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Proust et les limites du corpsKayser, Cédric 08 1900 (has links)
Quel est le statut du corps aujourd’hui ? Quel est le rôle du sensible à une époque où la pensée de l’artificiel fait bouger les lignes de la communauté académique ? Cette thèse vise à déterminer comment les écrits de Proust ont pu contribuer à une culture contemporaine centrée autour du corps vécu et de ses modalités. L’écrivain, en tant que témoin privilégié de son époque, décrit la façon dont les dispositifs techniques affectent le « voir » du sujet à une époque d’urbanisation progressive des villes. Certains auteurs se sont intéressés à la dimension philosophique de la 'Recherche', la concevant successivement comme initiation (Deleuze, 1964), quête de vérité (Descombes, 1987) ou phénoménologie du sujet (Breeur, 2000). Si ces études ont le mérite d’explorer une « théorie du sujet qui articule de façon nouvelle et cohérente differents aspects de l’être-au-monde » (Leriche, 2004), elles se limitent néanmoins aux termes d’une identité impossible et semblent passer à côté de la présence d’un monde intracorporel si fondamentale dans l’écriture de la 'Recherche'.
Ce projet entend interroger cet impensé, en partant de l’hypothèse selon laquelle nous assistons avec Proust à l’émergence d’une nouvelle pensée du corps. En s’appuyant sur les lectures successives du corps au XXe siècle (réflexion sur la technique à l’époque contemporaine, l’ontologie tardive de Merleau-Ponty, les sciences cognitives au début des années 1990), nos analyses s’inscrivent dans une histoire précise. Dans un premier chapitre, il sera montré comment la crise de la représentation contribue à l’émergence d’un espace corporel. Il s’agira ensuite de déterminer dans quelle mesure l’apport de la phénoménologie dans la France de l’après-guerre contribue à une refonte de l’expérience corporelle. Nous verrons en particulier comment certains détails sensibles (l’incarnat, le visage humain, la palpation tactile du regard) esquissent la voie d’une intercorporéité. Le troisième chapitre nous permettra d’intégrer différents corps de savoir dans nos analyses en soulignant comment l’opacité de l’expérience corporelle peut profiter d’un éclairage épistémologique. Enfin, il nous faudra dans un dernier temps élargir notre enquête au problème de l’expression et au rapport entre corps et énonciation. / What is the status of the body today ? What is the role of the sensible world at a time when the thought of the artificial is shifting the lines of the academic community ? This thesis aims to determine how Proust’s writings have contributed to a contemporary culture centred around the lived body and its modalities. The writer, as a privileged witness of his time, describes how technical devices affect the subject’s “seeing” in a period of overwhelming urbanization. Some authors have taken an interest in the philosophical dimension of 'Remembrance of Things Past', conceiving it successively as initiation (Deleuze, 1964), search for truth (Descombes, 1987) or phenomenology of the subject (Breeur, 2000). If these studies have the merit of exploring a “theory of the subject that articulates in a new and coherent way different aspects of being in the world” (Leriche, 2004), they are nevertheless limited to the terms of an impossible identity and seem to miss the presence of an intracorporeal world that is so fundamental in Proust’s writing.
This project intends to question this unthought, based on the hypothesis that we are witnessing with Proust the emergence of a new way of thinking about the body. Building on the successive readings of the body in the 20th century (reflection on technique in the contemporary era, Merleau-Ponty’s late ontology, cognitive sciences in the early 1990s), our analyses have a precise history. In a first chapter, it will be shown how the crisis of representation contributes to the emergence of a corporeal space. It will then be a question of determining the extent to which phenomenology in post-war France contributes to a recasting of bodily experience. We will see in particular how certain sensitive details (incarnateness, the human face, the tactile palpation of the gaze) sketch the way to an intercorporeality. The third chapter will allow us to integrate different bodies of knowledge in our analyses by underlining how the opacity of body experience can benefit from an epistemological lighting. Finally, we will have to extend our investigation to the problem of expression and to the relationship between body and enunciation.
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Théorie du langage et esthétique totalisante dans l’œuvre poétique de Christophe TarkosCaillé, Anne-Renée 08 1900 (has links)
Cette thèse prend pour objet le nouage entre l’autoréflexivité et la mise en forme esthétique dans la poésie de Christophe Tarkos, produite dans les années 1990. Elle met en lumière les rapports entre l’élaboration d’une théorie du langage au sein de cette œuvre poétique et ses visées esthétiques totalisantes. Il s’agit d’identifier les principes générateurs de la théorie et de fournir une analyse de ses fondements qui s’ancrent dans la crise de la représentation moderne commençant dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Les motifs de la crise revisités par Tarkos inscrivent sa poésie dans une historicité, et notre thèse tente d’interpréter cette actualisation dans une œuvre qui donne forme au monde et à la mémoire individuelle. L’hypothèse qui chapeaute notre étude est que la théorie du langage favorise l’intelligibilité de l’œuvre totalisante en lui offrant un support réflexif.
