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Immanuel Wallerstein : de la sociologie du développement à l’histoire globale / Immanuel Wallerstein : from development sociology to global history

Hugot, Yves David 21 September 2017 (has links)
Dans cette thèse nous avons cherché à prendre la mesure de la rupture épistémologique produite par l’analyse des systèmes-monde dans le champ des sciences sociales à travers l’étude d’un de ses principaux représentants, Immanuel Wallerstein. Dans un premier temps, ses recherches sur les mouvements nationalistes, la décolonisation et les indépendances africaines, se sont inscrites dans le cadre de ce qu’on a appelé la théorie de la modernisation qui corrélait changements sociaux et développement. Un tel modèle reposait sur une philosophie de l’histoire progressiste ordonnant les sociétés pensées comme des entités discrètes sur un axe menant de la tradition à la modernité, de sociétés agraires et rurales pauvres et oppressives pour l’individu à des sociétés urbaines industrielles prospères et individualistes. L’échec du développement des pays africains au cours des années 60 a fait douter Wallerstein de la pertinence de ce modèle. Il a alors cherché à élaborer une théorie alternative de la modernité à l’échelle globale. Au lieu de lire l’histoire mondiale selon le fil d’une modernisation qui serait un processus se réalisant à l’échelle sociétale, il l’a organisée autour de l’échange inégal entre zones exploiteuses et exploitées appartenant à un même système social appelé « système-monde moderne. » L’histoire de la modernité depuis la Renaissance et la conquête de l’Amérique devenait alors celle d’une polarisation continue entre les différentes zones de ce système, sa globalisation à partir de la deuxième moitié du dix-huitième siècle et durant tout le dix-neuvième ne faisant qu’étendre au monde entier l’inégalité entre un centre développé et une périphérie sous-développée. Au-delà de la critique de la théorie de la modernisation et du développementalisme, l’analyse des systèmes-monde a aussi procédé à une remise en cause de l’image progressiste de l’histoire qui s’était imposée depuis la philosophie des Lumières. Le système-monde moderne apparu au tournant du quinzième et du seizième siècle, comme tout système, aura une fin, comme il a eu un début. Nous vivons dans un système social qui en tant que tel est voué à disparaître sans qu’on puisse dire s’il constitue un progrès par rapport aux précédents (jamais aucun système social n’a été aussi inégalitaire), ni s’il donnera naissance à un système qui sera meilleur (en bifurcation chaotique l’avenir est incertain).En élaborant une autre « chronosophie » (Krystof Pomian), une autre « image » (Thomas Kuhn) de l’histoire que celle, progressiste, qui sous-tendait le développementalisme et la théorie de la modernisation, c’est bien une révolution copernicienne et une rupture épistémologique dans les sciences sociales qu’expose l’analyse des systèmes-monde. C’est donc bien un nouveau paradigme qu’elle se propose de constituer, l’œuvre de Wallerstein incarnant le passage des histoires mondiales classiques fondées sur le nationalisme méthodologique et l’idée de progrès, vers les histoires globales actuelles. / This PhD thesis aims to study the epistemological break produced by world-systems analysis in the field of social sciences, through the study of one of its major representatives, Immanuel Wallerstein. Initially, his research on nationalist movements, decolonization and African Independences was part of what has been called modernization’s theory. Such a model, built on a progressist philosophy of history, orders societies - perceived as discrete entities - on a linear axis leading from tradition to modernity, from poor and oppressive agrarian societies to prosperous and individualistic urban, industrial societies. The failure of development in African countries during the 1960s caused Wallerstein to doubt the relevance of this model. He then sought to elaborate an alternative theory of modernity on a global scale. In this theory, modernisation - a process realizable on the societal scale - is not the guiding thread to the reading of world history. Rather, world history is organised through the unequal exchange between exploitative and exploited zones belonging to the same social system he called “modern world-system”. The history of modernity from the Renaissance and the conquest of America onwards became one of continuous polarisation between different zones of the system. Its globalisation from the second half of the eighteenth and throughout the nineteenth century expanded inequality between a developed centre and an underdeveloped periphery to the entire world. Further to the critique of modernisation and developmentalism, the world-systems analysis has also called into question the progressive image of history which had been imposed since the Enlightenment philosophy. The modern world-system as it emerges at the turn of the fifteenth to the sixteenth century will have a demise as it had a beginning. As a social system, it is bound to disappear. It does not constitute an improvement with regard to the precedent systems (never has any social system been so inegalitarian) and it is unlikely to breed a better system since in a chaotic bifurcation, the future is uncertain.By elaborating a new “image” (Thomas Kuhn) of history, a new chronosophy (Krzysztof Pomian), the world-systems analysis operates a Copernican revolution and an epistemological rupture in the social sciences with regards to the theory of modernisation presented as the compendium of nineteenth century social science. As such, the world-systems analysis emerges as a new paradigm. Wallerstein’s work constitutes the passage from world histories founded on methodological nationalism and the idea of progress to the current non-Eurocentric global histories.

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