La professionnalisation de l’enseignement a connu un essor important depuis la fin des années 1980, et ce dans plusieurs contextes sociaux. Depuis cette époque, la recherche sur le savoir des enseignants s’est développée dans le but de définir la nature des connaissances devant être à la base de l’enseignement, ce qui, en même temps, a changé les modèles de formation à l’enseignement. Les provinces canadiennes se sont vues insérées dans ce mouvement de professionnalisation de l’enseignement qui a induit des réformes et des changements dans les programmes de formation des enseignants.
Cette recherche doctorale porte sur la professionnalisation, les savoirs et les programmes de formation des enseignants dans deux provinces canadiennes, le Québec et l’Ontario. Son objectif général était de cerner, dans une perspective comparative, comment les politiques de professionnalisation de la formation à l’enseignement développées par ces deux provinces ont été interprétées ces dernières décennies dans les programmes de formation au sein des universités. Pour ce faire, nous avons analysé, plus spécifiquement, trois enjeux qui touchent les savoirs des enseignants : les conceptions professionnelles et les savoirs dans la formation à l’enseignement; les standards et les référentiels de compétences encadrant cette formation; et les savoirs qui se trouvent dans les programmes de formation à l’enseignement primaire dans ces deux provinces. De ce fait, nous avons cherché à répondre à la question générale de recherche suivante : Comment les politiques de professionnalisation de la formation à l’enseignement développées par le Québec et l’Ontario ont-elles été traduites dans les programmes de formation universitaire? Et aux questions spécifiques suivantes : 1. Quelles sont les conceptions dominantes de la professionnalisation qui se dégagent des politiques éducatives ontariennes et québécoises? (1.1. Quelle est l’évolution des politiques éducatives qui encadrent la formation et la certification des enseignants dans ces deux provinces? 1.2. Comment évoluent les savoirs à la base de la formation des enseignants? Quels référentiels de compétences ou standards ont été proposés? 1.3. Quelle est la vision officielle actuelle du professionnel à former?) 2. Que deviennent les conceptions de la professionnalisation une fois traduites en programmes de formation dans les universités québécoises et ontariennes? (2.1. Comment sont conçus les savoirs professionnels dans les programmes de formation? 2.2. Est-ce qu’il y a des modalités d’articulation des cours théoriques et pratiques? Quelle est la place des stages? La place de la recherche? 2.3. Y a-t-il des différences entre ce que les enseignants sont censés apprendre selon le contexte ou, au contraire, une base de connaissances uniformisée est-elle visible entre ces deux contextes différents? Où se situent les différences?).
Cette recherche pose ainsi la question du savoir formel à la lumière de la sociologie des professions, plus particulièrement à travers l’approche néo-wébérienne. Cette approche se situe à l’interieur de l’approche « critique » en sociologie des professions et s’inspire de Weber pour analyser la professionnalisation selon les enjeux économiques, politiques, historiques et académiques qui permettent à un groupe de métier de se voir octroyer une « fermeture sociale » et de réussir à se « professionnaliser ». En nous basant sur ce cadre théorique, et à travers une analyse de 70 documents politiques et de recherche, ainsi qu’une comparaison de programmes de formation dans 25 universités (12 au Québec et 13 en Ontario) et 1030 descriptifs de cours, nous avons établi des différences entre les deux provinces dans l’évolution de la conception du savoir enseignant et son influence sur les modèles de formation qui en ont découlé. Par exemple, nous avons démontré comment les conceptions des années 1950-1960 de la science pédagogique au Québec et de l’éducation libérale en Ontario ont conduit à des modèles de professionnalisation différents dans ces deux provinces. Au Québec, l’importance des compétences psychopédagogiques a amené un modèle de formation des enseignants plus « professionnalisé », tandis qu’en Ontario on a gardé un modèle combiné « académique » et « professionnel ».
Nous avons également analysé et comparé le rôle de l’État dans la professionnalisation de l’enseignement, de même que son rôle actuel d’encadrement de la formation, ce qui nous a permis de constater qu’il y a une gouvernance politique au Québec et une gouvernance corporative en Ontario.
