Depuis une trentaine d’années, les travaux français qui portent sur les grandes surfaces alimentaires en sociologie du travail ont privilégié l’étude des caissières sans se soucier outre mesure des salariés des rayons. Cette thèse vise à rétablir ce déséquilibre en se focalisant sur les managers de rayon, premier niveau d’encadrement des magasins.Afin d’étudier ce groupe, nous commençons par mobiliser la sociologie du travail pour conduire une analyse microsociologique de leur travail quotidien. Les managers ont pour principales missions de faire progresser le chiffre d’affaires et la marge des rayons sous leur responsabilité ainsi que de motiver leurs équipes d’employés. Ils sont donc en interaction constante avec les employés chargés de la mise en rayon des produits, d’une partie des commandes et de la gestion des stocks, mais aussi avec d’autres interlocuteurs comme les fournisseurs ou encore les clients. Ce sont les membres de la direction du magasin (manager secteur, directeur) qui leur donnent des directives, contrôlent leurs résultats et évaluent leur comportement.Afin de prendre de la hauteur vis-à-vis des interactions quotidiennes, nous mobilisons également la sociologie des professions pour conduire une analyse davantage mésosociologique et macrosociologique. Nous étudions de cette façon les transformations de l’organisation du travail dans les magasins et celles du groupe des managers de rayon, toutes deux étroitement corrélées aux mutations structurelles de la branche de la distribution qui s’adapte en permanence aux aléas de la conjoncture économique et au goût versatile des consommateurs. Nous nous focalisons par conséquent sur les changements du travail, de l’emploi et de l’organisation des supermarchés et des hypermarchés qui touchent les managers depuis les années 2000 et s’accélèrent au cours des années 2010.Contrairement aux monographies réalisées sur les caissières, cette approche permet au moins deux choses. Premièrement, nous pouvons replacer dans leur contexte les nombreuses transformations du travail, de l’organisation et de l’emploi qu’ont vécues les salariés des rayons depuis le tournant des années 2010. Quand cela s’avère nécessaire, nous détaillons l’impact différencié de ces mutations sur les managers en fonction de leur appartenance à un ou plusieurs segments professionnels : enseigne intégrée vs indépendante, rayons alimentaires vs non alimentaires, zone urbaine vs rurale, supermarchés vs hypermarchés, faible présence syndicale vs délégués syndicaux revendicatifs.Notre approche nous permet par ailleurs de développer une réflexion dans le champ de la sociologie des professions : entre une approche fonctionnaliste qui se focalise sur l’unité d’une profession et une approche interactionniste qui insiste sur la diversité des pratiques au sein d’un même groupe professionnel, nous mobilisons le concept d’ethos professionnel pour penser à la fois l’unité et la diversité du groupe des managers de rayon. Nous proposons pour ce faire une définition personnelle de l’ethos en trois dimensions : une dimension pratique (activité, tâches, travail concret), une dimension symbolique (discours, normes, valeurs, représentations) et une dimension sociale (sexe, classe, race, diplôme, âge). Cet ethos ainsi défini articule les caractéristiques objectives d’un groupe professionnel avec ses valeurs et représentations et avec son travail concret.La thèse se divise en deux grandes parties. La première décrit la dimension pratique de l’ethos professionnel des managers de rayon. La seconde ajoute les dimensions symbolique et sociale de cet ethos bousculé par les récentes réorganisations des magasins. La thèse se conclut par une définition précise du concept d’ethos professionnel qui ouvre des perspectives de recherche concernant d’autres groupes professionnels. / For the past 30 years, research in France concerning workplace sociology within supermarkets and hypermarkets have highly favored the study of cashiers, thus disregarding the department employees. The aim of this dissertation is to restore this discrepancy by focusing on department managers who represent the first level of management in retail stores.In order to study this specific workforce, a focus on workplace sociology was initially necessary to advance a microsociological analysis of their daily work. The main tasks of department managers are to increase the turnover and the profits of the departments they are responsible for as well as keeping up the motivation of their teams. Therefore, they are interacting on a daily basis with the employees responsible for shelving, ordering, and stock managing products as well as dealing with suppliers and customers. Instructions are given by the store management i.e. store manager or sector manager, who also check the employees’ results and assess their behavior. To get some insight into the daily interactions in a supermarket, the sociology of professions was considered to produce a mesosociological and macrosociological analysis of the workplace and employment. This serves as a way to study the evolution in retail stores’ work structure as well as the changes in the particular group of department managers. Both are closely linked to the structural changes of the retail industry which is constantly adjusting to the contingencies of the economic context and the changeable desire of customers. Therefore, the mutations at work will be highlighted, for the employment and management in supermarkets and hypermarkets, which have impacted managers since the early 2000s ; a process that began accelerating around 2010.Unlike the numerous monographs that can be found on the topic of cashiers, this approach will focus on two elements. First, we will contextualize the structural and employment evolutions at work that retail employees have faced since the turn of the 2010s. We will elaborate, when needed, on the differentiated impact of these mutations on managers depending on their relation to one or several professional segments: food store chains vs. independent stores, food department vs. non-food departments, urban areas vs. rural areas, supermarkets vs. hypermarkets, weak union presence vs. strong union representation. In addition, this method leads to a deeper consideration on the sociology of professions: 1) a functionalist theoretical approach which focuses on the individuality of a profession and 2) an interactionist theoretical approach underlining the variety of practices within the same professional group. The concept of professional ethos is all the while used to encompass both the uniqueness and variety of department managers. A personal interpretation of this ethos will be developed revolving around 3 points: a practical dimension (practice, activities, tasks, rules, daily missions), a symbolic dimension (discourse, norms, values, representations) and a social dimension (gender, education, age, social category). This new definition of ethos, remaining consistent with the objective features of a professional group and its values, representation, and daily work, will open up new perspectives of research regarding other professional groups.This dissertation is divided into two parts. The first is dedicated to the practical dimension of the professional ethos of department managers. The second is devoted to the symbolic and social aspects of this work ethos which has been disturbed by the recent restructuring of retail stores. This thesis will conclude with an accurate definition of the concept of professional ethos which will contribute to understand other professional groups.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2018CNAM1206 |
Date | 30 November 2018 |
Creators | Racine, Florent |
Contributors | Paris, CNAM, Azaïs, Christian |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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