Grâce à son écriture précédant immédiatement la Première Guerre mondiale, À la Recherche du temps perdu de Marcel Proust nous offre une trame narrative propice à l’analyse du deuil intime, vécu avant cette guerre terrible qui a à jamais modifié notre conception de la mort. En s’intéressant à la mort de la grand-mère du personnage-narrateur, à celle de son amante Albertine ainsi qu’à celle de Charles Swann, on peut tracer un nouveau fil conducteur au sein du roman. Ces deuils contribuent directement à la conclusion du roman, alors que Marcel découvre sa vocation d’écrivain et décide d’y consacrer sa vie. Ce nouveau but coïncide avec le constat de l’imminence de sa propre mort, causalité entre mort et art qui justifie conséquemment que l’on se penche sur les grands deuils du roman. Quel est le véritable objet de ces deuils ? En quoi ces deuils provoquent-ils la vocation ? En quoi le deuil est-il donc créatif chez Proust ? Voilà les questions majeures qui traversent ce mémoire et par lesquelles il tentera de répondre à la nécessité de ces deuils comme unités de base et comme succession menant au surgissement final d’un sujet désormais dévoué à l’art littéraire.

Titre de l'écran-titre (visionné le 29 juin 2023) / Ce mémoire de maîtrise porte sur l'interaction des langages littéraires et visuels dans le contexte du livre d'artiste. Il examine l'effet de la présentation d'un texte de non-fiction sous forme de livre d'artiste afin de déterminer si l'expérience de lecture résultante représente mieux la singularité d'une expérience humaine précise. Le ventre des galets constitue la première partie du mémoire. Il s'agit d'un récit de non-fiction portant sur un voyage en Irlande et sur le deuil d'un parent, le tout présenté sous forme de livre d'artiste. Le texte en fragments est séparé en carnets et entrecroisé de reproductions d'aquarelles réalisées au fil de l'écriture. Le récit imprimé et relié est contenu dans un boîtier réalisé à la main et l'objet est essentiel à l'expérience de lecture. La deuxième partie du mémoire, à travers l'analyse du livre d'artiste de Margaret Atwood et Charles Pachter The Illustrated Journals of Susanna Moodie, étudie le rapport entre le texte et l'image et l'effet émergeant du mélange des deux. L'analyse est précédée d'une démarche de clarification de deux domaines - l'écriture du réel et le livre d'artiste - afin de comprendre les caractéristiques clés de chaque discipline. La troisième partie de ce mémoire est un retour sur la démarche créative : l'écriture, la réécriture, la construction et la reconstruction du récit et du livre objet. Elle examine également les défis connexes à l'écriture du réel, plus précisément à l'écriture du deuil. / This master's thesis explores the interaction of literary and visual languages within artist's books. It examines the impact of presenting a nonfiction text as an artist's book in order to determine if the reading experience evokes more effectively the singularity of a specific human experience. Le ventre des galets is the first part of this master's thesis. It is a nonfiction narrative about a trip to Ireland and about the grieving process for a parent. Presented in fragments, the text is intertwined with a visual narrative consisting of reproductions of watercolour paintings realized during the writing of the narrative. The book is printed and bound and is contained in a handmade case; the object is essential to the reading experience. The second part of the thesis is an analysis of the artist's book by Margaret Atwood and Charles Pachter, The Illustrated Journals of Susanna Moodie, focusing on the relationship between words and images and the effect that the combination creates. The analysis is preceded by a survey of two fields - nonfiction writing and the artist's book - to clarify each field and better understand the key characteristics of each. The third part of this thesis is an observation of my own creative process: writing, rewriting, constructing, and reconstructing of the nonfiction narrative and the book as an object. This section also touches on the challenges associated with the writing of nonfiction, specifically as it relates to revisiting and writing about grief.

Ce mémoire explore la relation entre la littérature et le deuil. La première partie, « La nuit comme un visage », constitue un récit de deuil à caractère autofictionnel. Il met en scène une femme qui écrit à son amoureux après que celui-ci l’ait quittée en posant un geste suicidaire. Il lui laisse en héritage un petit paquet contenant des oeuvres de Friedrich Nietzsche, d’Henry-David Thoreau, d’Albert Camus, d’Herman Melville et de Lou-Andréas Salomé. À travers ces lectures, la narratrice entreprend une sorte de pèlerinage pour retracer l’origine de l’insaisissable fissure qui lui avait échappé. Un impératif d’écriture s’impose à elle, envahissant l’espace laissé vacant par la perte. Le récit pose la question des raisons qui enjoignent le sujet à mettre en récit son expérience. La problématique qui sous-tend ce projet est celle des interactions entre l’écriture du deuil et sa résolution. Nous nous attarderons à cette question dans la partie critique : « Les paradoxes de l’écriture du deuil dans La plus que vive et Noireclaire ». L’écriture favorise-t-elle la résolution du deuil ou, au contraire, en révèle-t-elle l’impossibilité ? La poétique du deuil de Christian Bobin sera analysée à partir de cette interrogation.