Return to search

Désapprendre l’art de « ne pas voir » la violence coloniale au Canada : cultiver des subjectivités relationnelles décolonisatrices

Les structures du colonialisme d’occupation au Canada perpétuent encore aujourd’hui les dépossessions des Autochtones au bénéfice des occupant·es, ainsi que les tentatives de substitution des occupant·es aux peuples autochtones, suivant ce que Patrick Wolfe appelle une logique de l’élimination. Il ne suffit pas de déclarer notre reconnaissance du territoire autochtone. À titre de Zhaaganaash (occupante blanche sur un territoire Omàmìwinini/algonquin non cédé), il m’incomberait de « participer au processus de décolonisation », suivant l’appel à la justice 15.2 de l’ENFFADA (2019). Toutefois, la logique coloniale, incluant une épistémologie de l’ignorance, conditionne la population générale à naturaliser les hiérarchies désirées et à « ne pas voir » la violence coloniale — historique et contemporaine — au Canada. Alors que mon projet initial visait à cultiver des possibilités de subjectivité occultées par le patriarcat, à la lumière de la pensée de Luce Irigaray, mes études féministes m’ont fait voir l’urgence de la décolonisation. Je vois dans la pensée philosophique de Luce Irigaray une dimension déconstructrice (de la constitution du sujet, de son discours, et de ses « projet[s] téléologiquement constructeur[s] » d’un monde à son image et selon ses intérêts) et une dimension reconstructrice de possibilités alternatives (fondées sur ses concepts de la limite, l’intervalle, l’efflorescence, et l’éthique de la différence sexuelle, entre autres). Plus je lis son œuvre, et plus je lis de perspectives autochtones diverses, plus je vois comment les processus théoriques que décrit Luce Irigaray sont opérationnalisés contre les peuples autochtones sous le colonialisme d’occupation au Canada, et comment certaines nouvelles possibilités imaginées par Luce Irigaray — notamment pour les femmes — exist(ai)ent déjà, concrètement, chez certains peuples autochtones au Canada. Je soutiens que certaines théories irigaréennes sont ouvertes à des prolongements anticoloniaux et décolonisateurs utiles pour ouvrir la réceptivité d’occupant·es, au-delà des fragilités blanches et occupantes, à diverses perspectives autochtones essentielles au désapprentissage de nos aveuglements coloniaux et à la culture de subjectivités relationnelles qui sont spécifiquement décolonisatrices selon la définition de Tuck et Yang (2012). Le colonialisme d’occupation étant trop complexe pour s’expliquer à partir d’une seule théorie (Wolfe, 2006), mon projet consiste à développer un cadre d’analyse multidisciplinaire (incluant, mais non limité à la philosophie irigaréenne), dont la loupe de sélection se constitue de diverses perspectives autochtones. J’explore ce que voudrait dire la décolonisation en termes concrets dans mon quotidien de Zhaaganash.

Identiferoai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/43527
Date28 April 2022
CreatorsSavard, Marianne
ContributorsDaoust, Valérie
PublisherUniversité d'Ottawa / University of Ottawa
Source SetsUniversité d’Ottawa
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThesis
Formatapplication/pdf

Page generated in 0.0026 seconds