Cette thèse de doctorat se propose de mettre en lumière les liens étroits qui existent entre les imaginaires de la fantomalité, de la hantise et de la cinéphilie contemporaine. Elle cherche à montrer qu’il se développe, depuis le tournant du millénaire, une sous-catégorie de cinéma « à veine cinéphilique », à travers laquelle la figure, à la fois métaphorique et conceptuelle, du fantôme se révèle une instance productrice de discours sur la mémoire du cinéma. Nous cherchons à éclairer la spécificité de cette résurgence de présences fantomales – qui se traduit dans des œuvres cinématographiques, littéraires, critiques et théoriques – et à saisir, dans une perspective esthétique et philosophique, les modalités de hantise qu’elles mettent en scène. L’hypothèse principale de cette recherche s’appuie sur la certitude que cette résurgence de figures fantomales s’inscrit dans une époque instable, marquée par de nombreux bouleversements (politiques, esthétiques, culturels, technologiques), qui l’amène à cultiver une relation surconsciente à la mémoire et à l’amour du cinéma. Pour témoigner de cette tendance et des modalités esthétiques qui la définissent, nous introduisons les concepts de « cinéphilie hantée » et de « hantise cinéphilique ».
La première partie de cette thèse analyse les temporalités anachroniques et les logiques cycliques à travers lesquelles les fantômes du cinéma réapparaissent ponctuellement, à l’aune des réflexions de Georges Didi-Huberman, Jacques Derrida, Paul Willemen et Christian Keathley. La deuxième partie s’attache au lieu « catalyseur » de la hantise médiatique : dans quels ancrages ou sites s’immiscent aujourd’hui les présences fantomales qui appellent à repenser la mémoire du cinéma ? Nous étudions quatre cas de figures : le corps de l’acteur Jean-Pierre Léaud, la pellicule filmique en proie à sa désintégration, la salle de cinéma et les variations technologiques contemporaines de la notion de « média hanté » (notamment l’algorithme et le message texte téléphonique). Enfin, dans la troisième et dernière partie de cette thèse, nous observons par quels moyens littéraires ou techniques se déploie cette poétique de « cinéphilie hantée » et quels discours critiques en ressortent. Les œuvres littéraires de Didier Blonde, Jacques Thorens, Nathalie Léger et Jean Paul Civeyrac nous permettent de définir ce qu’est une « écriture hantée » alors que des études portant, entre autres, sur les œuvres de Jean-Luc Godard, Sandi Tan, Frank Beauvais, Nobuhiro Suwa, Pierre Hébert et Guy Maddin nous montrent à quel point le langage cinématographique, dans ses effets formels et techniques, participe intimement de cette écriture de la hantise.
En nous penchant sur les questions des temps, des lieux et des manières implicites ou explicites par lesquelles la cinéphilie contemporaine se révèle empreinte de fantomalité, nous cernons les ramifications de cette tendance du cinéma contemporain et en mesurons toute la pertinence. / The aim of this doctoral thesis is to shed light on the close ties between the imaginaries of ghostliness, hauntings and contemporary cinephilia. It seeks to demonstrate that, particularly since the turn of the millennium, a sub-category of cinema “with cinephilic inclinations” has been developing, through which the conceptual metaphor of the ghost reveals itself as a productive instance of discourse on the memory of cinema. Our aim is to elucidate the specificity of this resurgence of ghostly presences—reflected in cinematographic, literary, critical and theoretical works alike—and to grasp, from an aesthetic and philosophical perspective, the modalities of haunting that they stage. The main hypothesis of this research is based on the conviction that the resurgence of ghostly figures is rooted in an unstable era, marked by numerous upheavals (political, aesthetic, cultural, technological), which lead to cultivate an overconscious relationship to the memory and love of cinema. To further demonstrate this tendency and the aesthetic modalities that define it, we introduce in this thesis the “haunted cinephilia” and “cinephilic haunting” concepts.
The first part of this thesis analyzes the anachronistic temporalities and cyclical logics through which the ghosts of cinema punctually reappear, in the light of reflections by Georges Didi-Huberman, Jacques Derrida, Paul Willemen and Christian Keathley. The second part focuses on the “catalyst” place of media hauntings: in which anchorages or sites do ghostly presences that call for a rethinking of the memory and love of cinema intrude today? Our research concentrates on four major points: the body of French actor Jean-Pierre Léaud, the disintegrating filmstrip, the movie theatre and the contemporary technological variations of the notion of “haunted media” (particularily the algorithm and the text message). Finally, in the last and third part of the thesis, we examine the literary and technical means by which the poetics of “haunted cinephilia” is deployed, and the critical discourses that emerge from it. We study the literary works of Didier Blonde, Jacques Thorens, Nathalie Léger and Jean Paul Civeyrac to define what constitutes “cinephilic haunted writing”. Studies of the works of Sandi Tan, Frank Beauvais, Jean-Luc Godard, Nobuhiro Suwa, Pierre Hébert and Guy Maddin (among others) also enable us to pinpoint how cinematic language, in its formal and technical effects, can contribute to the development of haunted writing.
By examining questions of time, place and the implicit or explicit ways in which cinephilia reveals itself to be permeated with ghostliness, we identify the ramifications of this trend in contemporary cinema and recognize its full scope.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/32944 |
Date | 08 1900 |
Creators | Michaud-Lapointe, Alice |
Contributors | Habib, André |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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