Ce mémoire tente de clarifier la forme narrative de La Route des Flandres de Claude Simon en s'inspirant des théories d'Henri Bergson présentées dans Matière et mémoire et reprises par Gilles Deleuze dans Image-temps et Image-mouvement. Publié en 1960 dans la foulée du nouveau roman, La Route des Flandres relate les événements vécus par un jeune Français durant la Seconde Guerre mondiale. Le récit se déploie selon un ordre affectif et psychologique qui se substitue à la causalité du monde extérieur. Des champs de courses de Deauville jusqu'à la Révolution française, les époques de l'histoire se chevauchent, s'intercalent et s'influencent mutuellement. Le récit, « sans commencement ni fin », prend la forme d'un rhizome reliant entre elles les différentes époques. L'hypothèse directrice de notre travail est que la rupture du schème sensori-moteur permet d'expliquer la forme narrative de La Route des Flandres. Selon Deleuze, la violence générée par la Seconde Guerre mondiale, conjuguée à la faillite des grandes idéologies, aurait nui aux capacités de réaction motrice des individus. C'est ce qu'il nomme la « rupture du schème sensorimoteur ». Dans le roman La Route des Flandres, Georges, le narrateur, subit un traumatisme durant la débâcle, puis, durant sa détention, critique radicalement les idéaux de la culture européenne. La perte des repères qui en découle produit une hésitation chez le sujet actif. La mémoire se déployant durant le court laps de temps qui sépare la perception de la réaction, plus la réaction se fait attendre, plus la mémoire s'en trouve augmentée. Le récit décrit donc les composantes de la mémoire du narrateur, dans laquelle toutes les parties de l'histoire coexistent. En répertoriant les divers épisodes qui reviennent à intervalles réguliers, comme la débâcle de 1940, les premiers mois de la guerre et le camp de prisonniers, il apparaîtra que l'ensemble du récit s'organise de façon à mettre en relation les moments de l’histoire sous l'angle de leurs ressemblances qualitatives. L'histoire apparaît sous forme de « nappes de passé » qui, en se croisant, produisent parfois des images purement virtuelles ayant pourtant une influence réelle sur le comportement des personnages. C'est ce que Deleuze nomme « les puissances du faux ». Ultimement, nous montrerons que La Route des Flandres propose des descriptions faites de sensations, de souvenirs et de rêves. Cette partie permettra de comprendre la logique qui préside à l'organisation du récit et de voir en quoi l'idée d'une rupture du schème sensori-moteur permet de dégager la forme narrative de ce roman. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : La Route des Flandres, Claude Simon, L'image-temps, Gilles Deleuze, Matière et mémoire, Henri Bergson, Temps, Mémoire, Récit

Diss.--Philosophie--Utrecht--Université des études humanistes, 2002. / Bibliogr. p. 147-150.

Thèse de doctorat : Etudes germaniques : Metz : 2006. / Thèse soutenue sur ensemble de travaux. Bibliogr. p. 292-302. Résumé en français p. 303-341.

Texte remanié de : Thèse de doctorat : Philosophie : Paris X - Nanterre : 2004. / Titre provenant de l'écran d'accueil. Pagination de l'édition imprimée, 246 p. Collection de l'édition imprimée : "Ouverture philosophique" Bibliogr. p. [231]-244.

