Au Sahel, le bois-énergie, sous une forme brute ou sous forme de charbon, est la première source énergétique des populations rurales et urbaines. La demande croissante des grandes villes fait peser sur les ressources forestières avoisinantes une pression de plus en plus forte, pouvant remettre en cause leur durabilité. Dans ce contexte, la question de l'organisation spatiale des bassins d'approvisionnement des villes sahéliennes, est un enjeu majeur pour la définition de politiques de gestion à long terme des ressources ligneuses. La modélisation spatiale de l'aire d'approvisionnement de Bamako (Mali), utilisée comme un processus heuristique, permet de mettre en évidence les déterminants de la localisation et de l'intensité des prélèvements. Il apparaît que le facteur principal d'explication des flux de bois réside dans l'organisation des ventes de bois en milieu rural. La présence d'une foire hebdomadaire ou d'un marché rural du bois-énergie est un facteur d'attractivité plus important que la distance à Bamako. Cette caractéristique de l'échange est négligée dans la plupart des modèles de localisation existants qui, en majorité, s'attachent au seul coût du transport. Le modèle ainsi élaboré, par sa capacité de prédiction des flux et de mesure des potentiels, offre également un intérêt pratique pour la planification d'actions, équitables et efficaces, visant à rendre l'approvisionnement de Bamako plus durable.

Dans le sud du Cameroun, les palmeraies « villageoises » contribuent au développement rural et à la satisfaction des besoins nationaux en corps gras pour l'alimentation humaine et la savonnerie. Entre 1978 à 1991, 13 000 ha de palmeraies villageoises sélectionnées sont implantés avec l'appui technique et financier d'un projet. Puis le verger villageois sélectionné a triplé pour couvrir actuellement environ 40 000 ha. Ces plantations villageoises réalisées sans encadrement ni soutien financier présentent une grande variabilité de pratiques. Ceci soulève deux questions : celle de la valeur agronomique du verger villageois et celle de l'adaptation du conseil technique normatif. Ce travail repose sur une double approche agronomique. La première se fonde sur un diagnostic agronomique régional qui identifie les facteurs limitant les rendements et les pratiques dont ils découlent, afin de retracer des trajectoires de parcelles. La seconde approche est fondée sur une analyse compréhensive de la constitution de la sole, en retraçant l'historique des conditions d'installation de chacune des parcelles et en resituant les exploitations dans leur bassin d'approvisionnement. Un nouveau facteur limitant spécifique des palmeraies villageoises est révélé : la nutrition azotée en phase adulte. L'analyse spatiale et temporelle de la constitution des soles permet d'expliquer la variabilité des pratiques et d'établir des liens entre les conditions d'implantation, de conduite juvénile et des caractéristiques de parcelles adultes. Le contenu du conseil technique est revisité pour l'adapter aux nouvelles situations de parcelles, d'exploitation et d'environnement filière.

La discipline agronomique s'est construite en France autour des trois objets 'parcelle', exploitation agricole' et 'territoire'. Mes travaux ont porté essentiellement sur ces deux derniers, dans une double perspective (i) de compréhension des modalités de gestion par les producteurs de leurs systèmes de production, au sein de leurs exploitations et en interaction avec leur environnement et (ii) d'aide à la conception de nouvelles formes de gestion. Ces travaux ont été ancrés dans des dispositifs combinant des terrains, essentiellement en Afrique et Amérique Latine, et des démarches de recherche-intervention mobilisant enquêtes, conception de modèles numérisés et accompagnement des acteurs. J'ai analysé les pratiques gestionnaires des producteurs dans des contextes variés (exploitations rizicoles dans le delta du fleuve Sénégal ; exploitations de polyculture-élevage en Afrique de l'Ouest ; exploitations laitières au Maroc et en Amérique Latine), afin de montrer comment et pourquoi leurs choix techniques sont divers face aux préconisations souvent uniformes de la Recherche et du Développement. Ces analyses m'ont amené à proposer une représentation de l'exploitation agricole vue comme un ensemble de coordinations entre des niveaux de décision et de fonctions, mobilisant trois sous-systèmes, biophysique, technique et décisionnel. Les connaissances produites m'ont permis de concevoir des outils simulant le fonctionnement des exploitations de polyculture-élevage. Ces outils sont utilisés pour accompagner les producteurs dans leurs réflexions sur l'évolution de leurs systèmes de production (meilleure intégration entre agriculture et élevage), et se veulent transférables à des conseillers agricoles. Parallèlement à ces travaux sur les exploitations agricoles, je me suis intéressé aux organisations collectives dans lesquelles elles s'insèrent, principalement les périmètres irrigués et les bassins d'approvisionnement agro-industriels. J'ai cherché à comprendre les modalités d'interactions entre producteurs, d'une part, industriels ou gestionnaires de périmètres, d'autre part, puis à explorer avec les acteurs les voies possibles d'évolution de ces interactions pour une meilleure performance collective. Les interventions conduites avec l'industrie sucrière à La Réunion et en Afrique du Sud, ont débouché sur la conception du logiciel Magi®. Celui-ci permet de simuler les effets de règles d'approvisionnement d'une sucrerie de canne combinées à des dimensionnements des capacités depuis les producteurs jusqu'à l'usine, sur la production de sucre annuelle du bassin d'approvisionnement. Se situant à l'interface entre sciences biotechniques et sciences sociales, mes travaux s'inscrivent dans une transdisciplinarité tant avec les agronomes du système de culture (riz, canne à sucre, agriculture de conservation) et les zootechniciens (élevage laitier), qu'avec les économistes autour des systèmes de paiement de l'eau ou des matières premières agricoles. Cette orientation sera poursuivie dans mes projets futurs et articulée avec les travaux conduits dans mon équipe sur le conseil aux producteurs.