Cette thèse interdisciplinaire analyse la manière dont des citoyens débattent lors d’une consultation publique organisée sur des questions éthiques controversées. Elle s’intéresse plus spécifiquement à la « présentation de soi » que des individus construisent à travers leurs écrits dans le but de crédibiliser leurs discours sur l’euthanasie. Sur ce sujet, ces voix citoyennes n’ont jusqu’ici que peu retenu l’attention des chercheurs. Le cas étudié concerne la consultation publique québécoise organisée en 2010-2011 par la « Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité ». Nous analysons à l’aide des outils de la rhétorique et de « l’argumentation dans le discours », les mémoires écrits (n= 149) envoyés par des citoyens à la Commission spéciale. Devant la taille et le nombre important de documents (de 1 à plus de 250 pages, 5 pages en moyenne), nous utilisons la formule « mourir dans la dignité », tout à fait centrale dans le débat québécois, comme un point d’accès à ce débat. Nous partons de cette formule pour comprendre comment les participants argumentent, avant de regarder dans les autres parties de ces mémoires. Quatre types moyens de présentation de soi se dégagent de l’analyse, à savoir l’expert (n=40), le témoin (n=40), l’opinant (n=52) et l’amateur (n=17). Là où l’expert se présente professionnellement de manière détaillée, là où le témoin développe son récit, l’opinant, lui, dit très peu de choses sur lui-même. Il se distingue des autres figures moyennes par la faible présence – et parfois l’absence – d’informations personnelles ou professionnelles. L’amateur se situe ici entre l’opinant et l’expert ou le témoin : les faits biographiques (personnels ou professionnels) tiennent généralement sur quelques lignes. Celui-ci se présente implicitement comme amateur lorsque, ayant la possibilité de s’appuyer sur une expertise ou expérience personnelle, choisit plutôt de dire ce que ne dit jamais l’expert et qui pourrait se résumer ainsi : « les personnes ordinaires comme moi ». À de très rares exceptions, toutes les personnes engagées politiquement dans cette consultation publique, aussi différentes soient-elles, affichent une grande certitude dans leurs croyances éthiques. À la question qui leur est notamment posée – faut-il légaliser l’euthanasie? – les participants ne montrent guère de doutes. Chacun fait comme si les convictions de l’adversaire étaient inférieures aux siennes qu’ils présentent souvent comme universelles. Concernant la formule « mourir dans la dignité », les participants prétendent implicitement à l’objectivité de leur définition. Ils agissent même comme s’il existait une seule définition de la formule « mourir dans la dignité » et une seule vérité éthique. Nous soutenons que ces manières d’argumenter sont efficaces pour masquer la fragilité des croyances éthiques et maintenir l’adversaire à distance. Notre conclusion suggère pourtant qu’une éthique plus humble, complexe et sociale pourrait fonctionner en dehors d’un système fortement polarisé.
Identifer | oai:union.ndltd.org:uottawa.ca/oai:ruor.uottawa.ca:10393/36380 |
Date | January 2017 |
Creators | Burnier, Daniel |
Contributors | Masson, Dominique, Lopez, José |
Publisher | Université d'Ottawa / University of Ottawa |
Source Sets | Université d’Ottawa |
Language | French |
Detected Language | French |
Type | Thesis |
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