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L'émergence des limites à la liberté de tester en droit québécois : étude socio-juridique de la production du droit

Morin, Christine 07 1900 (has links)
"Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de docteur en droit (LL.D.)". Cette thèse a été acceptée à l'unanimité et classée parmi les 10% des thèses de la discipline. / La liberté de tester au Québec a longtemps été qualifiée de « illimitée ». Dans les faits, une telle liberté signifiait que le de cujus pouvait ne rien laisser à son ou sa conjointe ni à ses enfants. Or, depuis l'introduction des dispositions législatives sur la prestation compensatoire et, plus particulièrement, de celles sur le patrimoine familial et sur la survie de l'obligation alimentaire, l'étendue de cette liberté n'est plus la même. Bien que les Québécois soient toujours libres de déterminer par testament à qui ils souhaitent léguer leurs biens, leur liberté est désormais limitée par ces dispositions législatives impératives qui permettent au conjoint survivant et à la famille immédiate du défunt de réclamer certaines sommes à la succession, et ce, quelles que soient les dernières volontés du de cujus. Ainsi, le patrimoine sur lequel s'exerce la liberté du testateur n'est plus forcément celui sur lequel le défunt pouvait exercer sa volonté pendant sa vie et son mariage. Il n'est donc plus possible de parler de liberté « illimitée» de tester des Québécois. Ce constat quant à l'émergence de restrictions à la liberté testamentaire dans le Code civil nous conduit à nous interroger sur les raisons et les fondements de cette transformation de la liberté de tester et, incidemment, sur la question plus générale de la production et de l'évolution du droit de la famille dans la société. Pour répondre à ce questionnement, cette thèse repose sur une approche socio-juridique selon laquelle il faut rechercher les fondements de l'évolution du droit à l'intérieur des représentations sociales valorisées dans une société et une époque données. Partant du postulat que ce sont les changements dans les représentations sociales qui contribuent à expliquer le passage d'une rationalité sociale à une rationalité juridique, cette thèse dégage par quels acteurs, suivant quelles logiques et dans quels buts ces restrictions à la liberté de tester ont été introduites dans le droit québécois. Une telle façon d'aborder l'évolution du droit à partir de l'évolution des représentations sociales contribue ainsi à « éclairer» l'idée communément véhiculée selon laquelle le droit reflète l'évolution des moeurs. Grâce à une étude des représentations sociales inscrites et retracées dans le discours des acteurs sociaux - mémoires déposés à l'Assemblée nationale, Journal des débats, commissions parlementaires, jurisprudence, doctrine, textes de loi - cette thèse montre que les changements qui ont conduit à restreindre la liberté de tester au Québec ne dépendent pas que des perceptions relatives à la famille et au patrimoine, tel qu'on le rapporte généralement. L'introduction de restrictions à la liberté de tester dans le Code civil semble plutôt résulter d'un compromis entre l'évolution des représentations sociales sur les rapports familiaux et l'évolution des représentations sociales sur le droit, plus précisément quant aux fonctions du droit dans la société et aux conditions de sa cohérence. L'analyse de cette évolution permet enfin d'observer que si le droit des successions a longtemps été une « composante » du droit des biens, il constitue désormais, surtout, une « composante» du droit de la famille. / Formerly the freedom of wiIling in Quebec was considered to be "unlimited", which meant that its scope was such that the deceased could refrain from bequeathing any property at aIl to his or her spouse or children. Following the introduction of legal measures on compensatory allowance and, more particularly, provisions concerning the family patrimony and the survival of the obligation of support, the scope of this freedom is no longer as alI-inclusive as it once was. Although Quebeckers remain free to determine via their last wiIls and testaments to whom they wish to bequeath their property, henceforth their margin of freedom is limited by the preceding legislative changes which entitle the surviving spouse and immediate family of the deceased to claim to certain amounts from the succession, whatever the last will of the deceased may have been. As such, the patrimony upon which the testator now exercises freedom has ceased necessarily to be that which the deceased had control over during his or her life and marriage. It is thus no longer possible to refer to Quebeckers' "unlimited freedom" of wiIling. The emergence of limitations in testamentary freedom in the Civil Code invites us to question the reasons and foundations for this shift in the freedom of willing and, incidentaIly, the more general issue of the reform and evolution offamily law in society. To address these issues, this thesis is founded upon a socio-Iegal approach according to which it is essential to seek out the basis of the evolution of law from within the social representations valued in a society at a given time in its history. Beginning from the postulate that it is the changes in social representations that help to explain the transition from a social rationality to a legal rationality, this thesis illustrates by what actors, foIlowing which lines of logic and to what end these limitations in the freedom of wiIling were introduced into Quebec law. Such an approach to the evolution of the law on the basis of social representations thereby helps "to enlighten" the commonly expressed idea whereby law is a mirror image of mores. Based upon an analysis of social representations recorded and retrieved in the discourse of different social actors, including briefs tabled before the National Assembly and proceedings in the Journal of Debates, parliamentary committees, as weIl as decided cases, doctrine and statutory texts, this thesis seeks to demonstrate how the changes which led to the restriction in testamentary freedom in Quebec extend far beyond perceptions evoking family and patrimony as is generaIly claimed. The introduction of limitations in the freedom of willing in the Civil Code seems rather to result from a compromise between the evolution in social representations regarding family relationships and the evolution in social representations regarding law, more specifically with regard to the functions of law in society and the conditions underlying the law's systemic coherence. Lastly the analysis of this evolution makes it possible to observe that while the law governing successions was for a long time a "component" of property law, henceforth it has specifically gravitated to being a "component" of family law.
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L'émergence des limites à la liberté de tester en droit québécois : étude socio-juridique de la production du droit

