L’interférence résulte du coût attentionnel provoqué par l’activation simultanée de deux processus cognitifs. Ce phénomène est mesuré par le test de Stroop Couleur qui met en jeu une situation de conflit entre deux dimensions en compétition d’un même stimulus. Les aspects émotionnels de l’interférence sont explorés par le test de Stroop Emotionnel qui évalue le coût attentionnel généré par le traitement de stimuli de valence émotionnelle forte en référence à des stimuli neutres. Une augmentation de l’interférence aux tests de Stroop pourrait être une des caractéristiques des troubles schizophréniques et bipolaires où s’observent un déficit d’inhibition et une dérégulation des émotions, anomalies qui sont particulièrement prononcées au cours des phases aiguës. L’exploration comparative de l’interférence permettrait de mieux différencier ou bien de rapprocher ces pathologies dont la distinction nosographique est discutée. Les objectifs de notre travail étaient : (i) comparer l’interférence dans ses aspects cognitifs et émotionnels dans les troubles schizophréniques et bipolaires, (ii) rechercher les corrélats cliniques de l’interférence aux tests de Stroop et (iii) identifier si l’interférence constitue un facteur de vulnérabilité aux troubles en la mesurant chez des apparentés de premier degré.Méthode : Les performances de patients souffrant de schizophrénie paranoïde (N=30) en phase productive et de manie bipolaire (N=30) ont été comparées à l’aide d’un test de Stroop Couleur et d’un test de Stroop Emotionnel. Les patients souffrant de trouble schizo-affectif étaient exclus. Des apparentés de premier degré non atteints de patients schizophrènes (N=30) et bipolaires (N=30) ont ensuite été comparés à chacun des tests. Des groupes de sujets témoins dépourvus de maladie psychiatrique ont été constitués. Une version carte du test de Stroop Emotionnel en langue française adaptée aux troubles schizophréniques et bipolaires a été spécifiquement élaborée pour inclure des mots paranoïdes (i.e. faisant référence aux idées de persécution), dépressifs, maniaques et neutres, appariés pour la longueur, la familiarité et la fréquence lexicale. Résultats : En phase aiguë, l’interférence cognitive et émotionnelle des patients schizophrènes et maniaques était supérieure à celle des témoins dans toutes les conditions. Au Stroop Couleur, l’effet d’interférence était comparable entre les patients schizophrènes et maniaques et n’était pas corrélé à l’intensité de la symptomatologie. Au Stroop Emotionnel, l’effet d’interférence dans les groupes cliniques était d’autant plus important que la valence émotionnelle faisait référence à la psychopathologie du trouble : les résultats ont montré un biais envers les mots paranoïdes chez les patients schizophrènes et un biais envers les mots maniaques comme dépressifs chez les maniaques. Si, dans le groupe de patients schizophrènes, l’amplitude de l’interférence paranoïde était corrélée à l’intensité des symptômes positifs, aucune corrélation n’a été observée entre les biais émotionnels et la symptomatologie dans le groupe des patients maniaques. Les performances des apparentés de premier degré des patients schizophrènes étaient inférieures à celles des témoins au Stroop Couleur, tandis que les apparentés de premier degré des patients maniaques montraient un biais envers les stimuli dépressifs.Conclusion : L’augmentation de l’interférence au test de Stroop Couleur pourrait être un marqueur de vulnérabilité commun aux troubles schizophréniques et bipolaires dont l’expression varie quantitativement avec l’expression phénotypique et la phase de la maladie. Cette anomalie pourrait se manifester de manière plus prononcée dans les troubles schizophréniques que bipolaires. Aucun corrélat clinique spécifique n’a été identifié. L’exploration des substrats cérébraux de l’effet d’interférence a permis d’identifier dans les deux pathologies un dysfonctionnement du cortex cingulaire antérieur (CCA), structure centrale dans la régulation de l’attention. En outre, une implication plus spécifique du cortex préfrontal v / Entral a été montrée dans le trouble bipolaire, témoignant des troubles de la régulation motivationnelle et affective présents dans cette pathologie. Au test de Stroop Emotionnel, les patients souffrant de schizophrénie et de trouble bipolaire présentent un biais envers les informations relatives à la psychopathologie spécifique de leur trouble. Dans la schizophrénie, le biais envers les informations relatives aux thèmes paranoïdes pourrait être impliqué dans le maintien ou le développement des symptômes productifs ; ce phénomène