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Le politique et le théologique aux premiers temps de l’Islam : la querelle qui opposait la Murğiʾa et la Qadariyya sur le libre-arbitre et la prédestination divineAmar, Mourtala 02 1900 (has links)
Cette thèse étudie la querelle qui opposa deux factions théologico-politiques musulmanes, à savoir la Murǧiʾa et la Qadariyya, sur les questions du libre-arbitre et de la prédestination divine. Les qadarites soutenaient que l’homme est le seul responsable de ses actes ; pour eux, quiconque, y compris le calife, commet un péché capital perd automatiquement sa foi. Par conséquent, il doit soit se repentir soit être exécuté. Les murǧi’ites, quant à eux, défendaient l’idée que les actions des individus devaient être renvoyées au jugement de Dieu, seul capable de juger les secrets des hommes. Pour ce courant, la foi n’est aucunement liée au comportement, étant donné que les actes de l’homme sont dictés par Dieu de toute éternité, selon la thèse de la prédestination divine. Cette position a poussé certains savants de l’époque médiévale ainsi que certains chercheurs modernes à affirmer que les murǧiʾites soutenaient les califes umayyades. Selon ces chercheurs, l’argument des murǧiʾites était que la légitimité des califes umayyades, dont le pouvoir relevait, selon eux, du décret divin, ne devait pas être mise en doute et donc que l’obéissance absolue leur était due, sous peine pour les contestataires, d’aller à l’encontre de la prédestination divine.
Ce travail tente de comprendre si les théologiens se sont mêlés de politique au nom d’un rapport intrinsèque avec le théologique, ou si les politiques ont eu recours au religieux pour légitimer leur pouvoir. Pour ce faire, nous avons réévalué les principes de la doctrine murǧiʾite en étudiant ses différentes branches, afin de déterminer le type de rapport que chacune d’elles entretenait avec les califes umayyades. En effet, les différentes révoltes menées par les murğiʾites contre la dynastie contredisent l’idée d’une alliance entre les deux parties. En outre l’implication dans cette querelle théologique des musulmans non-arabes, appelés mawālī, et soutenus par les murğiʾites, pour réclamer l’égalité politique et sociale mérite d’être analysée. C’est pour cette raison que nous tentons de comprendre pourquoi et comment les revendications sociales et politiques des mawālī se sont finement entremêlées aux débats et aux questions théologiques de l’époque.
L’analyse du statut et de la notion de ḫalīfat Allāh (calife de Dieu) est primordiale, car elle permet de comprendre si les Umayyades se référaient au terme ḫalīfa mentionné dans le Coran parce qu’ils considéraient leur pouvoir comme sacré ou pas. Les Umayyades ont-ils exploité des questions théologiques à des fins politiques pour légitimer leur pouvoir ? Comment la dimension religieuse a-t-elle justifié leurs actions politiques, et inversement comment leurs choix politiques ont-ils dicté leurs options religieuses ? Enfin, le recours des souverains umayyades au religieux a-t-il entravé le développement d’une réflexion politique rationnelle ?
Pour répondre à ces questions, nous avons utilisé des sources très peu utilisées jusqu’à présent par les chercheurs travaillant sur cette époque ancienne, à savoir la poésie arabe et les correspondances épistolaires entre les savants et les califes umayyades. Le recours à la poésie et à la prose arabe est nécessaire, car il permet de confirmer ou d’infirmer les informations données par les historiographes musulmans dont les ouvrages sont postérieurs à l’époque considérée. / This PhD dissertation studies the quarrel between two Muslim theological-political factions, namely the Murǧiʾa and the Qadariyya, over the issues of free will and divine predestination. The qadarites held that man is solely responsible for his actions; for them, anyone, including the caliph, who committed a cardinal sin automatically was lose his faith. Consequently, he must either repent or be executed. The murǧiʾites, for their part, defended the idea that the actions of individuals should be referred to the judgment of God, the only One capable of judging men’s secrets. For this school of thought, faith is in no way linked to behaviour, given that a man’s actions are dictated by God from all eternity, according to the thesis of divine predestination. This position prompted some medieval scholars, as well as some modern researchers, to assert that the murǧiʾites supported the Ummayyad caliphs. According to these scholars, the murǧiʾites’ argument was that the legitimacy of the Umayyad caliphs, whose power came under divine decree, should not be questioned and therefore absolute obedience was due to them, by going against divine predestination.
