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L'impossible éducation critique et politique au numérique : territoires, dispositifs, métiers et acteurs / The impossible critical and political digital education : territories, devices, professions and actorsTuret, Amélie 15 December 2018 (has links)
Cette thèse a pour objet d’identifier les degrés d’implication de l’État en faveur de l’éducation critique et politique au numérique. Elle analyse les dispositifs publics liés à la diffusion des usages du numérique et les caractéristiques des acteurs professionnels et bénévoles chargés de leur mise en œuvre : leurs appellations, leurs lieux d’exercices, leurs qualifications et les représentations de leurs missions prioritaires. Les questions de recherche sont : En quoi l’enchevêtrement de dispositifs d’action et de formation constitue-t-il une aide ou un empêchement au travail des acteurs pour former la population à une compréhension critique et politique du développement du numérique ? Ces acteurs développent-ils des stratégies d’adoption ou de contournement de ces dispositifs pour assurer leurs actions de formation et d’éducation ? Le corpus est composé de 5 sources complémentaires : les textes réglementaires au niveau français et européen ; 699 offres d’emploi et les référentiels de compétences des formations ; une enquête par questionnaire auprès d’un échantillon de 140 médiateurs numériques ; 10 entretiens d’experts sur la médiation numérique ; 2 monographies issues de 2 périodes d’observation participante au sein de deux entités d’animation de réseaux d’Espaces Publics Numériques. La thèse montre que l’éducation critique et politique est minoritaire, supplantée par l’initiation aux « bonnes pratiques » des usages de l’Internet, fondée sur la prise en main des outils. L’enchevêtrement par le haut des dispositifs conduit à un empêchement de la formation de la population aux enjeux de la société numérique : il produit une double contrainte indépassable entre la recherche de performances comportementales pour répondre aux exigences économiques et la recherche de recul critique en faveur de l’intérêt sociétal du numérique. Seuls les cas de subversion et l’engagement militant notamment sur les logiciels libres, le développement durable, l’anti GAFAM,… résistent à cette injonction de développement normatif. La thèse fait apparaître quatre grandes phases de cette évolution, en lien avec les modes de diffusion des innovations informatiques dans la population française : de 1967 à 1984, le temps de la genèse des méthodes pour la massification des usages de l’informatique : l’éducation scientifique et technique et les clubs informatiques. de 1985 à 1999, le temps des méthodologies de l’appropriation des outils et des usages : l’éducation nationale et le Minitel. de 2000 à 2011, le temps de l’accès public à l’Internet : emplois jeunes et Espaces Publics Numériques. de 2012 à 2016, le temps de la réduction de la fracture culturelle au numérique : les emplois d’avenir numériques, les fablabs et les tiers lieux. Après les tâtonnements des débuts (phase 1), le système d’initiation aux usages du numérique engendre la disqualification des animateurs des clubs informatiques (phase 2) ; il empêche l’offre des systèmes préexistants de l’éducation nationale et de l’éducation populaire (phase 3) ; il provoque l’autocensure des animateurs territoriaux, peu encouragés à une pensée réflexive sur la société numérique (phases 3 et 4). Toutefois, il produit une éducation critique en résistance à travers certaines figures de l’animateur multimédia en emploi jeune (phase 3), et de l’animateur « hackers » ou « systémiste » (phase 4), plus militant et entrepreneur inspiré par les modèles du libre qui détournent les dispositifs en maniant avec agilité les innovations sociales et numériques. Il en résulte que l’éducation critique au numérique reste un point aveugle de la réglementation (aucun texte n’encourage à y réfléchir), sans qualifications ou flux financiers pour la soutenir. Le risque demeure que le numérique soit un nouvel instrument au service de la reproduction et de la distinction sociale. / This thesis aims to identify the degree of state involvement in critical and political digital literacy. It analyzes the public mechanisms linked to the dissemination of digital uses and the characteristics of the professional and volunteer actors responsible for their implementation: their titles, their places of practice, their qualifications and the representations of their priority missions. The research questions are: • How does the interweaving of action and training “devices” (dispositifs) help or hinder the work of actors to train people in a critical and political understanding of digital development?• Do these actors develop strategies to adopt or circumvent these devices to ensure their training and education activities? The corpus is composed of 5 complementary sources: regulatory texts at French and European level; 699 job vacancies and training skills benchmarks; a questionnaire survey of a sample of 140 digital mediators; 10 interviews of experts in digital mediation; 2 monographs from 2 periods of participant observation in 2 networks of digital public spaces. The thesis shows that critical and political digital literacy education is not prevalent, supplanted by the introduction of "good practices" concerning the uses of the Internet, based on the handling of tools. The top-down entanglement of the devices leads to an impediment of the training of the population to the stakes of the digital society: it produces an impenetrable double bind between the search for behavioural performances to answer the economic exigencies and the search for a critical stance in favour of the societal interest of the digital. Only some cases of subversion and militant commitment of individuals in particular those supporting free software, sustainable development and anti GAFAM policies, show a degree of resistance to this injunction of normative development. The thesis shows four major phases of this evolution, in connection with the diffusion modes of computer innovations among the French population: 1. from 1967 to 1984, the time of the genesis of the methods for the massification of the uses of informatics: the scientific and technical education and the computer clubs. 2. from 1985 to 1999, the time of the methodologies for the appropriation of the tools and the uses: the national education and the Minitel. 3. From 2000 to 2011, the time of public access to the Internet: youth jobs and Public Digital Spaces. 4. from 2012 to 2016, the time of reduction of the cultural and digital divide: digital jobs of the future, fablabs and third places. After initial trial and error (phase 1), the initiation system for digital uses leads to the disqualification of computer club leaders (phase 2); it prevents the supply of pre-existing systems of national education and popular education (phase 3); it provokes the self-censorship of local animators, who are not encouraged to think reflexively about the digital society (phases 3 and 4). However, it produces a critical education in resistance through certain figures, such as the multimedia animators for youth employment (phase 3), and the "hacker" or "systemist" animators (phase 4), who are more activist and entrepreneurial, as they are inspired by the free models that hijack devices with agile handling of social and digital innovations. As a result, critical and political digital literacy remains a blind spot of regulation (no text encourages or discourages it), without qualifications or financial flows to support it. The risk remains that the digital transition could be a new instrument at the service of social reproduction and cultural distinction.
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