Notre thèse, qui privilégie une méthode fondée sur l’analyse des textes, se divise en trois parties. La première propose une recension de la réception critique de l’œuvre, dont nous retraçons les grandes lignes d’interprétation, de Christian Prigent à Jean-Michel Espitallier. Tout en plaçant Tarkos dans le champ poétique français, cette étape nous permet de positionner notre recherche par rapport à certains lieux communs de la critique. La deuxième partie vise à étudier la théorie du langage de Tarkos à partir de ses manifestes principaux (Le Signe =, Manifeste chou, Ma langue est poétique et La poésie est une intelligence) qui révèlent plusieurs principes, pouvoirs et limites de la langue et de la poésie. Afin de montrer la spécificité du concept de la « pâte-mot » de Tarkos, nous l’étudions dans un dialogue avec la figure de la « pâte » langagière chez la poète française Danielle Collobert. La troisième partie propose une étude de la volonté et de l’esthétique totalisantes dans l’œuvre de Tarkos, qui cherche à donner forme au réel. En effet, la poésie répond à l’excès du réel par diverses stratégies. Tout en voulant représenter son caractère débordant par une énonciation logorrhéique ou en usant de procédés comme celui de la répétition, elle cherche à le maîtriser dans des formes textuelles stables comme des fragments de prose « carrés » (Carrés, Caisses), dans des listes énumératives (Anachronisme) ou dans des réseaux d’images. La volonté totalisante chez Tarkos semble également prendre origine dans un sentiment d’urgence qui concerne, en dernière instance, une bataille contre la finitude. / This dissertation takes as its object the tie between self-reflexivity and aesthetic form in the poetry of Christophe Tarkos, produced in the 1990s. It highlights the relationship between the development of a theory of language within his poetic oeuvre and aims to illustrate its “totalizing” aesthetics. “Theory” is understood as the combination of reflections, meditations and concepts about language and poetry. This thesis endeavors to identify the generating principles in his poetic oeuvre, which are inscribed within the crisis of representation often seen as originating in the mid- nineteenth century. By revisiting this crisis of representation, Tarkos’s poetry can been seen as being located in a historicity. My thesis attempts to interpret this revisiting process through an analysis of a poetic form that gives shape to the world and to individual memory. My assumption is that the theory of language facilitates the intelligibility of his poetry because it provides a reflexive medium.
My thesis, which favors a method based on textual analysis, is divided into three parts. The first provides a review of the critical reception of the work, in which I track major lines of interpretation, ranging from Christian Prigent to Jean-Michel Espitallier. Placing Tarkos within the French poetic field allows me to position my research within the commonplace of criticism. The second part investigates the theory of language in his manifestos (Le Signe =, Manifeste chou, Ma langue est poétique et La poésie est une intelligence) that reveal several principles, powers and limits of language and poetry. In order to demonstrate the specificity of the concept of « pâte- mot » (a dough of words) developed by Tarkos, I compare it to the poet Danielle Collobert’s figurative representation of « dough », as « paste ». The third part offers a study of the will and “totalizing” aesthetic present in the work of Tarkos, which seeks to shape the real. Indeed, poetry answers to the excess of the real by various strategies. While wanting to represent his brimming nature through a language akin to logorrhea or by using methods such as repetition, it also seeks to control it in stable textual forms such as « squared » fragments of prose (Carrés, Caisses), in enumerative lists (Anachronisme) or in networks of figures. Tarkos’s willingness to “totalize” also seems to be rooted in a sense of urgency concerning, ultimately, a battle against finitude.
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Les récits-partitions : imaginaire musical et écriture romanesque dans la France du XXe sièclePerreault, Isabelle 09 1900 (has links)
Au confluent de l’histoire des idées et de la poétique romanesque, cette thèse s’intéresse aux interactions textuelles multiples entre le genre romanesque et l’imaginaire musical tel qu’il s’est développé au fil du XXe siècle. Elle examine les modalités par lesquelles une idée de la musique, intronisée comme paradigme d’écriture par un certain nombre de romancières et de romanciers français entre 1900 et 1980, informe la composition du roman tout en infléchissant la production du sens, qui, à l’horizon du modèle musical, devient davantage signifiance que signification. Elle appréhende également l’évolution des pratiques romanesques à la lumière des discours sur la musique tels que les réfléchissent et les intègrent les œuvres, afin de dégager les différentes manières par lesquelles le musical, à entendre comme les propriétés dérivées de l’objet musique, s’impose comme le modus operandi de l’écriture, et invite le critique à interpréter l’œuvre sur le modèle herméneutique de la partition.
