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Les frontières contestées de la biodiversité culturelle : une approche par les connaissances et les savoirs dans les produits d'origine. Le cas des fromages méditerranéens. / The contested borders of cultural biodiversity : exploring knowledge and practices in origin-food schemes. Evidence from Mediterranean origin cheeses.

Depuis les années 80, la qualification des produits d’origine est devenue un élément important dans le modèle agricole européen avec le système des indications géographiques (IG), auquel s'ajoutent des systèmes promus par des organisations non gouvernementales, comme les projets Sentinelles de Slow Food. Ces initiatives publiques ou privées, ici appelées Systèmes de Valorisation de l’Origine (SVO), génèrent d’importants résultats environnementaux, sociaux et culturels, en plus d’une valeur marchande.Les décideurs politiques et la société civile s’intéressent de plus en plus aux effets des SVO sur la biodiversité, qualifiée ici de biodiversité culturelle pour souligner la pertinence accordée aux pratiques et aux connaissances locales. Or, ces effets sont encore mal connus. Cette thèse entend y contribuer en explorant l’écart entre les discours, c’est-à-dire les objectifs politiques, les connaissances systématisées et les narratives qui sous-tendent le développement des SVO, et les pratiques locales (explicites et implicites). Elle traite donc les questions de recherche suivantes : quelles sont les institutions et les logiques qui inspirent la définition et la pratique de la biodiversité culturelle ? Comment la codification des connaissances et des pratiques est-elle réalisée et comment les règles sont-elles appliquées ? Dans quelle mesure les savoirs sont-ils modifiés et re-créés ?L’analyse repose sur quatre études de cas représentées par quatre fromages de montagne sous appellation (IG) et/ou objet d’une Sentinelle Slow Food, en France (fromage d’estive du Béarn et Ossau-Iraty), en Italie (Piacentinu Ennese) et au Maroc (fromage de chèvre de Chefchaouen). La démarche de recherche a privilégié l’analyse des discours institutionnels et des cahiers des charges, des enquêtes ethnographiques multi-sites sur 24 mois, l’observation participante et « l’apprentissage » pour décrypter les pratiques locales.L’analyse des discours institutionnels sur la microbiodiversité fromagère montre que les promoteurs des SVO ont intégré la biodiversité culturelle dans leurs stratégies à différents moments et degrés. En dépit des limitations dues au rôle prépondérant du marché, la médiatisation d’un discours sur la biodiversité culturelle peut amplifier la voix politique des acteurs locaux et favoriser les relations communautaires.Résultat de négociations entre les parties prenantes qui présentent des différentes motivations, stratégies et formes de connaissance, les cahiers des charges sont des objets privilégiés pour étudier les effets des SIO. Les cahiers des charges étudiés préservent directement certaines ressources génétiques, goûts et savoirs-faire, comme la pratique de la transhumance et la production quotidienne de fromage en montage, dans la Sentinelle béarnaise. Mais néanmoins, le processus de codification aboutit toujours à l’adaptation et à la réduction de la diversité existante, y compris au sein des SVO les plus orientés vers la localisation des pratiques et la promotion de la diversité des goûts, comme observé au sujet de la réduction des temps d’affinage traditionnels dans le Piacentinu Ennese.Cependant, les connaissances et les pratiques relatives à la biodiversité culturelle sont dynamiques. Les parties prenantes des SVO interagissent dans un processus d'apprentissage, en utilisant des connaissances codifiées et tacites comme outils pour façonner une communauté. Cet apprentissage dépasse les frontières du système de gestion et englobe également les consommateurs et les producteurs qui n’appartiennent pas au SVO, dans le cadre de pratiques partagées. Le cas marocain, par exemple, montre la recréation de pratiques engendrées par une IG qui limite particulièrement la tradition. Le décalage entre ce qui est codifié et ce qui est fait conduit à une redéfinition dynamique des pratiques et des communautés. / Origin food qualification has emerged as a new institutional tendency from the 80s, becoming a relevant asset in the European model of agriculture with the Geographical Indication (GI) system. Place-based labelling led by non-governmental organisations are also multiplying, such as the Presidia projects developed by the Slow Food movement. These public or private initiatives, referred as Origin Food Schemes (OFS), generate significant environmental, social, and cultural outputs, besides producing market value. For these reasons, OFS are also becoming economically and politically relevant in the Global South.In particular, policy makers and social movements have increasingly looked at the effects of OFS on biodiversity, referred to here as cultural biodiversity to underline the relevance given to practices and local knowledge. Considering the gap in knowledge regarding the bio-cultural outcomes of different OFS, this Thesis asks which are the gaps between discourses, understood as policies, systems of knowledge, and communication tools, and both explicit and implicit practices conveyed by OFS as for cultural biodiversity. The Thesis presents the following sub-research questions: Which are the institutions and logics that determine the definition and practices related to cultural biodiversity? How are knowledge and practices codified and, then, are rules applied? To what extent are codified and tacit knowledge and practices modified and re-created within OFS?Four origin cheeses recognized as a GI and/or a Presidium and located in France, Italy and Morocco were selected as case studies and addressed with 24 month-multisite ethnographic enquiries, privileging participant observation and apprenticeship as a research tool to study the embodied and experientially grounded practices.The example of the management of cheese microbiodiversity shows that the Slow Food movement and GI promoters have integrated cultural biodiversity into their institutional discourses in different times and to different extents. Despite limitations due to the prominent role of the market, a mediatized institutional narrative on cultural biodiversity can amplify the political voice of local actors by fostering community and social relationships.The analysis of specifications – privileged places to study the effects of OFS – demonstrates that OFS differently take into account traditional practices of production, following stakeholders’ negotiations that oppose motives, strategies, and forms of knowledge. Although specifications directly preserve some genetic resources, taste, and know-how, paradoxically their codification always results in adapting and reducing existing diversity, including in the OFS that are more oriented to localise practices and promote diversity of tastes.Nevertheless, food knowledge and practices are dynamic. OFS stakeholders interact in a learning process, using codified and tacit knowledge as tools to shape communities of practice. This learning process surpasses the border of the OFS governing body and encompasses also consumers and producers who do not belong to the scheme into joint practices. The gap between what is codified and what is done leads to a dynamic redefinition of both practices and communities.

Identiferoai:union.ndltd.org:theses.fr/2018MON30088
Date13 December 2018
CreatorsMariani, Mariagiulia
ContributorsMontpellier 3, Università degli studi (Catane, Italie). Dipartemento di scienze della cultura, dell'uomo e del territorio, Laurens, Lucette, Peri, Iuri
Source SetsDépôt national des thèses électroniques françaises
LanguageFrench
Detected LanguageFrench
TypeElectronic Thesis or Dissertation, Text

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