Travail réalisé en cotutelle (Université de Paris IV-La Sorbonne). / Cette étude vise à exposer le rôle méthodologique que Martin Heidegger attribue à la conscience (Gewissen) dans Être et temps et à faire ressortir les implications de son interprétation de « l’appel de la conscience » comme le moyen de produire l’attestation (Bezeugung) de l’existence authentique en tant que possibilité du Dasein (ou être-dans-le-monde). Notre objectif initial est de montrer comment la notion heideggérienne de conscience a évolué avant la publication d’Être et temps en 1927 et d’identifier les sources qui ont contribué à l’interprétation existentiale de la conscience comme « l’appel du souci. » Notre analyse historique révèle notamment que Heidegger n’a jamais décrit la conscience comme un « appel » avant sa lecture du livre Das Gewissen (1925) par Hendrik G. Stoker, un jeune philosophe sud-africain qui a étudié à Cologne sous la direction de Max Scheler. Nous démontrons plus spécifiquement comment l’étude phénoménologique de Stoker—qui décrit la conscience comme « l’appel du devoir (Pflichtruf) » provenant de l’étincelle divine (synteresis) placée dans l’âme de chaque personne par Dieu—a influencé l’élaboration du concept de « l’appel existentiel » chez Heidegger. Mettant l’accent sur le rôle méthodologique de la conscience dans Être et temps, nous soulignons aussi l’importance des liens entre son concept de la conscience et la notion de « l’indication formelle » que Heidegger a mise au cœur de sa « méthode » dans ses cours sur la phénoménologie à Freiburg et Marbourg. Alors que de nombreux commentateurs voient dans « l’appel de la conscience » une notion solipsiste qui demeure impossible en tant qu’expérience, nous proposons un moyen de lever cette difficulté apparente en tentant de faire ressortir ce qui est « indiqué formellement » par la notion même de la conscience (Gewissen) dans Être et temps. Cette approche nous permet d’affirmer que le concept de conscience chez Heidegger renvoie à un phénomène de « témoignage » qui est radicalement différent de la notion traditionnelle de conscientia. Guidé par les principes mêmes de la phénoménologie heideggérienne, nous procédons à une analyse « destructrice » de l’histoire du mot allemand Gewissen qui nous révèle que la signification originelle de ce mot (établie dans le plus ancien livre préservé dans la langue allemande : le Codex Abrogans) était testimonium et non conscientia. À l’origine, Gewissen signifiait en effet « attestation »—ce qui est précisément le rôle assigné à la conscience par Heidegger dans Être et temps. Sur la base de cette découverte, nous proposons une manière de comprendre cette « attestation » comme une expérience possible : l’écoute du « témoignage silencieux » du martyr qui permet à Dasein de reconnaître sa propre possibilité d’authenticité. / This study aims to exhibit the methodological role that Martin Heidegger assigns to conscience (Gewissen) in Being and Time and to reveal the implications of his interpretation of the “call of conscience” as the means of producing the attestation (Bezeugung) of authentic existence as a possibility of Being-in-the-world (or Dasein). We begin by seeking to understand how Heidegger’s notion of conscience evolved prior to the 1927 publication of Being and Time and to identify the sources which contributed to his interpretation of conscience as the “call of care.” Our historical analysis notably reveals that Heidegger never once describes conscience as a “call” before reading Das Gewissen (1925) by Hendrik G. Stoker, a young South African philosopher who studied under Max Scheler’s direction at the University of Cologne. We specifically examine how Stoker’s phenomenological study—which describes conscience as the “call-of-duty” issued to each human being by the divine “spark” (synteresis) placed in his or her soul by God—contributed to shaping Heidegger’s account of the “existential call.” Focusing on the methodological role of conscience in Being and Time, we analyze Heidegger’s major work in light of his early lectures on phenomenology at Freiburg and Marburg. This approach confirms the relation between conscience in Being and Time and the concept of “formal indication” that Heidegger placed at the heart of his evolving “method” of phenomenological investigation. While many commentators have argued that Heidegger’s “call of conscience” is solipsistic and impossible to experience, we propose a way of reconsidering this apparent impasse by examining what Being and Time itself “formally indicates” with regard to conscience. We show that Heidegger’s conscience points to a phenomenon of existential “testimony” which is radically different from the traditional notion of conscientia. Guided by Heidegger’s “formal indication” of conscience, we “destructively” review the history of the German word Gewissen and reveal its original meaning to be “testimonium” not “conscientia.” In recognizing that Gewissen originally meant “attestation,” we show how Heidegger’s existential phenomenon of conscience can be understood as Dasein’s experience of hearing the “silent testimony” of the martyr.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/8711 |
Date | 10 1900 |
Creators | Kasowski, Gregor Bartolomeus |
Contributors | Grondin, Jean, Courtine, Jean-François |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | English |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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