serait principalement déterminé par des facteurs d’état. Dans le trouble bipolaire, l’interférence émotionnelle pourrait traduire l’impact de l’hyperréactivité émotionnelle sur les processus d’inhibition cognitive ; de nombreux arguments suggèrent que l’interférence émotionnelle constitue un marqueur de vulnérabilité à cette pathologie. / Interference results from the attentional cost caused by the simultaneous activation of two cognitive processes. This phenomenon is measured by the Stroop Colour-Word Test that involves a situation of conflict between two dimensions in competition within the same stimulus. The emotional aspects of interference are explored by the Emotional Stroop Test, which assesses the attentional cost stemming from the processing of emotionally-valenced stimuli in reference to neutral ones. Increased Stroop interference could characterize both schizophrenic and bipolar disorders that share inhibitory deficit and emotional dysregulation, especially during acute phases. The comparative measure of interference would help to better understand the differences between these disorders whose nosographic distinction is discussed. Our objectives were: (i) to compare cognitive and emotional interference between schizophrenic and bipolar disorders, (ii) to seek the clinical correlates of interference and (iii) to identify whether interference is a marker of vulnerability to both disorders by measuring it among unaffected first degree relatives. Methods: Patients suffering from paranoid schizophrenia, acute phase (N=30) and bipolar disorder, manic phase (N=30) were compared while performing a Stroop Colour-Word Test and an Emotional Stroop Test. Patients with schizo-affective disorder were excluded. Unaffected first-degree relatives of schizophrenic (N = 30) and bipolar patients (N = 30) were then compared to each of these tests. Healthy subjects served as controls in both experiment. A French version of the Emotional Stroop Test adapted to schizophrenic and bipolar disorders was previously constructed; it included paranoid (i.e. referring to persecutory delusions), depressive, manic and neutral words matched for length, familiarity and lexical frequency.Results: Schizophrenic and manic patients showed greater cognitive and emotional interference than controls in each condition. There were no significant differences between schizophrenic and manic patients at the Stroop Colour-Word Test and their performances were not correlated with symptoms. At the Emotional Stroop Test, the interference effect in the clinical groups was greater when the emotional valence of the stimuli was related to the specific psychopathology: schizophrenic patients showed a bias towards paranoid words while manic patients showed a bias towards both depressive and manic words. In the schizophrenic group, paranoid interference was correlated with positive symptoms whereas no correlation was found between emotional bias and symptomatology in the manic group. First-degree relatives of schizophrenic patients performed poorly than controls on the Stroop Colour-Word Test while first-degree relatives of bipolar patients showed an emotional bias towards depressive stimuli. Conclusions: Our results suggest that increased Stroop Colour-Word interference is an endophenotype common to schizophrenic and bipolar disorders whose expression quantitatively varies with the phenotypic expression and the clinical phase. No clinical correlate to the interference effect has been identified yet in none of these disorders. However, this abnormality might be more pronounced and associated with schizophrenic disorders. Neuroimaging studies identified cerebral correlates of abnormal interference that were common to schizophrenic and bipolar disorders like the Anterior Cingulate Cortex. A more specific involvement of the ventral prefrontal cortex has been shown in bipolar disorder; this abnormality might be related to the motivational and emotional dysregulation. In schizophrenia, a bias towards paranoid stimuli could be a mechanism involved in the maintenance or the development of the productive symptoms; this phenomenon might be primarily determined by state factors. In bipolar disorder, we suggest that emotional interference represents the impact of emotional hyperreactivity on cognitive inhibition and a marker of vulnerability.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2010AIX20669 |
Date | 22 June 2010 |
Creators | Besnier, Nathalie |
Contributors | Aix-Marseille 2, Blin, Olivier |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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