Le récit-partition apparaît sur fond d’une crise de la signification et de la représentation, dont les ferments sont à chercher dans le fonctionnement sémiotique même du langage. La recherche entend montrer comment, dans l’optique de répondre à cette crise du langage et aux nombreuses répercussions qui confrontent la sémantique romanesque à une impasse, certains romanciers du XXe siècle ont envisagé la musique comme une fiction du roman et pour le roman, puis ont façonné à partir d’elle les paramètres d’une nouvelle écriture romanesque. Hérité du topos romantique de la « musique absolue », qui considère l’œuvre musicale comme un pur phénomène sonore, irréductible au langage verbal et, du fait de son autoréférentialité, le modèle de l’organon absolu, ce paradigme d’écriture aurait permis aux écrivains du XXe siècle d’abandonner les prémisses référentielles du genre romanesque et de penser ce dernier à l’aune de nouvelles configurations poétiques, fondées sur la résonance du sens, l’autoréflexivité du médium et une mémoire textuelle plus sensible que philosophique ou morale.
La réflexion menée dans le cadre de la thèse interroge en premier lieu les conditions épistémologiques, métaphysiques et discursives qui concourent à l’avènement d’un paradigme musical, lui-même tributaire d’un régime du sensible particulier, qui pousse des générations entières d’écrivains à se tourner vers la musique pour ravitailler une matière romanesque dès lors perçue comme lacunaire. La démonstration se décline essentiellement en quatre temps : le premier chapitre entend prendre au pied de la lettre la métaphore de la partition, de manière à montrer comment les indices paratextuels et structuraux actualisent certains procédés d’écriture qui s’inspirent de la musique ; les deuxième et troisième chapitres interrogeront les modalités de « textualisation » de la musique à travers les prismes respectifs de la création et de la réception musicales représentées dans la fiction, en s’intéressant aux figures de compositeurs et de musiciens (chap. 2), puis aux ekphraseis musicales et aux scènes d’écoute (chap. 3) ; enfin, c’est sur les grands mythes de la musique que débouche notre enquête, mythes antiques mais surtout wagnériens, dont la réécriture plus ou moins conforme avec la matrice d’origine permet de diffracter un rapport complexe à la modernité par une ressaisie du sens, de la temporalité narrative et du discours romanesque au miroir des récits fondateurs et du langage premier et plénier dont ils portent la mémoire. / This dissertation strives to understand the various interactions between 20th-century fictional works and the contemporary musical imaginary that was developed and modulated throughout the century. Rooted in a dual approach – that of the history of ideas and of the poetics of the novel –, this study examines how a given idea of music, inducted as a writing paradigm by many French novelists between 1900 and 1980, models textual composition and becomes a means to rethink the creation of signification in narrative forms. It also traces the evolution of the French novel and its writing practices in the light of musical discourses and aesthetics as reflected by and integrated into novelistic works. To this end, the concept of “narrative score” (récit-partition), as a hermeneutic instrument or reading tool, is paramount in order to grasp the ways in which the musical – i.e. the properties derived from music as an objective or phenomenal reality – imbues the literary text and becomes the modus operandi of fiction writing for some French novelists.
The “narrativescore” emerged in the context of an artistic crisis – stemming from the semiotic fabric of language itself – that questioned both the ideas of representation and meaning. The present work will show how this crisis of language and consequential impasse of the novelistic genre lead some 20th-century writers to conceptualize music as a fiction of and for the novel with the purpose of fashioning a new narrative framework by remodeling the genre’s parameters.
Descending from the romantic trope of “absolute music” which considers the musical piece as an autoreferential structure comprised of pure sounds without intrinsic meaning thus irreducible to verbal speech, the idea of music as a writing paradigm allows novelists to relinquish the referential premises of the narrative genre to introduce new poetic configurations based on the resonance of meaning, the self-reflexivity of the medium and a textual memory, more engrained in the sensible than in the speakable (dicible) or the philosophical.
We will first outline the epistemological, metaphysical and discursive landscape that lead to the advent of a musical paradigm in literature, which is dependent on a specific “partition of the sensible” (Rancière); here, we will explore what motivated several generations of writers to turn to music as a way to replenish the fictional material they perceived as deficient while fulfilling their ideal of an autotelic work of art. The textual analysis that follows will be divided into four parts: in the first chapter, we will consider the score not as a metaphorical notion, but as an actual model; indeed, some paratextual elements and structural configurations highlight the presence of writing techniques directly inspired and shaped by the musical; the second and third chapters will examine the textual actualization and representation of music respectively through the lens of musical composition (poïesis) and musical reception (esthesis) by analyzing fictional composers and musicians (chap. 2), then musical ekphraseis and listening scenes (chap. 3); lastly, we will focus on the great musical myths – ancient myths, but mostly Wagnerian ones – whose rewriting, more or less in line with the original stories, allow the writers to renegotiate their complex relationship with modern times, by re-capturing meaning, narrative temporality and novelistic discourse through the use of these founding myths and the unitary, almost pre-adamic, language.
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