectoires développementales de traits psychologiques (c.-à-d., l’insensibilité émotionnelle, les traits anxio-dépressifs, l’irritabilité et les traits d’hyperactivité/impulsivité) à risque de comportements antisociaux à l’enfance et l’adolescence. Par ailleurs, deux méta-analyses portant sur des études d’activation cérébrale (71 et 147 études) ont été réalisées afin d’identifier les principales altérations de l’activité cérébrale sous-jacent à différents domaines neurocognitifs, ainsi que leur similarité avec d’autres problématiques psychiatriques. De plus, une troisième méta-analyse (18 études) a été accomplie afin d’étudier si les individus antisociaux présentaient des déficits lors de la connectivité cérébrale au repos. De manière à combler les limites de la littérature sous-jacente à la connectivité cérébrale au repos des individus antisociaux, une étude transversale a été effectuée sur 1,416 enfants et adolescents issue Healthy Brain Network aux États-Unis. Outre l’objectif de valider les résultats de la méta-analyse précédente, cette étude a été conçue de manière à mieux comprendre le rôle de l’interaction entre des systèmes neurobiologiques dans l’explication des comportements antisociaux. Finalement, une récente revue de la littérature scientifique produite par des chercheurs américains a permis d’identifier 17 cas dans lesquels des lésions au cerveau étaient temporellement liés à l’émergence de comportements antisociaux. Grâce à une reconstruction des images de lesdites lésions, des analyses de coactivation méta- analytique ont été conduites afin de récréer les réseaux neurobiologiques altérés qui seraient possiblement à l’origine de de gestes délinquants. Résultats. Les résultats ont soutenu l’importance des traits d’insensibilité émotionnelle dans l’explication du risque de délinquance, et aussi montré que l’interaction développementale entre les traits psychologiques augmentait jusqu’à 10 fois le risque de comportements antisociaux à l’enfance. Sur une base neurobiologique, les résultats ont révélé que les personnes ayant commis des gestes délinquants rapporteraient d’importants déficits dans les régions cérébrales impliquées dans le contrôle cognitif, la réponse à une menace et les cognitions sociales. En comparaison avec le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité et les troubles anxieux et dépressifs, le trouble des conduites serait associé à un dysfonctionnement commun de régions cérébrales impliquées dans le contrôle des émotions et du système somato-moteur. Par ailleurs, les résultats indiquent que la population étudiée serait principalement caractérisée par une dysconnectivité fonctionnelle entre les réseaux socioaffectifse et attentionnels, mais aussi entre les systèmes somato-moteurs, attentionnels et ceux impliqués dans la détection de stimuli saillants. Finalement, les lésions cérébrales pourraient causer des comportements délinquants par l’entremise de trois mécanismes neurobiologiques, notamment par une défaillance du réseau de la récompense (lobe frontal), du réseau impliqué dans le traitement des émotions négatives (lobe temporal) ainsi que la reconnaissance émotionnelle faciale (amygdale). Conclusions. Les résultats des travaux présentés dans cette thèse soutiennent l’importance de mieux comprendre l’hétérogénéité de domaines neurocognitifs dans l’explication des comportements délinquants. D’une part, ceux-ci soulignent l’importance des systèmes neurobiologiques à valence négative (associés à l’anxiété et l’irritabilité), aux systèmes cognitifs (associés à l’hyperactivité/impulsivité et à l’inattention) ainsi qu’aux processus sociaux (associés à l’insensibilité émotionnelle). D’autre part, les résultats suggèrent un rôle limité des systèmes de récompense, mais un rôle prépondérant du système sensorimoteur (associé à l’action et au contrôle des mouvements). La présente thèse offre une perspective novatrice et exhaustive sur l’hétérogénéité neurocognitive sous-jacente à la délinquance. Or, la variabilité interindividuelle des systèmes neurobiologiques étudiés dans cette thèse reste à être identifiée, de manière à découvrir des cibles thérapeutiques prometteuses pour réduire le risque de délinquance. / Background. The etiology of antisocial behaviors remains largely misunderstood. Antisocial population is characterized as highly heterogeneous, therefore indicating that several biopsychosocial mechanisms may increase or reduce the risk for delinquency during human development. Aim. The principal aim of this thesis is to identify these mechanisms underlying delinquent behaviors through different yet complementary method: developmental trajectories, task-based brain activity, brain connectivity at rest as well as the study of brain lesions. Methodology. To do so, a first study was conducted by reanalyzing cohort data from the Quebec Longitudinal Study of Child Development (n=1,309). Latent growth curve models allowed to identify subgroups of children exhibiting developmental trajectories of psychological traits (i.e., callous-unemotional traits, anxio-depressive traits, irritability and hyperactivity/impulsivity) that are at risk for antisocial behaviors during childhood and adolescence. Also, two meta-analyses of neuroimaging studies (71 and 147 studies) were carried out to highlight main deficits in brain activity underlying distinct neurocognitive systems as well as their similarity with other psychiatric disorders. Moreover, a third meta-analysis (18 studies) is presented to better understand whether antisocial subjects may exhibit brain connectivity at rest. In order to overcome limitations of past studies examining resting-state functional connectivity, a cross-sectional study was performed on 1,416 children and adolescents derived from the Healthy Brain Network in the United States. Additionnally to examine reliability of meta-analytic findings, this study was conducted in order to better understand the role of the interaction between neurobiological systems in our understanding of antisocial behaviors. Finally, a recent literature review carried out by American researchers highlighted 17 cases during which focal brain lesions were temporally associated with emergence of antisocial behaviors. By reconstructing images of these brain lesions, meta-analytic coactivation modelling was conducted in order to recreate neurobiological systems which would possibly be the origins of delinquent acts. Results. The results observed in this thesis support the crucial role of callous- unemotional traits in our understanding of the risk for delinquency, but also suggest that the developmental interaction between psychological markers increases up to 10 times this risk. On a neurobiological ground, results revealed that individuals that have committed antisocial behaviors were mainly characterized by dysfunctions in brain regions involved in cognitive control, threat detection as well as social cognition. In comparison to attention-deficit/hyperactivity disorder and anxiety and depressive disorders, conduct disorder was similarly associated with dysfunction in regions related to emotion regulation and somatomotor functions. Moreover, the results suggest that antisocial population may be characterized by dysconnectivity between socio-affective and attentional processes and between somatomotor and attentional processes as well as those involved in salient detection mechanism. Finally, brain lesions may cause antisocial behaviors by three neurobiological mechanisms, notably by disrupting the reward network (frontal lesions), the network involved in negative emotion processing (temporal lesions) and the emotional face processing (amygdala lesions). Conclusions. The results of the work presented in this thesis support the importance of studying the heterogeneity in neurocognitive systems for our understanding of antisocial behaviors. On the one hand, these results highlight the role of neurobiological systems of negative valence (related to anxiety and irritability), cognitive systems (related to hyperactivity/impulsivity and inattention) and social cognition (related to callous-unemotional traits). On the other hand, the results underline the limited contribution of positive valence system, but a prominent role of sensorimotor system (related to action and motor control). The current thesis offers a novel and exhaustive perspective on the heterogeneity of neurocognitive systems underlying delinquent behaviors. The interindividual variability of these systems is yet to be unveiled in order to uncover promising targets for treatment in a hopeful aim to reduce risk for delinquency.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/28598
Date08 1900
CreatorsDugré, Jules
ContributorsPotvin, Stéphane
Source SetsUniversité de Montréal
Languagefra
Detected LanguageFrench
Typethesis, thèse
Formatapplication/pdf

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