La question de l’identité est au cœur de l’œuvre de Denis Johnston. Son théâtre revient de manière insistante sur l’histoire irlandaise, en particulier sur le processus de fabrication des mythes républicains qui transforment les meneurs des insurrections en héros de la nation, et dévoile l’écart entre les aspirations de ces grandes figures romantiques et les préoccupations fort terre-à-terre de ses contemporains au lendemain de la création de l’Etat Libre d’Irlande. La nation, telle qu’il la met en scène, semble s’être érigée sur les ruines de l’« identité irlandaise » telle que l’exaltaient les artisans de la Renaissance littéraire. Par ailleurs, Johnston met en crise la notion d’identité à l’échelle individuelle en interrogeant, par de nombreuses expérimentations dramaturgiques, le personnage de théâtre traditionnel : recours à l’allégorie, démultiplication des rôles pour un même personnage, sollicitation constante des jeux de rôles et de la métathéâtralité, le théâtre de Johnston fait la part belle à cette « crise du personnage » en laquelle Robert Abirached voit la marque du théâtre moderne. Notre hypothèse est que ces deux aspects de la dramaturgie johnstonienne sont les deux volets complémentaires d’une même critique du paradigme identitaire, dont il conviendra de définir les enjeux et les modalités. Nous analyserons conjointement les stratégies idéologiques et esthétiques que Johnston met en œuvre dans l'ensemble de ses pièces pour la scène, et montrerons qu'en démantelant les représentations figées d’une hypothétique « irlandité » pour mieux rendre à l’Irlande une identité multiple et mouvante, le dramaturge est peut-être, paradoxalement, l’un de ceux qui auront le mieux servi le projet des fondateurs du théâtre national irlandais. / Denis Johnston 's dramatic works question the notion of identity. They all focus on the history of Ireland and more especially on the way Irish rebels have been turned into national icons, although the materialistic culture developing in the young Irish Free State is at odds with the ideals of those Romantic figures. In his view, national identity has fossilized into clichés that jeer at the Irish Literary Revival. At the same time, his plays destabilize the notion of identity on an individual level, unsetting conventional stage characters. He stages the "crisis of the character" which, according to Robert Abirached, modern drama is concerned with. I argue that those two aspects of Johnston's work are the two sides of one and the same critique of the failure of conventional drama to convey identity on the stage. Studying the ideology that underpins Johnston's aesthetic experiments, I intend to show that the dramatist turns out to have paradoxically served the purpose of the founders of Irish national drama : he disfigures the clichés which supposedly embody Irishness, and thus allows the nation to imagine again its multifaceted identity.
Identifer | oai:union.ndltd.org:theses.fr/2013LIL30029 |
Date | 09 December 2013 |
Creators | Girel-Pietka, Virginie |
Contributors | Lille 3, Poulain, Alexandra |
Source Sets | Dépôt national des thèses électroniques françaises |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Electronic Thesis or Dissertation, Text |
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