Morin, Christine 07 1900 (has links)
La liberté de tester au Québec a longtemps été qualifiée de « illimitée ». Dans les faits, une telle liberté signifiait que le de cujus pouvait ne rien laisser à son ou sa conjointe ni à ses enfants. Or, depuis l'introduction des dispositions législatives sur la prestation compensatoire et, plus particulièrement, de celles sur le patrimoine familial et sur la survie de l'obligation alimentaire, l'étendue de cette liberté n'est plus la même. Bien que les Québécois soient toujours libres de déterminer par testament à qui ils souhaitent léguer leurs biens, leur liberté est désormais limitée par ces dispositions législatives impératives qui permettent au conjoint survivant et à la famille immédiate du défunt de réclamer certaines sommes à la succession, et ce, quelles que soient les dernières volontés du de cujus. Ainsi, le patrimoine sur lequel s'exerce la liberté du testateur n'est plus forcément celui sur lequel le défunt pouvait exercer sa volonté pendant sa vie et son mariage. Il n'est donc plus possible de parler de liberté « illimitée» de tester des Québécois. Ce constat quant à l'émergence de restrictions à la liberté testamentaire dans le Code civil nous conduit à nous interroger sur les raisons et les fondements de cette transformation de la liberté de tester et, incidemment, sur la question plus générale de la production et de l'évolution du droit de la famille dans la société. Pour répondre à ce questionnement, cette thèse repose sur une approche socio-juridique selon laquelle il faut rechercher les fondements de l'évolution du droit à l'intérieur des représentations sociales valorisées dans une société et une époque données. Partant du postulat que ce sont les changements dans les représentations sociales qui contribuent à expliquer le passage d'une rationalité sociale à une rationalité juridique, cette thèse dégage par quels acteurs, suivant quelles logiques et dans quels buts ces restrictions à la liberté de tester ont été introduites dans le droit québécois. Une telle façon d'aborder l'évolution du droit à partir de l'évolution des représentations sociales contribue ainsi à « éclairer» l'idée communément véhiculée selon laquelle le droit reflète l'évolution des moeurs. Grâce à une étude des représentations sociales inscrites et retracées dans le discours des acteurs sociaux - mémoires déposés à l'Assemblée nationale, Journal des débats, commissions parlementaires, jurisprudence, doctrine, textes de loi - cette thèse montre que les changements qui ont conduit à restreindre la liberté de tester au Québec ne dépendent pas que des perceptions relatives à la famille et au patrimoine, tel qu'on le rapporte généralement. L'introduction de restrictions à la liberté de tester dans le Code civil semble plutôt résulter d'un compromis entre l'évolution des représentations sociales sur les rapports familiaux et l'évolution des représentations sociales sur le droit, plus précisément quant aux fonctions du droit dans la société et aux conditions de sa cohérence. L'analyse de cette évolution permet enfin d'observer que si le droit des successions a longtemps été une « composante » du droit des biens, il constitue désormais, surtout, une « composante» du droit de la famille. / Formerly the freedom of wiIling in Quebec was considered to be "unlimited", which meant that its scope was such that the deceased could refrain from bequeathing any property at aIl to his or her spouse or children. Following the introduction of legal measures on compensatory allowance and, more particularly, provisions concerning the family patrimony and the survival of the obligation of support, the scope of this freedom is no longer as alI-inclusive as it once was. Although Quebeckers remain free to determine via their last wiIls and testaments to whom they wish to bequeath their property, henceforth their margin of freedom is limited by the preceding legislative changes which entitle the surviving spouse and immediate family of the deceased to claim to certain amounts from the succession, whatever the last will of the deceased may have been. As such, the patrimony upon which the testator now exercises freedom has ceased necessarily to be that which the deceased had control over during his or her life and marriage. It is thus no longer possible to refer to Quebeckers' "unlimited freedom" of wiIling. The emergence of limitations in testamentary freedom in the Civil Code invites us to question the reasons and foundations for this shift in the freedom of willing and, incidentaIly, the more general issue of the reform and evolution offamily law in society. To address these issues, this thesis is founded upon a socio-Iegal approach according to which it is essential to seek out the basis of the evolution of law from within the social representations valued in a society at a given time in its history. Beginning from the postulate that it is the changes in social representations that help to explain the transition from a social rationality to a legal rationality, this thesis illustrates by what actors, foIlowing which lines of logic and to what end these limitations in the freedom of wiIling were introduced into Quebec law. Such an approach to the evolution of the law on the basis of social representations thereby helps "to enlighten" the commonly expressed idea whereby law is a mirror image of mores. Based upon an analysis of social representations recorded and retrieved in the discourse of different social actors, including briefs tabled before the National Assembly and proceedings in the Journal of Debates, parliamentary committees, as weIl as decided cases, doctrine and statutory texts, this thesis seeks to demonstrate how the changes which led to the restriction in testamentary freedom in Quebec extend far beyond perceptions evoking family and patrimony as is generaIly claimed. The introduction of limitations in the freedom of willing in the Civil Code seems rather to result from a compromise between the evolution in social representations regarding family relationships and the evolution in social representations regarding law, more specifically with regard to the functions of law in society and the conditions underlying the law's systemic coherence. Lastly the analysis of this evolution makes it possible to observe that while the law governing successions was for a long time a "component" of property law, henceforth it has specifically gravitated to being a "component" of family law. / "Thèse présentée à la Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du grade de docteur en droit (LL.D.)". Cette thèse a été acceptée à l'unanimité et classée parmi les 10% des thèses de la discipline.

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