Enfin, grâce à l’approche néo-wébérienne, cette recherche a permis d’établir une contribution nouvelle, sociologique et comparative, à l’évaluation critique de la formation des enseignants au Québec et en Ontario, notamment en mettant en relation l’évolution historique et sociologique du savoir; le rôle de l’État et les standards de formation et de certification des enseignants; ainsi que les modèles de formation et le savoir formel provenant de la formation et de la recherche universitaire. / The professionalization of teaching and teacher education has been a significant movement since the late 1980s in many social contexts. Since then, research on teachers' knowledge developed with the main objective of defining the nature of the knowledge base of teaching, which, at the same time, changed teacher education models. Canadian provinces were not spared by this movement, which induced reforms and changes in teacher education programs.
This doctoral research focuses on the professionalization of teaching and teacher education, and on teachers’ knowledge base, in two Canadian provinces: Quebec and Ontario. Our general objective was to identify, in a comparative perspective, how universities in these two provinces translated the policies of professionalization of teaching and teacher education, as well as the evolution of teachers’ knowledge, into teacher education programs during recent decades. To this end, we analyzed, more specifically, three issues relating to teachers’ knowledge: the conceptions of teaching as a profession and the knowledge base for teaching that should respectively guide and be included in teacher education programs in each of the provinces; the standards and skills that frame these programs; and the knowledge base that is actually present in teacher education programs (primary/junior). Thereby, we set out to answer the following research questions: How have the policies for the professionalization of teacher education developed by Quebec and Ontario been translated into university training programs? More specifically: 1. What are the dominant conceptions of professionalization emerging from Ontario and Quebec educational policies? (1.1. What has been the evolution of the educational policies governing teacher education and certification in these two provinces? 1.2. How has the knowledge base of teacher education evolved, and what competency frameworks or standards have been proposed? 1.3. What is the current official vision of the professional teacher to be trained) 2. What happens to the conceptions of professionalization when translated into teacher education programs in universities in Quebec and Ontario? (2.1. How is the professional knowledge base conceived in teacher education programs? 2.2. Are there ways of articulating theoretical and practical courses? What is the place of the practicum and research in the programs? 2.3. Are there any differences in what teachers are expected to learn depending on the context or, on the contrary, is a standardized knowledge base visible in these two different contexts? Where can we find these differences?).
This research thus raises the question about the teachers’ formal knowledge in the light of the sociology of professions, particularly through the neo-Weberian approach. This approach is situated within the “critical” approach in the field of the sociology of professions and is inspired by Weber to analyze professionalization according to the economic, political, historical and academic stakes that allow a group of workers to be awarded a “social closure” and to succeed in their “professionalization” process. Based on this theoretical framework, and through the analysis of 70 political and research documents, and a comparison of teacher education programs in 25 universities (12 in Quebec and 13 in Ontario) and 1030 courses descriptions, we identified a number of differences between these two provinces in the evolution of the official conception of the teachers’ knowledge base and its influence on the teacher education models that ensued. For example, we demonstrated how the conceptions of teachers’ knowledge in the 1950s and the 1960s (pedagogy as science in Quebec, and liberal education in Ontario), have influenced current models of professionalization in the two provinces. In Quebec, the importance of psycho-pedagogical skills led to a more “professionalized” teacher education model, while Ontario maintained a combined “academic” and “professional” model .
We also analyzed and compared the role of the State in the professionalization of teaching as well as its current role of supervision of teacher education. This led to the finding that the governance of teacher education and the teaching profession is political in Quebec and corporatist in Ontario.
Overall, the neo-Weberian approach enabled us to make a new contribution, sociological and comparative, to the critical examination of teacher education in Quebec and Ontario, in particular by linking the historical evolution of teachers’ knowledge, the role of the State, the teacher education models, and the current formal knowledge base for teaching that comes from university research and programs.
Identifer | oai:union.ndltd.org:umontreal.ca/oai:papyrus.bib.umontreal.ca:1866/18598 |
Date | 12 1900 |
Creators | Morales Perlaza, Adriana |
Contributors | Tardif, Maurice |
Source Sets | Université de Montréal |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thèse ou Mémoire numérique / Electronic Thesis or Dissertation |
Page generated in 0.003 seconds