Ce travail de thèse s'articule autour d'une définition historique qui a été formulée par Cesare Pavese, lorsqu'il a défini les années 30 et 40 du XXe siècle comme les deux décennies de la traduction par excellence. Si les études menées jusqu'à aujourd'hui se sont penchées de manière approfondie presque seulement sur la traduction des romans et cela en choisissant comme langue source privilégiée l'anglais ou le français, nous avons concentré notre analyse sur la traduction, l'écriture et la critique poétiques réalisées dans la période s'étalant de l'entre-deux-guerres jusqu'à la fin des années 40. La poésie était en effet le lieu critique, traductif et créatif le plus fréquenté. Un véritable besoin de poésie animait les cénacles des intellectuels italiens à Florence comme à Milan, à Parme, à Rome et également à Turin. Les échanges entre les artistes, critiques, poètes et traducteurs se jouaient pour la plupart sur le terrain de la poésie, sans être, au moins jusqu'au milieu des années 30, particulièrement entravés par la censure fasciste. En effet l'Italie devait, même aux yeux du fascisme, connaître un Baudelaire, un Rimbaud et un Eliot parlant italien. La poésie prenait une place sans précédents dans la vie culturelle et littéraire de l'époque et devint aussi un champ d'action concret : écrire en vers bouleverse autant l'ordre syntactique de la langue que l'habitude à concevoir la réalité de manière univoque et sans opacités.La poésie, pour reprendre une pensée d'Henri Meschonnic, est « contre le maintien de l'ordre », et se propose comme une forme d'engagement profond qui implique les consciences et leur prise de position face à la réalité. Dans une perspective plus large, le discours poétique s'entrelace avec le discours politique, si par politique on présuppose tout effort visant à garantir le bien-être de l'homme et la création des conditions qui permettent la réalisation au degré le plus haut de la liberté de tout individu.L'objet d'intérêt de la traduction poétique fusionne inévitablement avec la poésie tout court, ne serait-ce que parce que toute poésie est en tout cas toujours une traduction. Faire et construire en poésie sont devenus ainsi les axes de cette étude qui essaye de rendre compte constamment des voix de plusieurs personnalités qui étaient à la fois poètes, traducteurs et critiques littéraires. La partie finale de ce travail se concentre ainsi sur la naissance d'un nouveau type d'intellectuel qui est poète, traducteur et critique, et qui, très souvent, est aussi un éditeur. Sa participation à la vie sociale, politique et éditoriale du pays devient de plus en plus significative et fera de la poésie le sujet de plusieurs collections éditoriales et de nombreuses autres publications.Nous avons essayé de montrer quel type d'engagement peut émaner de l'écriture des poèmes et de la pratique de la traduction poétique, en décrivant quel militantisme profond et passionné peut surgir de la 'fréquentation' de la poésie, qui se propose comme une constellation de sens constamment “constructible”, comme une présence jamais définitive. Cette mise en valeur de l'inachevé contribue à la mise en question de l'identité du sujet et à la poursuite de son salut, à la multiplication des hypothèses, et à l'ouverture des horizons. En se proposant avec son corps mouvant et émouvant, la poésie sera, pendant le fascisme, un levier d'indisciplinarité face à la règle, s'imposant comme un insoupçonnable instrument de contestation et de résistance. / This thesis focuses on a historical definition given by Cesare Pavese, when he defined the 30s and 40s of the twentieth century as the translation's period par excellence in Italy. The previous studies have looked extensively on the translation of novels and most of these researches choose English or French as principal language sources. This Phd thesis concentrates instead the analysis first of all on poetic translation and also on writing poetry as well as on poetic criticism ‘made' in the inter-war period until the late 40s. Poetry was incontestably the critical, translational and creative locus. Poetry was the main interest of the circles of Italian intellectuals in Florence and in Milan, in Parma, in Rome and in Turin also. Exchanges between artists, critics, poets and translators played mostly in the field of poetry, more or less without being particularly hampered by the fascist censorship, until the mid-30s. Poetry became a field of concrete action because it upsets language's syntactic order and this encourages a new conception and design of the reality, as well a way to fight every monolithic solution refusing opacity and incompleteness.Using an expression of Henri Meschonnic poetry is “against the maintenance of the order”, and presents itself as a form of deep commitment (in order words a form of “engagement”) that involves awareness and taking a stand against reality. In a poetic discourse the political element is closed involved. In fact we assume that “politics” is any attempt to fight for the welfare of man and every attempt to achieve the highest degree of freedom of every individual.The subject of criticism and translating poetry inevitably merge with poetry at all, and it is to consider that poetry is in any case always a translation. Poetry and its effects have become the axes of this study that tries to present consistently the voices of several people who were poets, translators and literary critics at the same time. The final part of this work concentrates on the birth of a new type of intellectual who is a poet, a translator, a critic and often also a publisher.We tried to show also what type of engagement may trigger the writing of poems and the practice of poetic translation, describing how deep and passionate activism may arise 'attending' poetry. Poetry is always proposed as a constellation of meaning constantly "building" as a presence never definitive. This enhancement of the unfinished contributes to the questioning of the subject's identity and to the pursuit of his salvation. Every poetic multiplication of hypotheses allows the opening of a lot of horizons. Offering her moving body poetry has been, even during Fascism, a lever of great indisciplinarity face to the rule settled by the dictatorship and it has been an unsuspected instrument of protest and resistance.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2012GRENL047 |
Date | 10 December 2012 |
Creators | Nanni, Emanuela |
Contributors | Grenoble, Mileschi, Christophe |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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