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Langues, culture et représentation du pouvoir : Jean duc de Bedford, régent du royaume de France (1422-1435)

Cormier, David 08 1900 (has links)
À partir de 1422 l’Anglais Jean de Lancastre (1389-1435), duc de Bedford, fut le régent du royaume français de son jeune neveu Henri VI. Le traité de Troyes (1420) prévoyant une présence anglaise pérenne en France, le régent dut mettre en place une structure de domination sociale consentie plutôt qu’entretenue par la coercition. C’est dans cette optique que le duc de Bedford instaura une politique culturelle et linguistique, fortement inspirée de celle des grands Valois, lui permettant de cultiver l’assentiment à son régime et de légitimer sa propre autorité. Cette politique est l’objet principal de notre recherche. Nous proposons en un premier temps d’analyser dans le détail les éléments constitutifs de la politique culturelle du régent Bedford, dont les somptueuses résidences, les riches manuscrits et le généreux patronage étaient autant de manifestations de la puissance anglaise en France. Ces dernières lui permettaient de s’insérer dans une société courtoise continentale, notamment auprès de son beau-frère et plus important allié, Philippe de Bourgogne. Parallèlement sa politique lui permettait aussi, notamment à travers l’imitation des rois de France, le déploiement de ce qu’on pourrait appeler des éléments de propagande. L’analyse de ces divers éléments révèle cependant qu’ils étaient peut-être moins destinés à convaincre les gouvernés qu’à consolider les convictions des gouvernants. Nous consacrons ensuite un chapitre dédié à l’exercice du pouvoir par l’écriture. Nous y analysons la production d’actes du duc de Bedford, autant en France qu’en Angleterre, sous le prisme de sa conformité ou de sa divergence d’avec les normes françaises. Le respect des traditions diplomatiques locales et de la langue des actes constituait, en soi, une affirmation des principes du traité de Troyes et un symbole de la continuité du pouvoir entre Valois et Lancastre. Parallèlement, la présence de certains éléments typiquement anglais dans l’administration militaire de la France de Bedford trahit une intégration imparfaite des pratiques locales. Nous y soulignons également l’importance du rôle des secrétaires français dans la coordination avec le royaume anglais d’Henri VI, certains se trouvant même à en intégrer l’appareil étatique. Si au final l’administration anglaise s’avère avoir été peu encline à l’adoption de pratiques étrangères, elle fut le théâtre d’importants changements linguistiques qui n’étaient pas étrangers à l’expérience de la France lancastrienne. En troisième lieu, nous soulignons la contribution d’autres figures importantes de la vie culturelle en France anglo-bourguignonne. La participation de personnages comme Richard Beauchamp et John Talbot à la vie de cour instaurée par le régent témoigne de l’intégration, par les Anglais en séjour sur le continent, de nombreux éléments de culture française. Une telle activité culturelle persista d’ailleurs longtemps après la mort de Jean de Lancastre. Le patronage, la circulation des idées, des artistes et, surtout, l’intériorisation du récit lancastrien en France y résulta en une certaine acculturation des élites, entraînant subséquemment une transformation de la culture anglaise outre-Manche. Cette appropriation culturelle participa à la pérennité de la langue et de la littérature française dans l’Angleterre du XVe siècle, tout en contribuant paradoxalement à la promotion d’une identité proprement anglaise. / From 1422 the Englishman John of Lancaster (1389-1435), duke of Bedford, was regent of his young nephew’s French kingdom. Because the treaty of Troyes (1420) provided for a long-lasting English presence in France, the regent had to put in place a social domination structure based on consent rather than coercion. In this context, the duke of Bedford devised a cultural and language policy inspired by the attitudes of the most prominent members of the Valois family. It allowed him to bolster support for his regime and legitimize his power. This policy is the main object of our research. We first propose to examine each element of Bedford’s cultural policy. His magnificent households, precious manuscripts and generous patronage were outward symbols of the might and stability of English rule in France. These possessions also allowed their owner to present himself as a legitimate member of continental courtly society. As such, they were a mean to strengthen the bond with his most important ally, his brother-in-law Philip, duke of Burgundy. At the same time the regent depicted himself, and by extension Henry VI, as the legitimate ruler of France by actively imitating past French kings. Some of his cultural enterprises can be conceived as propaganda. However under careful scrutiny these representations of power appear to have been intended not only for the conquered, but also for the conquerors themselves. We devote a second chapter to the exercise of power through writing. We analyze the duke’s production of written documents, both sides of the Channel, in light of its compliance to or defiance of French diplomatic tradition. In itself, the adoption of local practices and language was both respectful of the spirit of the treaty of Troyes and a convenient way to conceal the dynastic rift between Valois and Lancaster. On the other hand, the continued use of typical English documents in Bedford’s organization of the military reveals the limited extent of his acculturation. We also consider the important role of the French secretaries in the coordination between the two kingdoms, which in theory were supposed to be kept separate. Some of them were so involved in English affairs that they moved to England to serve Henry VI. In the end however the English bureaucracy remained mostly unaffected by extraneous innovations. Nonetheless, the very significant linguistic shift it underwent was contemporary, and linked, to the demise of Lancastrian France. The last chapter examines the contribution of other important figures of the anglo-burgundian cultural environment. The continental activity of magnates like Richard Beauchamp and soldiers like John Talbot exemplifies the relative vitality of courtly life in Lancastrian France and highlights the adoption of some elements of French culture by the English there. The subsequent patronage, circulation of texts and artists and, ultimately, the internalization of the Lancastrian French narrative, led to the transformation of English culture. This cultural appropriation contributed to the perpetuation of French language and literature in fifteenth-century England. Paradoxically, it also reinforced a properly English identity.

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