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Représentations culturelles et pratiques sociales de genre dans le SMS des adolescents

Moise, Raluca 13 July 2011 (has links)
L’apparition du SMS, il y a déjà plusieurs années, a egendré des logiques d’adoption<p>différentes. Dès son premier usage, le SMS était vu par les compagnies de téléphonie mobile<p>comme un moyen de transmission d’informations utiles pour les adultes – l’évolution de la<p>Bourse, des informations sur la météo (Ling, 2001). Par son passage à l’adoption par les<p>jeunes dans les années 1995 et 1997 et jusqu’aujourd’hui, le SMS devient un phénomène qui<p>suscite des représentations diverses et des discours assez contradictoires, même virulents par<p>rapport à son appropriation par les jeunes. Si, dans l’espace francophone et anglophone, le<p>sujet du “langage SMS” est bien connu, constituant une figure récurrente des discours des<p>mass-médias et des enseignants qui sortent en évidence les effets négatifs sur les compétences<p>orthographiques des élèves, ailleurs, et notamment en Roumanie, les discours des massmédias<p>constatent l’existence du phénomène, sans mettre en évidence les aspects négatifs, s’il<p>en existe. Un autre registre est celui de l’espace soi-disant virtuel, où des sites Internet relèvent les divers usages du SMS dans le monde3, dans le cadre des diverses industries (le politique4, les<p>services publics5, le divertissement6). Hors de ces présences qui attestent l’explosion de la<p>communication par l’intermédiaire du SMS, il existe aussi, par exemple, des concours de<p>poésie par SMS: leur enjeu est de voir comment la créativité individuelle peut être compactée<p>en 160 caractères, en résultant un possible mélange entre le hai-ku et cette technologie de<p>dernière génération. Le SMS, dont on décriera l’évolution plus tard, dépasse ainsi ses<p>fonctions primaires de communication et de socialisation, en devenant un milieu de créativité<p>et d’innovation artistique.La vie quotidienne est aussi un domaine où le SMS est très visible et qui détermine la création d’une représentation collective qui attribuerait le SMS aux jeunes à part d’autre type de public. Constamment, autour de soi, on peut voir des jeunes utilisant le téléphone mobile pour envoyer des messages. La scène déjà évoquée, issue de mes observations<p>ethnographiques, en est particulièrement illustrative. Toutes ces contextes donnent une présence active de l’usage du SMS. A chaque<p>contexte, un discours spécifique. Cette diversité contextuelle et discursive incontestable a<p>constitué une première raison d’approfondir le sujet du SMS. Alors, la question fondamentale surgit :comment peut-on traiter d’un tel sujet ?Quelle est la « bonne » voie interprétative ?Nous nous proposons de relier deux aspects, la<p>communication et les usages, ce qui nous semble essentiel pour la construction de l’objet du<p>SMS. Il s’agit donc d’étudier les discours caractéristiques de la culture des jeunes, sur le plan des pratiques comme des représentations, en mettant un accent particulier sur leur façon de<p>construire des stratégies pour surmonter les contraintes imposées par l’objet technique (le<p>SMS présente en fait des caractéristiques linguistiques liées aux spécificités du support<p>technique) mais aussi sur leur façon de « se mettre en scène » dans les SMS. Nous verrons<p>ainsi en quoi il y a une prise en compte des règles du groupe de pairs dans la culture<p>adolescente, en même temps qu’une élaboration de stratégies de distanciation. C’est la<p>démarche spécifique à l’anthropologie de la communication. On pourrait aborder le SMS en mobilisant les approches de réseau, dans des termes de fonctionnabilité du réseau, de rôles de chaque acteur qui y participe et du principe du pouvoir qui leur serait intrinsèque (Latour 1991) :le message reçu par le jeune légitime la bonne<p>fonctionnalité du réseau, dont les autres jeunes font partie, ainsi que leurs positions à<p>l’intérieur du réseau social. Le fait d’avoir partagé le SMS est un signe de pouvoir symbolique<p>envers les autres. Ces approches omettent cependant un aspect que nous considérons comme<p>important, à savoir le caractère ludique, que ce soit le ludique intrinsèque du message<p>(exprimé par un contenu amusant, une blague, un ragot, etc.) ou le ludique extérieur du<p>message (exprimé par l’acte d’envoyer un message, qui surmonte l’ennui temporel).