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Julien Gracq, texte et sexe : lecture d'une aporie érotique / Julien Gracq, sex and text : Interpreting an erotic aporia

Lire une fiction gracquienne s’apparente à l’expérience du ravissement amoureux. Etre lecteur de Gracq, c’est accepter d’être ravi, capturé et enchanté tout à la fois. La dépossession herméneutique à laquelle le texte gracquien nous convie relève de l’expérience érotique. Présent comme thème, mais secondaire, mince, intermittent, l’érotisme semble exister dans le profil perdu du texte. Son cadre posé et aussitôt évidé de sa substance fait disparaître la scène sexuelle sous les yeux du lecteur-voyeur, dont l’attente est déjouée. La fiction organise l’escamotage du sexe, relançant sans cesse le désir à l’échelle du récit et de la lecture. L’imaginaire érotique, stéréotypé et obsessionnel, consacre sa présence-absence à la croisée de trois impossibles : le sexe, la femme, la mort. L’érotisme gracquien est donc bien un vide autour duquel tourne le lecteur et que cerne l’écriture. Aporétique, la voie de l’érotisme ? Ce n’est pas qu’elle ne mène à rien chez Gracq, c’est que le lecteur est invité à progresser dans cette aporie, à y digresser. L’érotisme est toujours déplacé, enfoui dans le palimpseste du paysage. Du dé-cor(ps) au corps à corps avec les mots, c’est l’usage de la langue qui est érotisé chez Gracq : il ne représente pas le sexe ; il le figure dans le texte, jusqu’à la jouissance et sous les yeux du lecteur, cet Autre. Dans l’œuvre de Julien Gracq, l’enjeu libidinal de la littérarité est de taille : l’érotique gracquienne transfigure la chair en chaire : du sexe au texte, l’auteur adopte une posture de séduction ; le texte fait écran entre lui et l’Autre qu’est le lecteur. Le sexe est devenu texte, limen, frontière, entre-deux irréductible, il est devenu l’hymen, espace de touche entre soi et l’autre ; la rencontre, pourtant représentée comme impossible, peut alors s’opérer. / Reading a fiction by Gracq feels similar to lovers’ delight. To become a Gracq reader, you must accept to be delighted, captured and enchanted all at once. The hermeneutic dispossession experienced through Gracq’s fiction is clearly erotic. No matter how secondary, thin and sporadic, the theme of eroticism may be, it seems to be running throughout the lost profile of the text. All set up and cleared of its substance, the sexual scene disappears from the eyes of the reader-voyeur whose expectation is frustrated. Fiction manages to cover up sex by setting desire within the plot and the reading. The presence-absence of erotic fantasy, as stereotyped and obsessive as it may be, is best consecrated at the crossroads of three impossible matters: sex, women and death. Eroticism by Gracq turns out to be a void around which the reader is waltzing and that the writing manages to grasp. Is the path of eroticism aporetic? It is not that this path is a dead end but rather that the reader is invited to advance and digress in this aporia. Eroticism is always moved, buried within the palimpsest of the landscape. With his successive unmoulding and moulding of words, it becomes clear that language is eroticised with Gracq. He doesn’t picture sex, he features it in his text until it pleases him –all this in the other, that is to say the reader’s eyes. In Julien Gracq’s work, the libidinal issue of literarity is at stake: Gracq’s eroticism transfigures flesh into a pulpit. From sex to text, the author takes on a posture of seduction. The text forms a screen between him and the Other, that is to say the reader. Sex has become text, limen, a border, an essential in-between. It has become the hymen, a touching space between one and the other. The meeting, though often portrayed as impossible, can then happen.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2016BOR30027
Date30 August 2016
CreatorsDefaye, Christelle
ContributorsBordeaux 3, Benoit, Eric
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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