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Définir la "langue bretonne" : discours concurrentiels d'origination et d'identification dans les paratextes des dictionnaires bretons / Defining breton language : concurrential discourses of origination and identification in breton dictionaries' paratexts

Si l'on connaît les dictionnaires comme lieu des définitions, ils en fournissent une que l'on ne perçoit pas toujours : celle de la langue elle-même. Au sein de l'hétérogène et du mouvant des usages linguistiques quotidiens, ceux-ci en circonscrivent et délimitent un certain nombre, qui se verront alors consacrés, dotés d'une certaine officialité. Les critères de sélection par lesquels les éléments lexicaux sont retenus ou écartés dépendent, entre autres contraintes, des convictions de leurs auteurs concernant les usages linguistiques qu'ils considèrent comme plus représentatifs de la langue que d'autres. Souvent conscients tant du pouvoir social de tels ouvrages que de la sélection qu'ils impliquent, leurs auteurs s'en justifient parfois dans des paratextes introductifs où sont alors explicités leurs convictions linguistiques. Les discours que l'on y trouve peuvent se fonder sur des définitions, associations d'idées, et valorisations que les auteurs peuvent tenir pour acquis, ou au contraire les détourner, subvertir, contester ; quoiqu'il en soit, ils tentent souvent de fonder performativement une définition de la langue que la liste lexicale mettra ensuite en pratique. Dans certains contextes de conflictualité politique où la définition de la langue ne va pas de soi, les préfaces de dictionnaires peuvent alors devenir de véritables arènes où s'affronteront des définitions concurrentes de la langue que chacun tentera de faire reconnaître. En travaillant sur un corpus constitué des paratextes de dictionnaires bretons publiés de 1499 à 2015, nous analysons l'évolution des discours sur la langue en fonction des situations historiques, sociales, et politiques, où se trouvent les auteurs. Nous mettons l'accent en particulier sur différents processus discursifs, notamment ceux d'identification et de différenciation, par lesquels les auteurs délimitent les frontières entre les pairs et les autres, ainsi que ceux d'origination, par lesquels ils ancrent leur situation actuelle au sein de continuités et ruptures perpétuellement redessinées. Nous abordons ainsi en particulier la manière dont la définition des "Celtes" a évolué en fonction des différents contextes discursifs : désignant d'abord, dans le discours celtomane, une langue mère de toutes les autres dont la bretonne était la seule forme restée pure, l'usage du terme s'orientera progressivement vers une fonction distinctive envers leurs voisins français, ceci en accord avec l'émergence d'un cadre de pensée nationaliste. C'est à la même période, vers le XIXe siècle siècle, qu'apparaîtra l'interceltisme, comme thèse d'un cousinage ethnique entre les populations de certains territoires en petite et Grande-Bretagne. Nous étudions la manière dont ce discours, né de nécessités de différenciation politique, se transfère dans les catégorisations savantes, véhiculant en même temps son lot de concepts et méthodes implicites concernant la définition de la langue. Par ailleurs, les changements sociaux survenant au XXe siècle en Bretagne auront également pour conséquence un progressif clivage entre différents profils de locuteurs : à ceux pratiquant la langue dans un contexte surtout oral, pratique, et quotidien, dont le nombre diminue, se substituent progressivement des locuteurs l'apprenant dans une démarche volontariste et militante, à partir d'un rapport scriptural-scolaire à la langue. Cette cohabitation de locuteurs ayant appris et pratiquant la langue dans des situations différentes aura mettra en concurrence les définitions de la langue. Si les différents courants auront en commun une volonté de distinction envers le français héritée du discours différentialiste ayant émergé au XIXe siècle, chacun investira la nécessité de s'en distinguer dans des dimensions différentes de la langue, cohérentes par rapport à leurs modes de socialisation linguistique. (...) / Dictionaries are often seen a the place of the definitions, but very often the most important definition they give is not seen : the one concerning the language itself. Thus, while making their work, the authors have to make a selection of the words which will be retained and those which will not be taken in account. These choices rely on broader stances, related to their own convictions about what is "correct" language and what is not. The authors' convictions are themself influenced by the socio-historical context in which the dictionary is written, but they also shape the further definitions of the language, given the reliability granted to those kind of books. This work aims to seek the way in which the definition of breton language is given in the paratext (forewords, introductions, prefaces, postfaces) of breton dictionaries published between 1499 and 2015. In particular, we focus on some discursive processes such as identifications, differentiations, and originations, which are used by the authors in order to reconfigure the language's definition. A particular importance is given to the evolving use made of "Celts" in those definitions, and to the conflictuality in which they are set.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2017USPCB118
Date28 March 2017
CreatorsMorvan, Malo
ContributorsSorbonne Paris Cité, Canut, Cécile, Déloye, Yves
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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