En mettant en scène Warten auf Godot en 1975 au Schiller Theater, Beckett déclare : « Je ne connaissais rien au théâtre quand j’ai écrit cette pièce. » Constat précieux : l’auteur parle au passé. Entre l’écriture et la mise en scène, un savoir a été acquis. Le défaut de savoir constaté concerne la dimension pratique du théâtre. C’est le théâtre tel qu’il se fait auquel Beckett s’est peu à peu confronté, jusqu’à assumer la mise en scène de ses propres pièces. Devenu praticien, l’auteur s’empare de se première œuvres, les reprend : dans cette reprise lui apparaissent les failles et les manques initiaux. Loin de relever d’une continuité ou d’une évidence, la mise en scène par l’auteur de son premier théâtre et les réécritures auxquelles elle donne lieu offrent un aperçu sur la façon dont l’intériorisation par Beckett de deux fonctions qui ont joué un rôle fondamental dans l’histoire du théâtre au XXe siècle soumet ses pièces à une dynamique de création seconde qui fait évoluer sa poétique initiale. Beckett ne considère pas l’œuvre écrite comme une partition dont il faudrait assumer l’exécution. Au contraire, au fil de sa pratique scénique, il les dramatise et les théâtralise, témoignant de l’évolution même de sa conception du théâtre. Il passe d’un « théâtre rêvé » à un « théâtre pratiqué ». Dans ce passage se dévoilent les méandres et les détours d’une écriture dramatique façonnée initialement dans un creuset romanesque, qui va progressivement acquérir une théâtralité plus marquée. La pratique soumet alors la poétique à une dynamique de reprise et d’ajustements dévoilant en définitive un « Beckett en mouvement », qui allie pratique scénique et poétique du drame pour fonder une poétique théâtrale complexe. / While staging Warten auf Godot in 1975 at the Schiller Theater, Beckett says : « I knew nothing about theater when I wrote this. » The use of the past tense points out the fact that between the writing process and the staging process, something has been learnt. What he did ignore is theater as an artistic practice, as a performance. He will discover it progressively during the 1950’s and the 1960’s and eventually will become the director of his own plays. Our work aims at showing how this shift from desk to stage will lead him to rewrite them, carrying on the creative process directly from the theatre, and, in return, how his very conception of directing is shaped by the singularity of these plays. Far from considering stage directing as a mere execution of the stage directions, Beckett dramatizes and theatricalises his works. Thus, his very conception of theater evolves from an abstract vision, drama as it appears in a literary form, to very a practical one, transforming the very theatricality at stake in his plays. Stage directing and theatre writing are then offering a constant interface, which leads to the emergence of what may be called a theatrical creation in which practical standpoint and literary creation are linked together.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2014PA030171 |
Date | 12 December 2014 |
Creators | Protin, Matthieu |
Contributors | Paris 3, Naugrette-Christophe, Catherine |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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