<p>J’argumenterai que le ludique est le facteur qui explique le grand succès du SMS et de sa<p>consolidation auprès des jeunes.<p>Par rapport à la constitution de l’anthropologie comme discipline, les études<p>anthropologiques de nouvelles technologies informationnelles et communicationnelles<p>(NTIC) sont apparues très récemment, au cours des années 1990 du dernier siècle. S’agissant<p>d’un groupe assez réduit de chercheurs qui, en plus, ne connaissaient pas les travaux de leurs<p>pairs, les études initiales étaient plutôt descriptives et empiriques ;le SMS y était présenté en tant qu’une réalité « exotique ». Son « exotisme » a penché sur le discours anthropologique assez longtemps, jusqu’à la fin des années 1990, quand l’anthropologie fait son bilan et elle découvre que la période des études descriptives doit finir et commencer l’étape de<p>problématisation. Ainsi, les anthropologues se ciblent sur le rapport entre le nouveau et<p>l’ancien dans la communication médiatisée par NTIC, commencent à rechercher dans le passé<p>des usages similaires, pour construire une théorie des nouveaux modèles communicationnels.<p>L’anthropologie de la communication du fin des années 1990 et le début des 20008<p>s’éloigne de la sociologie par sa démarche diachronique et comparative. L’usage est remplacé<p>par le concepte de la pratique (ce qui impliquait une interprétation des usages dans leur<p>dynamique). Par la suite, la perspective synchronique laisse la place à une démarche<p>diachronique, les anthropologues décrivant la façon dont les pratiques communicationnelles<p>d’un certain médium prennent des nouvelles significations, en fonction de contexte et des<p>individus. Si la sociologie réalisait des comparaisons entre les usages des divers NTIC dans le même contexte temporel, l’anthropologie de la communication emploie la méthode<p>comparatiste au niveau diachronique aussi. L’ancien et le nouveau dans la communication<p>médiatisée par NTIC constituent la cible scientifique des anthropologues. Cette focalisation est importante aussi pour la spécialisation de l’objet de la recherche ;son évolution poursuit le schème suivant en anthropologie de la communication :NTIC → type d’objet électronique (téléphone mobile, ordinateur, tam-tam etc) → une fonctionnalité de l’objet technologique qui connaît des développement surprenants (SMS, vidéo-appel, MMS, chat, Instant Messenger,Facebook, MySpace etc). On passe de la « computer mediated communication » aux pratiques communicationnelles spécifiques à chaque fonctionnalité, de singulier au pluriel.<p>Il n’est resté que peu de temps jusqu’à ce que l’objet technologique devienne sujet des<p>interrogations dans la culture matérielle. De date très récente, dans l’espace anglo-saxon9 et<p>francophone10, ces études mettent dans le centre de leur analyse la relation entre l’individu et<p>l’objet technologique, donc la consommation. Les rapports entre les deux instances de la<p>relation décrivent deux directions de l’action :l’incorporation de l’objet (l’objet agit sur<p>l’individu) et l’excorporation de l’objet (l’individu agit sur l’objet). Cette relation est vue dans ces concrétisations en divers lieux du monde, les anthropologues présentant une localisation des pratiques et des représentations d’un certain objet technologique. La culture matérielle reprend la dimension synchronique d’un objet technologique (les usages en divers contextes)dans le cadre plus large diachronique, segmenté en fonction des étapes d’appropriation :<p>l’adoption, la création de l’utilité, la consolidation des usages. Cette trajectoire de l’objet décrit une démarche paradigmatique, dont chaque étape est construite par les pratiques et les représentations créées par les usagers. Le processus d’appropriation est donc le cadre<p>théorique plus large dans lequel les anthropologues intègrent les conceptes de la sociologie et de l’anthropologie communicationnelle. Influencée par la sémiotique, la culture matérielle décrit, donc, les significations complexes de la relation entre l’individu et l’objet technologique (que nous allons décrire en détail dans le premier chapitre de la thèse). On comprend assez facilement pourquoi le téléphone mobile est un objet technologique soumis au processus d’appropriation, mais pourrait-on dire que le SMS est un objet de consommation ?