Cette thèse examine l’apport du travail statistique à la normalisation de la vaccination en France, des années 1950 au milieu des années 1990, une période au cours de laquelle la vaccination a fait l’objet de peu de controverses. Au moyen d’opérations statistiques de rationalisation, de régulation et de justification, l’épidémiologie (entendue comme un ensemble de pratiques plutôt qu’une discipline universitaire autonome) a largement contribué à maintenir cet état de fait – un processus que je qualifie de routinisation. L’enquête est construite sur des archives issues de diverses institutions, nationales et internationales, ainsi que sur une série d’entretiens avec les principaux acteurs du domaine. Elle éclaire le rôle d’un groupe d’épidémiologistes associés au Centre international de l’enfance (1949-1999), qui mit en œuvre un programme de rationalisation et de simplification de la vaccination. Dans cette période coloniale et postcoloniale, l’Afrique subsaharienne était un de leurs terrains de prédilection : ils y réalisèrent de nombreux essais, simultanément à leurs activités métropolitaines. L’implication de l’OMS dans le domaine de la vaccination a conforté la dimension internationale de cette routinisation : les épidémiologistes français se sont appropriés des opérations statistiques popularisées par Genève. À la fin de la période considérée, la controverse de la vaccination contre l’hépatite B a perturbé cette routinisation et mis en évidence un écart croissant entre les logiques de l’épidémiologie et l’expérience des individus vaccinés. Cette recherche éclaire d’une lumière nouvelle la façon dont l’intervention de santé publique la plus courante a été normalisée et gouvernée par des nombres. / This dissertation studies the entanglement between statistical production and the normalization of immunization practices in France from the 1950s to the mid-1990s, a period during which immunization remained largely uncontroversial. By rationalizing, regulating, and justifying immunization, epidemiology (understood as a collection of practices, rather than a discrete academic discipline) has contributed greatly to this normalization – a process I term “routinization.” This research project is based on archival findings, both in France and internationally, as well as a series of interviews with significant actors in the field. It is primarily focused on a group of epidemiologists affiliated with the Centre international de l’enfance (French International Children’s Center, 1949-1999), whose mission was to rationalize and simplify immunization for children. Throughout the institution’s history, which overlaps with the late colonial period and the process of de-colonization, there is a significant engagement with Francophone Africa: numerous trials were carried out simultaneously in Sub-Saharan Africa and the Paris region. The transnational nature of this activity is also due, in part, to the involvement of the World Health Organization in matters of immunization – French epidemiologists appropriated calculations popularized on a global scale. At the end of the period in question, the Hepatitis B vaccine controversy disrupted the routinization process and shed light on the rising gap between the discourse and practice of epidemiology and the experience of vaccinated individuals. This study offers new insights into the role of numbers in the maintenance and governance of the most common public health intervention.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018PSLEH049 |
Date | 31 May 2018 |
Creators | Thomas, Gaëtan |
Contributors | Paris Sciences et Lettres, Bourdelais, Patrice, Berlivet, Luc |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
Page generated in 0.0023 seconds