Alors que le Québec met en œuvre une loi sur la laïcité de l’État, la loi 21, les expériences des enseignantes portant des symboles religieux, en particulier les expériences pouvant affecter leur identité professionnelle (IP), n’ont pas été étudiées. En utilisant un cadre d’analyse interactionniste-conflictualiste, ce mémoire explore cette question à travers les récits de vie de 9 enseignantes musulmanes, dont 8 enseignantes bénéficiant du droit acquis (EBDA) — pouvant ainsi continuer à porter leurs signes religieux dans l’exercice de leur profession en dépit de la loi 21. L’objectif de cette étude est de comprendre et décrire la relation entre le port de signes religieux et l’IP de ces enseignantes dans le cadre de la loi 21. En décrivant les considérations générales qui structurent les interactions et les relations de pouvoir vécues par ces enseignantes, cette recherche fournit des informations sur leurs représentations des concepts clés liés à l’éducation de même que sur leurs perceptions et leur compréhension de la loi 21. Cette étude permet également de faire entendre leur voix dans les débats publics portant sur le port du voile.
Il ressort de cette étude que les interactions et les rapports de pouvoir vécus et rapportés par les EBDA ne conduisent pas nécessairement à des incidents impliquant des élèves et leurs parents. D’autre part, bien que les relations avec les collègues et les directeurs d’école soient le plus souvent décrites comme excellentes, quelques incidents avec ces groupes particuliers ont été signalés. Ces tensions, parfois créées par la loi 21, sont vécues de manière indirecte et subtile et prennent des formes diverses. Elles ont trait à des gestes, attitudes, comportements, mots ou commentaires offensants qui sont vécus « comme une normalité », mais qui traduisent néanmoins, dans certains cas, de l’islamophobie et du racisme ordinaire dans le milieu scolaire québécois. Bien que la loi 21 créée des tensions dans le milieu scolaire, elle suscite également de la sympathie du personnel à l’égard de certaines femmes interrogées dans notre étude. En tout état de cause, bien que la situation créée par la loi 21 soit vécue de façon décourageante pour les EBDA, aucune d’entre elles n’envisage de quitter la profession. Au contraire, l’un des résultats forts de notre étude semble révéler que la loi 21 renforce l’IP des EBDA, notamment celles qui veulent redoubler d’efforts pour « prouver » leur compétence ou améliorer leurs habiletés sociales dans le milieu scolaire. Elles deviennent ainsi très proactives dans les interactions pour être acceptées et reconnues afin de briser les préjugés à leur égard. En ce qui concerne les mécanismes de structuration de l’IP des EBDA, nous avons identifié deux types d’IP : institutionnelle et communautaire. La première comprend des enseignantes qui placent l’organisation scolaire et leur profession au premier plan et dont la façon de penser et d’agir est orientée vers l’école, le gouvernement et l’État. Leur intégration dans l’école se fait par les interactions plutôt que par les règles. La seconde concerne les enseignantes plus préoccupées par l’avenir des autres femmes qui portent le hijab, qu’elles soient enseignantes en formation ou élèves dans les écoles primaires ou secondaires. Ces enseignantes ont connu davantage d’incidents liés à du racisme ordinaire à l’école, parfois à cause de la loi 21, et se sentent plus anxieuses au travail. Leur intégration se fait par le biais de règles plutôt que par les interactions en milieu scolaire. / While Quebec is implementing a national law on secularization, namely law 21, the experiences of teachers wearing religious symbols, particularly those symbols possibly affecting teachers’ professional identity (PI), haven’t been investigated yet. Using an interactionist-conflictualist framework, this dissertation explores this issue through of nine Muslim female teachers, eight of whom have benefited from acquired grandfathered rights (AGR), and therefore are able to continue wearing their religious symbols in the exercise of their profession, despite law 21. This study was conducted to understand and describe the relationship between wearing religious symbols and the PI of these teachers under law 21. By describing the general considerations that structure the AGRs’ interactions and power relations, this research provides information about their representations of key concepts related to education, their perceptions, and their understandings of law 21. The research also provides an opportunity to foreground their voices about the hijab as an identity instrument in public debates.
The study shows that the interactions and relations experienced and reported by teachers having AGRs do not necessarily lead to incidents involving students and their parents. On the other hand, while relations of teachers benefiting from AGRs with their colleagues and school principals are most often described as excellent, it should be noted that incidents with this group of school actors are occasionally reported. These tensions, sometimes created by law 21, are experienced indirectly and subtly and take various forms, including gestures, attitudes, and behaviours, as well as offensive words or comments that are not necessarily bitter, but have become “normal”. These incidents suggest, in some cases, the manifestation of Islamophobia and ordinary racism in the Quebec school environment. Although law 21 creates tensions in the school environment, it also generates sympathy in some respects. Nonetheless, although the situation created by law 21 is discouraging for teachers with AGRs, none of them have considered leaving the profession. On the contrary, one of the key findings of our study reveals that law 21 reinforces the PI of teachers with AGRs, especially as they strive to make more efforts to “prove” their competence or improve their social skills in the school environment (ex: by becoming very proactive in interactions to be accepted and to countermand prejudices). In terms of structuring mechanisms of teachers with ABRs’ PI, we identified two types of PI: institutional and community. The former includes female teachers, who place the school organization and their profession at the forefront, and whose way of thinking and acting is oriented towards the school, the government, and the state. Their integration into the school is through interactions rather than rules. The second is for female teachers who are more concerned about the future of other women who wear the hijab, whether they are student-teachers or students in primary or secondary schools. These teachers have experienced more incidents at school, sometimes because of law 21, and feel more anxious at work. Their integration happens through rules rather than through interactions.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/26764 |
Date | 08 1900 |
Creators | Adam, Ali Adam |
Contributors | Magnan, Marie-Odile |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | fra |
Detected Language | French |
Type | thesis, thèse |
Format | application/pdf |
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