<p>Gérald Gaglio ainsi l’interprète :« Ce tour d'horizon a permis d'identifier les étapes de la<p>diffusion d'une nouvelle pratique sociale liée à un support technique, le SMS. Elle apparaît<p>suite à une ruse qui consiste à contourner le coût de l'appel téléphonique et profite d'un effet<p>de réseau. Elle s'enrichit de la création d'un univers de sens puis interpelle par l'action d'une "<p>minorité active " constituée par les adolescents. Elle sort enfin de son contexte de création<p>9 Heather Horst et Daniel Miller 2006, The cell phone: An Anthropology of communication, Berg. In press,<p>Oxford.<p>10 Bernard Blandin 2002, La construction du social par les objets, Presses Universitaires de France, Paris.<p>11<p>puisqu'elle est appropriée par d'autres populations qui élargissent les types de contenus<p>transmis. »11<p>Dominique Desjeux partage la même opinion quand elle compare la diffusion du SMS<p>en Chine, France et Pologne: « In the field of telephony, mobile or fixed, and more generally<p>in that of electronic information technologies, SMS is an interesting example of the spread of<p>an innovation because it has occurred without the need for any special marketing action. Its<p>spread has been spontaneous except in Poland where the later arrival of SMS meant that it<p>was immediately associated with uses of mobile phones. Hence, its success is linked to<p>invisible uses and associations that existed potentially in society before the expansion of<p>SMS. It is interesting to review these in order to understand at least partially the logic<p>underlying the spread of future innovations. Hence the purpose of this article is to show the<p>invisible uses that have been gradually revealed by surveys on SMS practices, especially<p>qualitative ones and mostly on a micro-social scale, carried out in France (partly under my<p>direction) by Catherine Lejealle (2003), in Poland by Malgorzata Kamieniczna (2004) and in<p>China by Anne Sophie Boisard (2004). Another aim is to show the shared or singular<p>practices of the three cultures analysed. The social uses of SMS in the world fit into a<p>dynamic that is constantly evolving among users, from the youngest to the oldest, and are<p>based on a written expression that constantly invents new codes or forms of the written<p>language. »12<p>Les deux chercheurs se situent en continuité avec notre grille d’analyse ;tous les deux<p>reconnaissent l’émergence du SMS dans des pays différents, dans le cadre des sous-cultures<p>délimitées par l’âge. G. Gaglio et D. Desjeux voient dans la pratique du SMS un exemple de<p>détournement du préscrit, déterminé par la capacité des usagers d’innover. Influencés par la<p>thèorie de Norbert Alter sur l’innovation ordinaire13, les deux anthropologues, à la suite d’une<p>démarche comparative entre plusieurs espaces, considèrent que le SMS est un objet de<p>consommation. Ses développements différents, les pratiques changeantes, expression d’une<p>créativité individuelle et collective, font que le SMS accomplisse « les conditions » pour être<p>considéré un objet soumis au processus complexe de la consommation.<p>11 Gérald Gaglio, 2005, “La pratique du SMS en France: analyse d'un comportement de consommation in tant<p>que phénomène social”, Paris, Consommations et société n°4, electronic journal, www.argonautes.fr<p>12 Dominique Desjeux ,2005, „SMS uses and issues in China, France and Poland”, Paris, Consommations et<p>société n°4, electronic journal, www.argonautes.fr.<p>13 Norbert Alter, 2000, L'innovation ordinaire, Paris, PUF.<p>12<p>Cette façon d’aborder le SMS est celle que nous suivrons aussi ;quand même,<p>l’explication de l’émergence du SMS ne nous suffit pas. Considérer l’explosion du SMS<p>comme ayant ses racines que dans la capacité créative des usagers (les innovateurs ordinaires)<p>nous semble une explication un peu aride, qui laisse à coté les conditions du contexte qui ont<p>fait que le détournement se réalise. Et, en plus, en quoi consiste-t-elle, cette capacité créative ?<p>Suffit-il de le nommer pour expliquer tout un phénomène ?Quels sont donc les ressorts<p>intérieurs du passage de « manières de faire » aux « arts de faire »14 ?<p>Ces sont des questionnements qui font de SMS un objet qui peut être soumis à une<p>interrogation scientifique et à tout un travail de terrain. / Doctorat en Sciences politiques et sociales / info:eu-repo/semantics/nonPublished

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