This work attempts to understand whether theologians got involved in politics in the name of an intrinsic relationship with the theological, or whether politicians have resorted to the religious to legitimize their power. To do this, we have re-evaluated the principles of murǧiʾite doctrine by studying its various branches, in order to determine the type of relationship each of them maintained with the Umayyad caliphs. In facts, the various revolts led by the murğiʾites against the ruling dynasty contradict the idea of an alliance between the two parties. Furthermore, the involvement of non-Arab Muslims, known as mawālī, in this theological quarrel, with the supported of the murğiʾites, requesting political and social equality deserves to be analyzed. For this reason, we attempt to understand why and how the social and political demands of the mawālī were finely intertwined with the theological debates and issues of that time.
Analysis of the status and notion of Ḫalīfat Allāh (caliph of God) is essential, as it helps us understand whether the Umayyads referred to the term Ḫalīfa mentioned in the Qur’an because they considered their power sacred or not. Did the Umayyads exploit theological issues for political ends to legitimize their power? How did the religious dimension justify political actions, and how the political decisions oriented the religious dogma? Did the Umayyads’ recourse to religion hinder the development of rational political thought?
To answer these questions, we have used sources rarely used until now by researchers working on this ancient period, namely Arabic poetry and epistolary correspondence between scholars and the Umayyad caliphs. The use of Arabic poetry and prose is necessary, as it enables us to confirm or refute the information given by Muslim historiographers whose works post-date the period under consideration.
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Ordre et temps. Eric Voegelin, Karl Löwith et la temporalité du politique / Order and Time. Eric Voegelin, Karl Löwith and the Politics of TimeGodefroy, Bruno 05 May 2017 (has links)
Dans le chapitre du Contrat social consacré à la mort du corps politique, Rousseau rappelle que cette mort est « la pente naturelle et inévitable des Gouvernements les mieux constitués ». En effet, poursuit-il, « si Sparte et Rome ont péri, quel État peut espérer de durer toujours ? Si nous voulons former un établissement durable, ne songeons donc point à le rendre éternel ». Malgré l’avertissement de Rousseau, la tendance à rendre l’ordre politique éternel semble être un phénomène constant, jusqu’à nos jours. En témoigne l’idée d’une « fin de l’histoire » résultant de l’alliance du capitalisme et de la démocratie libérale, ou d’un modèle occidental se comprenant comme la réalisation du seul but de l’histoire, à laquelle ne s’opposeraient que des puissances « retardatrices ». À travers ces phénomènes se manifeste une « politique du temps », un discours de légitimation de l’ordre politique donnant un sens politique à sa dimension temporelle.Compris de cette manière, le problème que pose la « politique du temps » ne peut être abordé par une critique limitée à ses derniers avatars, telle la thèse de la fin de l’histoire. Il est au contraire nécessaire de remonter à la racine du problème, c’est-à-dire à la place qu’occupe cette question au sein du rapport entre temps et politique. Si la politique du temps s’avère aussi tenace, c’est en effet parce qu’elle s’inscrit dans un questionnement intrinsèquement lié à l’ordre politique, confronté à la nécessité d’assurer son « être-dans-le-temps ». La politique du temps répond à cette nécessité par une politisation du temps et de l’histoire pouvant conduire, dans sa forme extrême, à une éternisation de l’ordre politique, qui prétend alors englober la totalité du temps, du passé au futur.Compte tenu de la persistance de cette conception temporelle de l’ordre politique, de même qu’il ne suffit pas de limiter la critique à ses avatars actuels, de même serait-il impropre de la diriger contre sa seule forme extrême, dans la mesure où ce sont précisément certains discours proclamant la fin des idéologies qui tendent à reproduire aujourd’hui les structures de la politique du temps. Par conséquent, ce n’est qu’en abordant dans son ensemble le problème formé par la atemporalisation du politique et la politisation du temps qu’il est possible d’attaquer à la racine ce type de discours de légitimation, sous toutes ses formes.Pour mener à bien ce projet, deux objectifs complémentaires, correspondant aux deux fils directeurs de l’analyse, sont traités en parallèle. D’une part, nous proposons de systématiser la question du temps politique afin de montrer les grands traits communs aux phénomènes qui s’y rattachent et quelles directions s’ouvrent à la critique. Le second axe de lecture met l’accent sur les œuvres d’Eric Voegelin et de