R??sum?? : Pour Gilles Deleuze, la philosophie consiste ?? cr??er des concepts. Prenant le contrepied de cette d??finition, la plupart de ses commentateurs se contentent soit de r??p??ter les propos du philosophe en les g??n??ralisant et en leur donnant de ce fait une port??e universelle, soit d???appliquer les concepts qu???il a invent??s ?? n???importe quel ph??nom??ne qui leur tombe sous la main, ce qui condamne irr??m??diablement la philosophie ?? n?????tre qu???une entreprise abstraite alors que Deleuze la voulait on ne peut plus concr??te. La source de ce contresens est bien simple : ils ne tiennent pas compte de la place primordiale qu???occupe l???empirisme dans son oeuvre. Ainsi, en ne portant pas une attention toute particuli??re ?? cette attitude philosophique qui privil??gie l???exp??rience, ils minimisent le r??le de celle-ci dans sa pratique et, cons??quemment, ils d??tachent les cr??ations de concepts des situations d???o?? elles tirent leur n??cessit??. Contrairement ?? l???esprit qui anime les principales ??tudes sur la philosophie deleuzienne, cette th??se a donc pour objectif de d??montrer que c???est seulement en prenant en compte les exp??riences singuli??res qui les ont suscit??es que les concepts forg??s par ce penseur gardent un sens, tout comme c???est uniquement dans ce cadre que se comprennent les critiques qu???il a formul??es ?? l?????gard de diff??rentes prises de position philosophiques. Au terme de ce parcours, ces derni??res appara??tront alors toujours partielles et redevables d???une exp??rience de pens??e qui a forc?? cette remise en question de telle sorte que ce qui ??tait au d??part incompr??hensible d???apr??s une certaine perspective devient soudainement accessible quand un nouveau concept est cr????. Pour parvenir ?? cette fin, cette th??se a ??t?? divis??e en deux parties. La premi??re porte sur la conception deleuzienne de l???exp??rience. Par une ??tude de deux tentatives de renouvellement de l???empirisme au XXe si??cle, soit le bergsonisme et la ph??nom??nologie, la position deleuzienne sur cette question se r??v??le comme un prolongement de la voie ouverte par Bergson en opposition ?? celle d??gag??e par Husserl et, ?? sa suite, Sartre. S??par?? des pr??occupations ontologiques bergsoniennes, l???empirisme transcendantal deleuzien appara??t alors comme une recherche de la potentielle singularit?? d???un ph??nom??ne au d??triment de la qu??te d???une forme commune ?? toute exp??rience. La seconde partie quant ?? elle se concentre sur quatre exp??riences de pens??e et montre ?? chaque fois le lien indissoluble qui unit la cr??ation de concept et la remise en question qui lui est concomitante. Que ce soit avec la critique d???une philosophie de la repr??sentation qui d??coule du concept de sensation forg?? au contact des oeuvres du peintre Francis Bacon, que ce soit avec la double remise en cause de la ph??nom??nologie comme effet de la cr??ation des concepts d???image-affection et d???image-temps ?? partir de Persona d???Ingmar Bergman et Hiroshima mon amour d???Alain Resnais, que ce soit encore avec la critique des postulats de linguistique qui d??rive du concept de litt??rature mineure invent?? pour rendre compte du Proc??s de Kafka, dans tous ces cas, ce qui est mis en lumi??re, c???est le r??le essentiel de l???exp??rience dans la pratique philosophique de Gilles Deleuze. // Abstract : Philosophy, for Gilles Deleuze, is the creation of concepts. Taking the opposing view, the majority of Deleuze???s critics prefer either to universalize the philosopher???s principles or to apply the concepts Deleuze created indiscriminately to any and all phenomenon. This condemns his philosophy to the status of an abstract enterprise when Deleuze sought above all that it be concrete. The source of this contradiction is simple: his critics overlook the central role that empiricism occupies in his work. Therefore, by disregarding the importance of this philosophical position, which privileges experience, they minimise the role of the latter in Deleuze???s intellectual practice and, consequently, they detach the creation of concepts from the very situations from which they derive their pertinence and necessity. Contrary to the spirit which animates the principal studies of Deleuze???s philosophy, this thesis has for its objective to demonstrate that it is only by taking into account the singular experiences which gave rise to his concepts that these concepts make sense. Just as it is uniquely in this context that the critiques that Deleuze formulated of different philosophical positions can be understood. In the end these critiques appear both partial and indebted to an experience (aesthetic or otherwise) that disrupts preconceived notions, such that what was in the beginning incomprehensible from a certain perspective becomes suddenly accessible with the creation of a new concept. To arrive at this conclusion, this thesis has been divided into two parts. The first part deals with the Deleuzian conception of experience. Through a study of two attempts at renewing the empiricist project in the twentieth century ??? Bergsonism and Phenomenology ??? Deleuze???s position can be seen as an extension of the argument of Bergson, and thus in opposition to that of Husserl and Sartre. Separated from its preoccupation with Bergsonian ontology, the transcendental empiricism of Deleuze thus appears as a quest for the singular potential of a phenomenon to the detriment of the quest for a common form for all experience. The second part is focused on four experiences that disrupt preconceived notions and will demonstrate each time the indissoluble link which unites the creation of a concept and its concomitant critique. The first experience consists of a critique of a philosophy of representation that derives from a concept of sensation itself forged in contact with the works of the painter Francis Bacon. The second and third will consist in an interrogation of phenomenology as an effect of the creation of concepts of ???affection-image??? by way of Ingmar Bergman???s Persona and ???time-image??? in Alain Resnais??? Hiroshima mon amour. Finally, the fourth will be a critique of the postulates of linguistics derived from the concept of ???minor literature??? invented to analyse Kafka???s The Trial. In all these cases what is exposed is the essential role of experience in the philosophical practice of Gilles Deleuze.

