Dans la Recherche du temps perdu, toute relation filiale est une relation où le fils fait inévitablement souffrir sa mère en commettant, selon Proust, une forme de parricide. La lecture des œuvres pré-Recherche de l’auteur, telles la nouvelle « La confession d’une jeune fille » et l’article « Sentiments filiaux d’un parricide » permettent de comprendre cette relation ambigüe, au cœur de laquelle se trouve l’amour incommensurable que ressent le fils pour le parent, un amour si intense qu’il en est étouffant. Dans ces conditions, le parent en vient à symboliser aux yeux de l’enfant la Loi contre laquelle il doit se rebeller à coup de gestes de cruauté. Le fils, s’il est de ceux qui peuvent soutenir la vue de leurs crimes, entre alors dans un cercle vicieux : par sa cruauté, il tue – symboliquement ou réellement – le parent aimé et il en jouit. Suite à ce sadisme, il ressent une insupportable culpabilité qui le mène à une dévotion masochiste encore plus grande pour son parent. Or, par le personnage du narrateur de la Recherche du temps perdu, Proust démontre que la seule manière de se libérer de cette douloureuse culpabilité, c’est l’Art. Le crime ultime qu’est la création excuse les actes de cruauté antérieurs et les justifie même. C’est la seule manière de transformer la souffrance vécue (issue entre autres de la culpabilité d’avoir pris plaisir à faire souffrir un parent aimé) en idées universelles, en œuvre d’art. / In A la recherche du temps perdu, every filial relationship is one where the son inevitably causes his mother suffering by committing, according to Proust, a form of parricide. The writings of Marcel Proust before la Recherche, such as the short story “A young girl’s confession” and the newspaper article “Filial sentiments of a parricide”, allow us to understand this ambiguous relationship, at the heart of which we can find the unmeasured love that the son feels for his parent, a love so intense that it soon becomes suffocating. Under these conditions, the parent comes to symbolize to the child “the moral Law” against which he must rebel, choosing cruelty as his weapon. The son, if he is one of those who can stand the sight of their own crimes, enters then in a vicious cycle: with his daily acts of cruelty, he kills – symbolically or in genuinely – the beloved parent, and he enjoys it. Following this act of sadism, he feels an unbearable guilt that leads him to an even greater masochistic devotion for his parent. Yet, through the character of the narrator of la Recherche, Proust demonstrates that there is indeed one way to free oneself from this painful guilt, and it is through Art. Creation, the ultimate crime, excuses and even justifies any previous acts of cruelty. It is the only way of transforming suffering (resulting among other things, from the guilt of having enjoyed causing a beloved parent any kind of suffering) into universal ideas, into art.
Identifer | oai:union.ndltd.org:LACETR/oai:collectionscanada.gc.ca:QMU.1866/9988 |
Date | 02 1900 |
Creators | Bégin Marchand, Jasmine |
Contributors | Larose, Jean |
Source Sets | Library and Archives Canada ETDs Repository / Centre d'archives des thèses électroniques de Bibliothèque et Archives Canada |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
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