Karl Löwith en tant qu’elles apportent une contribution décisive tant à la systématisation du problème que, surtout, à son dépassement.Notre hypothèse de départ est que Löwith et Voegelin eux-mêmes sont conscients de la relation problématique entre temps et politique et cherchent, par l’intermédiaire de la dimension temporelle, à aborder un problème politique dont l’importance s’explique non seulement par la situation historique à laquelle ils sont directement confrontés, mais aussi par sa valeur systématique intrinsèque, en tant qu’il représente une évolution de la conception du politique. Tous deux sont convaincus de la nécessité de surmonter le nihilisme et l’absence de toute fondation durable en tant que tels, c’est-à-dire de surmonter la temporalisation radicale de l’ordre politique, mais également les tentatives visant à l’éterniser. C’est dans ce cadre que prennent sens leurs projets, qui cherchent à dissocier le politique et le temps et, en repensant leur relation, à éviter que tout point de référence permanent ne soit dissout par le cours du temps sans toutefois produire une éternité artificielle et absolue. / In the chapter of the Social Contract on the death of the body politic, Rousseau emphasizes that its death is “the natural and inevitable propensity even of the best constituted governments”. Indeed, he continues, “if Sparta and Rome have perished, what state can hope to last for ever? If we want the constitution we have established to endure, let us not seek, therefore, to make it eternal”. Despite Rousseau’s warning, the tendency to make the political order eternal seems to be a pervasive phenomenon even in our time, as can be seen in the idea of an “end of history” that results from the combination of capitalism and liberal democracy, or in a Western model conceived as the realisation of the sole aim of history that only “delaying” powers would resist. These are examples of a “politics of time”, a concept that refers to a type of discourse contributing to the legitimization of the political order by giving a political meaning to its temporal dimension. Understood in this way, the problem of the “politics of time” cannot be addressed by focusing only on its recent developments, such as the “end of history” thesis, it is also crucial to understand these developments in the broader context of the relation between time and politics. Consequently, only a fundamental critique can put an end to the “politics of time”. The origin of the persistence of the “politics of time” has to be traced back to an essential problem that the political order is facing, namely the necessity to ensure its existence in time. The “politics of time” answers this problem by politicizing time and history, which can lead, in its most extreme form, to an eternisation of the political order that pretends to last for all time.Considering that this temporal conception of the political order is still widely present in many contemporary discourses, it would be insufficient to limit the critique to contemporary phenomena or to the extreme forms of the politics of time in modern ideologies, since precisely some proclamations of the end of ideologies tend to repeat the structure of the politics of time. It is therefore necessary to tackle the problem of the temporalisation of politics and politicisation of time as a whole. This is the only way to question the different occurrences of this kind of legitimising discourse.To achieve this, this study has two parallel aims. First, I begin by reconstructing a systematic account of the question of political time in order to highlight the main characteristics of the phenomena that are related to it. My second aim is to analyse Eric Voegelin’s and Karl Löwith’s works regarding their contribution to the systematisation of the problem, but first and foremost insofar as they offer an answer to it.Central to this work is the claim that Löwith and Voegelin not only develop a theory of the problematic relation between time and politics, but also defend a solution to tackle this problem. This problem, as they see it, is not restricted to their particular historical situation but remains of interest as an evolution of the concept of the political itself. Both Löwith and Voegelin are convinced that nihilism and the lack of any durable foundation must be overcome as such or, in other words, that it is necessary to overcome not only the temporalisation of the political order but also the attempts to “eternalise” it. The meaning and significance of Löwith’s and Voegelin’s projects appear clearly in this framework, as they can be seen as two attempts to dissociate the political from the temporal and, by reworking this relation, to prevent the relativisation of any durable foundation in the flow of time without, however, creating an artificial and absolute eternity.
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