Ce mémoire-création questionne le concept d'émergence en création. Il s'agit d'une recherche qualitative qui s'appuie sur le processus d'une pièce chorégraphique : CHAIR. Construit sur le principe du circuit-fermé (une caméra est intégrée à une poupée dont les images sont transmises en direct), ce solo s'est élaboré grâce à la perméabilité des pratiques et des matériaux. M'appuyant sur des concepts deleuziens (l'actuel et le virtuel, les zones d'indéterminations et le devenir notamment) et sur la philosophie chinoise (telle qu'étudiée par François Jullien) je mets en perspective la notion de décentralisation du créateur. Approfondissant les matériaux qui ont permis de construire CHAIR, je mets en perspective le fait que chaque matière contient ses propres singularités et que chacune de ses singularités fait émerger l'œuvre. Construit en deux volets, ce présent mémoire décrit tout d'abord le processus de création de manière chronologique. Et questionne ensuite, par l'entrecroisement des concepts, la notion d'émergence, qui va de pair avec la notion d'entre-deux. Cet entrecroisement de concept se fera sous la forme d'un dialogue entre les principaux théoriciens et moi-même. Sans apporter aucune réponse, j'entre dans une fente, je m'aventure dans l'inconnu afin de pousser une réflexion conceptuelle. Le lecteur sera invité à se perdre dans des méandres réflexifs qui finalement m'amènent, comme chercheuse, à considérer le dédoublement du même comme une faille permettant l'émergence « d'entre-images » : des images non visible, ou pas encore visible, des images de l'inconscient, reconstruites par le spectateur. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : création, processus, émergence danse contemporaine, vidéo, circuit fermé, Gilles Deleuze, François Jullien, philosophie orientale

There is great potential for the work of Gilles Deleuze and Felix Guattari in the realm of queer theory, and specifically discussions of gender variance. Their critique of psychiatry, capitalism and the unitary subject in Anti-Oedipus (1983) fits well within the current discussions surrounding transgender and genderqueer experiences including Gender Identity Disorder classifications, the commodification of queer culture, and the challenges put forth to our the "modern subject" by the fluidity of genderqueer. Yet strangely, there has not yet been an explicit, in-depth Deleuzoguattarian ontological reading of genderqueer. This thesis helps to foster such discussions by focusing on Deleuzoguattarian understandings of subjectivity, bodies and politics and how they relate to both gender and genderqueer. Through a method of involution, gender is transformed into molecular gender, into a productive, immanently relational, multiplicitous gender that has substantial implications for gender(queer) politics and activism. / Graduate

This thesis uses the film philosophy of Gilles Deleuze in Cinema 1: The Movement-Image (1983, trans. 1986) and Cinema 2: The Time-Image (1985, trans. 1989) as a methodology for examining the subject of film in Thomas Pynchon's novel Gravity's Rainbow (1973). The first half of the thesis provides a review of the literature on the subject of film in Gravity's Rainbow, as well as a review of current scholarship on Deleuze's Cinema books, before providing a close reading of both Cinema books that summarizes and explicates the elaborate taxonomy of cinematic signs and images developed by Deleuze. The second half of the thesis uses Deleuze's cinematic taxonomy to analyze examples of time-images and movement-images in Gravity's Rainbow. The thesis concludes by connecting the work of Pynchon's novel to the work of Deleuze's study in a discussion of how film participates in the emergence of a new concept of history during the postwar period.

Zugl.: Aachen, Techn. Hochsch. und Metz, Univ., Diss., 2006 u.d.T.: Salin, Sophie: Verflechtung nietzscheanischfreudianischer Motive mit dem Werk Gilles Deleuzes und Salin, Sophie: Cryptologie de l'inconscient

Zugl.: Weimar, Bauhausuniv., Diss. / Includes bibliographical references (p. [200]-207)