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L’inquiétude des soignants en addictologie : entre défiance et amour, une dynamique éthique et clinique de la relation de soin / The caregivers disquiet in addictology : between distrust and love, an ethical and clinical dynamic of the care relationshipReyre, Aymeric 09 March 2015 (has links)
La rencontre des patients addictés suscite fréquemment l’inquiétude. Celle-ci rend difficile l’exercice du soin, même spécialisé, et attaque ses conditions éthiques. Cette thèse se propose d’explorer l’expérience des professionnels de l’addictologie, dans la diversité de leurs approches et de leurs pratiques. Elle s’inscrit dans une épistémologie de la complexité et adopte une méthodologie complémentariste. Des discours socio-anthropologiques, philosophiques et psychanalytiques peuvent ainsi être mis en contact au profit d’une appréhension plurivoque de la problématique éthique et clinique de la relation de soin en addictologie. Dans un premier temps, nous avons exploré de manière qualitative l’expérience des soignants. L’étude « Éthique et Narrativité dans les Addictions » (EthNaA) nous a apporté de nombreuses données sur les sources et les effets de l’inquiétude dans le soin, ainsi que sur des voies de dégagement. Une lecture psychodynamique de ces résultats nous a permis d’extraire une première théorie de la relation de soin : dans la rencontre, soignant et patient se replient sur des positions narcissiques qui déterminent leurs représentations de l’autre et d’eux-mêmes, ainsi que leur modalités de lien ; alternativement monstres et héros, les acteurs s’agrippent et se rejettent dans un climat de défiance qui infiltre tous les espaces ; dans la douleur de cette expérience et dans la conscience des conséquences éthiques pour le patient, les professionnels cherchent des moyens de restaurer une confiance dans un soin de soi et une recherche de soutien à l’ « extérieur », sans toutefois pouvoir s’y engager. Dans un second temps, en tant qu’acteur de ce soin, il était nécessaire que nous présentions notre propre expérience, ainsi que des histoires cliniques, pour pouvoir prétendre soutenir un discours éthique. Cette expérience est très proche de celle des soignants d’EthNaA mais son exposé a permis de souligner l’ancrage intrapsychique des mouvements affectifs décrits précédemment. Cela nous a mis sur la voie d’une seconde théorie capable de soutenir des propositions de nature à restaurer le soin dans ses qualités éthiques et cliniques. La « relation inquiète » met en présence un patient souffrant dans une attente silencieuse, et un soignant désireux de s’investir mais vulnérable, en premier lieu du fait d’un affaiblissement de la fonction tierce en lui comme dans son cadre institutionnel. La relation de soin s’enferme alors dans une circularité qui évoque le cercle des attitudes de Jean-Paul Sartre, entre masochisme, haine, sadisme et amour. Cet amour, présent dans le discours des soignants, reste replié sur soi et défiant. Nous avons alors repris les idées des professionnels d’EthNaA et les avons complétées en proposant un souci de soi, resubjectivant et allié à un réinvestissement de la fonction tierce intériorisée. Cette nouvelle prise de position soignante, dans une affirmation du primat du tiers, doit permettre une reconnaissance de l’autre-patient comme sujet propre. Ce « jeu » entre les protagonistes doit s’inscrire dans une éthique simultanément exigeante et tolérante. La piste « amoureuse » ouverte par les soignants d’EthNaA peut alors rejoindre l’éthique de Vladimir Jankélévitch. La relation de soin entre deux sujets restaurés peut alors se relancer – portée par une nouvelle dialectique entre soin de soi et amour de l’autre, entre inquiétude saisissante et élancement, entre défiance et confiance – sur une trajectoire sinueuse et parfois chaotique, mais qui donne finalement au soin le dernier mot. / The encounter with addicted patients frequently arouses a feeling of disquiet. It renders the practice of care difficult, even in expert settings, and degrades its ethical conditions. The present work explores the experience of professionals from the field of addictions treatment taking account of the diversity of their approaches and practices. It is in line with an epistemology of the complexity and adopts a complémentariste methodology. In this way, sociological, philosophical and psychoanalytical theoretical corpus can be put in discussion in order to comprehend the complexity of the ethical and clinical questions emerging from the care relationship.In a first phase, we conducted a qualitative inquiry of the caregiver’s experience. The study “Éthique et Narrativité dans les Addictions” (EthNaA) provided us with numerous data on sources and effects of disquiet in the care setting, as well as on ways out. A psychodynamical reading of these results led us to a first theory of the care relationship: in the encounter, the caregiver and the patient both withdraw on narcissistic positions which determine how they depict one another and themselves, as well as their ways of establishing mutual bounds; alternatively monsters and heroes, the protagonists grab onto each other and reject each other in a climate of distrust which infiltrates all the areas of the relationship; through the pain of this experience and the consciousness of the ethical consequences for the patient, the caregivers seek resources allowing them to restore a trust by taking care of themselves and looking for support from the “outside”, but they still seem unable to commit themselves in this move.In a second phase, as a professional enrolled in the care of addicted patients, it was necessary that we exhibit our own experience and clinical stories in order to support an ethical stand. Our experience is very similar to the caregiver’s in the study but its report allowed us to underline the intrapsychic integration of the emotional dynamics previously described. It opened the way of a second theory able to support innovative propositions likely to restore the care in its ethical and clinical qualities.The “disquiet relationship” brings a suffering patient in a silent expectation face to face with a caregiver, willing to get involved but vulnerable, in the first place because of the weakening of the function of the third position in the caregiver’s thought as well as in the institutional frame. The care relationship then locks itself in a circularity witch evokes the circle of attitudes described by Jean-Paul Sartre among masochism, hatred, sadism and love. This love, present in the caregiver’s discourses, remains withdrawn into itself and distrustful. We then started again from the caregiver’s ideas, completing them by introducing a care of the self able to restore the subjectivity of the agent through its combination with the reinvestment of the function of the third position in the caregiver’s thought. This new caring stand, through the assertion of the primacy of the third position, shall allow the acknowledgement of the patient as a subject. This “play” between protagonists shall place itself in an ethic simultaneously demanding and tolerant. The “amorous” track opened by the caregivers of the study can then rejoin the ethic of Vladimir Jankélévitch. The care relationship between two restored subjects can then make a fresh start – supported by a new dialectic between care of the self and love of the other, between piercing disquiet and anxious yearning, between distrust and trust – on a sinuous and sometimes chaotic trajectory, but which finally gives to the care the last word.
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