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Procéduralisme épistémique et légitimité démocratique : une défense de l'égalité politique

Ce mémoire explore la relation qui lie démocratie et légitimité politique, dans une perspective épistémique. La démocratie, dans son acception la plus générale, confère à chacun la possibilité de faire valoir les intérêts qu'il estime être les siens et ceux de sa communauté, en particulier à l’occasion d’un scrutin. Cette procédure décisionnelle qu’est le vote consacre ainsi en quelque sorte la liberté et l’égalité dont profitent chacun des citoyens, et confère une certaine légitimité au processus décisionnel. Cela dit, si le vote n’est pas encadré par des considérations épistémiques, rien ne garantit que le résultat politique qui en découlera sera souhaitable tant pour les individus que pour la collectivité: il est tout à fait permis d’imaginer que des politiques discriminatoires, économiquement néfastes ou simplement inefficaces voient ainsi le jour, et prennent effet au détriment de tous.
En réponse à ce problème, différentes théories démocratiques ont vu le jour et se sont succédé, afin de tenter de lier davantage le processus démocratique à l’atteinte d’objectifs politiques bénéfiques pour la collectivité. Au nombre d’entre elles, la démocratie délibérative a proposé de substituer la seule confrontation d’intérêts de la démocratie agrégative par une recherche collective du bien commun, canalisée autour de procédures délibératives appelées à légitimer sur des bases plus solides l’exercice démocratique. À sa suite, la démocratie épistémique s’est inspirée des instances délibératives en mettant davantage l’accent sur la qualité des résultats obtenus que sur les procédures elles-mêmes.
Au final, un même dilemme hante chaque fois les différentes théories : est-il préférable de construire les instances décisionnelles en se concentrant prioritairement sur les critères procéduraux eux-mêmes, au risque de voir de mauvaises décisions filtrer malgré tout au travers du processus sans pouvoir rien y faire, ou devons-nous avoir d’entrée de jeu une conception plus substantielle de ce qui constitue une bonne décision, au risque cette fois de sacrifier la liberté de choix qui est supposé caractériser un régime démocratique?
La thèse que nous défendrons dans ce mémoire est que le concept d’égalité politique peut servir à dénouer ce dilemme, en prenant aussi bien la forme d’un critère procédural que celle d’un objectif politique préétabli. L’égalité politique devient en ce sens une source normative forte de légitimité politique. En nous appuyant sur le procéduralisme épistémique de David Estlund, nous espérons avoir démontré au terme de ce mémoire que l’atteinte d’une égalité politique substantielle par le moyen de procédures égalitaires n’est pas une tautologie hermétique, mais plutôt un mécanisme réflexif améliorant tantôt la robustesse des procédures décisionnelles, tantôt l’atteinte d’une égalité tangible dans les rapports entre citoyens. / This study explores the relationship between democracy and political legitimacy in an epistemic perspective. Democracy, in its most general sense, gives everyone the possibility to defend its interests, especially during an election. This decision-making process that is the vote devotes somehow freedom and equality enjoyed by all citizens, and confers legitimacy in decision making. That beeing said, if the vote is not framed by epistemic considerations, there is no guarantee that the political outcome will be desirable for the community: it is quite possible to imagine that discriminatory, economically harmful or ineffective policies may emerge from such decision-making process, and take effect at the expense of all.

In order to adress this problem, various democratic theories have emerged and have succeeded in an attempt to further link the democratic process to achieve political objectives beneficial to the community. In many of them, deliberative democracy has proposed to substitute the sole confrontation of interests of the aggregative democracy by a collective search for the common good, channeled around deliberative procedures referred to legitimize on more solid foundations democratic exercise. In the same vein, epistemic democracy was inspired by the deliberative bodies by putting more emphasis on the quality of the results than on the procedures themselves.

Ultimately, the same dilemma haunts every time the different theories: is it better to build decision-making bodies, focusing primarily on procedural criteria themselves, at the risk of bad decisions managing their way through the process, or must we have from the outset a more substantial conception of what constitutes a good decision, this time at the risk of sacrificing the freedom of choice that is supposed to characterize a democratic regime?

The thesis we will defend is that the concept of political equality can be used to resolve this dilemma, taken as well as a procedural criterion than as a pre-established political objective. Political equality is in this sense a strong normative source of political legitimacy. In the end, we hope to have shown that the achievement of substantial political equality by means of egalitarian procedures is not an hermetic tautology, but rather a reflexive mechanism improving the robustness of the decision-making procedures while achieving substantive equality in the relations between citizens.

Identiferoai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/14038
Date04 1900
CreatorsCantin, Jean-François
ContributorsNadeau, Christian
Source SetsUniversité de Montréal
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeThèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation

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